Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.1118.N
I. E. B.,
prevenu,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten et Benjamin Gillard, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
1. STAD TONGEREN,
Me Pieter Helsen, avocat au barreau de Hasselt,
2. C. W.,
3. H. V.,
parties civiles,
defendeurs en cassation,
II. STAD TONGEREN,
partie civiles,
demanderesse en cassation,
contre
1. E. B.
2. VINCI PARK BELGIUM, societe anonyme,
prevenus,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
* Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 27 mai 2014 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
La demanderesse ne fait valoir aucun moyen.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la cour
* Sur la recevabilite des pourvois :
* * 1. L'arret acquitte le demandeur pour les preventions II et IV.
* En tant qu'il est dirige contre cette decision, le pourvoi I estirrecevable à defaut d'interet.
* * 2. La demanderesse, à savoir une partie civile qui n'a pas etecondamnee aux frais au penal, est depourvue de qualite pour critiquerles decisions rendues sur l'action publique engagee contre lesdefendeurs.
* En tant qu'il est dirige contre ces decisions, le pourvoi en cassationII est irrecevable.
* Sur le premier moyen :
* Quant à la premiere branche :
3. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.3.a dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.3.a du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, 1er du Titre preliminaire du Code de procedure penale et 22 duCode d'instruction criminelle, ainsi que de la formalite substantielle envertu de laquelle les faits pour lesquelles un prevenu est poursuividoivent figurer dans l'acte de saisine : l'arret a declare le demandeurcoupable du fait de faux en ecritures et usage de faux en se referant àla piece arguee de faux, deposee au greffe au titre de piece à convictionnDEG 2006/3133, alors que, selon le requisitoire final du ministere publicdu 3 septembre 2008 et l'ordonnance de renvoi du 21 octobre 2010, il etaitpoursuivi du chef de ce fait avec reference à la piece arguee de fauxdeposee au greffe comme piece à conviction nDEG 2006/3132.
4. Il appartient au juge de police et en matiere correctionnelle dedeterminer quel est le fait dont il a ete saisi et qui fait donc l'objetde la poursuite. Si ce fait n'a pas ete qualifie convenablement dansl'acte qui est à l'origine de sa saisine, il est tenu de corriger, decompleter ou de suppleer à cette qualification dans le respect des droitsde la defense.
5. L'arret (considerants 4.2.2.3.2.1 et 4.2.2.3.2.2), qui a constate quesix versions du projet de concession ont ete retrouvees, a considere queles poursuites ne portent pas, ni ne peuvent porter sur la deuxiemeversion deposee comme piece à conviction nDEG 2006/3132, ainsi que lepretend le demandeur, mais bien sur la sixieme version deposee comme pieceà conviction nDEG 2006/3133, aux motifs que :
- la piece à conviction nDEG 2006/3132 n'etait pas connue au moment de lademande d'ouverture d'une instruction et rien ne permet d'affirmer que leministere public entendait incriminer dans son requisitoire final unepiece autre que celle qui faisait l'objet de son requisitoire originel ;
- la prevention I contient le libelle litteral de la piece à convictionnDEG 2006/3133, alors que, dans le requisitoire final, cette prevention nefait nulle part mention des caracteristiques particulieres de la piece àconviction nDEG 2006/3132, notamment des mentions manuscrites figurant surcette piece ;
- le fait que ces mentions manuscrites figurant sur la piece à convictionnDEG 2006/3132 feraient l'objet du faux est en parfaite contradiction avecle libelle de la prevention I.
L'arret a ensuite considere que la mention, dans le requisitoire final etl'ordonnance de renvoi, de la piece à conviction nDEG 2006/3132 au titrede piece arguee de faux repose sur une erreur materielle, à savoir unefaute de frappe ayant consiste à mentionner comme dernier chiffre 2 aulieu de 3, et a corrige la prevention dans ce sens.
L'arret qui n'a ainsi pas modifie l'objet reel des poursuites, mais adetermine cet objet et corrige la prevention dans ce sens n'a viole aucunedisposition conventionnelle ou legale, ni aucune formalite substantielle,mais a legalement justifie la decision.
Le moyen, en cette branche, ne saurait etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
6. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1319,1320 et 1322 du Code civil : en considerant la mention 2006/3132 au lieude 2006/3133 comme une erreur purement materielle, l'arret a viole lelibelle du requisitoire final et de l'ordonnance de renvoi, dans lesquelscette mention figure ; le juge ne peut rectifier une erreur dans un acteque lorsqu'il s'agit d'une erreur materielle manifeste, mais non lorsquel'inexactitude decoule d'une negligence qui ne constitue pas une erreurmaterielle ; il ne resulte d'aucune maniere du requisitoire final, del'ordonnance de renvoi et de la piece deposee comme piece à convictionnDEG 2006/3132 que l'usage du terme "2006/3132" aurait ete une faute defrappe et donc une erreur materielle ; il s'agissait d'une erreurintellectuelle du procureur du Roi et de la chambre du conseil, etantdonne que la piece en question existe effectivement, qu'elle contient uneversion de la convention de concession arguee de faux et qu'elle aeffectivement ete deposee comme piece arguee de faux ; par consequent,l'arret n'a pu legalement, sur la base des considerations qu'il contient,conclure à l'existence d'une erreur materielle qu'il pouvait rectifier.
7. Le juge peut rectifier une erreur dans un acte lorsqu'il considere, enraison du contexte des pieces soumises à son appreciation, qu'il ne faitaucun doute qu'il s'agit d'une erreur materielle. Il ne peut toutefoispas, sous pretexte de rectifier une telle erreur, corriger le fait soumisà son appreciation et, ce faisant, modifier l'objet de la poursuite parune mention ne constituant pas une erreur purement materielle.
8. Le juge apprecie souverainement, sur la base des faits qu'il constatesouverainement, si une mention inexacte dans un acte decoule d'une erreurmaterielle qu'il peut rectifier. Il peut deduire notamment cetteappreciation de la circonstance que l'erreur constatee est telle qu'ellene peut que resulter d'une erreur purement materielle. La Cour verifie si,de ses constatations, le juge ne tire pas des consequences qui y sontetrangeres ou qui sont inconciliables avec la notion d'erreur materielle.
9. L'arret qui statue comme mentionne dans la reponse au premier moyenpeut deduire de ses constatations que la mention, dans le requisitoirefinal du ministere public et l'ordonnance de renvoi, de la piece àconviction nDEG 2006/3132 au lieu de la piece à conviction nDEG 2006/3133constitue une erreur materielle resultant d'une faute de frappe qu'il peutrectifier. La circonstance que la piece à conviction mentionneeerronement dans ces actes a egalement ete deposee comme piece arguee defaux au greffe n'y fait pas obstacle. L'arret donne ainsi de ces actes uneinterpretation qui n'est pas inconciliable avec leurs termes.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
* Sur le second moyen :
10. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 et 6.3.c de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance des principes generaux du droitrelatifs au droit à un proces equitable, à l'egalite des armes et aurespect des droits de la defense : l'arret qui fonde de manieredeterminante la decision relative à la dissimulation de la verite commeelement constitutif du faux declare etabli à charge du demandeur sur lesdeclarations de V. rejette à tort la demande du demandeur d'entendrecette personne comme temoin à l'audience au motif que cela n'est pasnecessaire à la manifestation de la verite ; lorsqu'un prevenu ledemande, un temoin dont le temoignage apparait pertinent pour la recherchede la verite doit etre entendu à l'audience afin d'assurer le droit aucontradictoire, sauf lorsque la loi ou les faits ne le permettent pas ; ilne peut etre tenu compte d'une declaration faite au cours de l'informationque lorsque le prevenu a eu l'occasion de contester le temoignage ainsique d'interroger le temoin.
11. En vertu de l'article 6.3.d. de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales, tout accuse a droit notamment àinterroger ou faire interroger les temoins à charge et à obtenir laconvocation des temoins à decharge dans les memes conditions que lestemoins à charge.
12. Ce droit n'est toutefois pas illimite. Le juge apprecie, moyennant lerespect des droits de la defense, s'il y a lieu d'entendre un temoin et sicette audition est necessaire à la manifestation de la verite.
Contrairement à ce que le moyen suppose, les dispositionsconventionnelles et les principes generaux du droit invoques necontiennent pas l'obligation, pour le juge qui deduit certainesconsequences des declarations faites au cours de l'instruction, detoujours donner suite à la demande faite par une partie lesee par cesdeclarations d'entendre la personne qui les a faites comme temoin àl'audience chaque fois que les faits ou la loi le permettent.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
13. L'arret (considerant 4.2.2.3.2.3) fonde la decision que le demandeur adissimule la verite dans la piece à conviction nDEG 2006/3133 arguee defaux tant sur sur les declarations faites par V. au cours de l'instructionjudiciaire que sur un ensemble d'autres considerations de fait, notammentque :
- la these du demandeur selon laquelle il n'aurait pas dissimule la veritedans la cinquieme version de la convention de concession ne cadre pas avecl'analyse des serveurs et de la messagerie de la defenderesse 1 et du PCde la secretaire V. ;
- les declarations de V. sont confirmees par les declarations d'autrespersonnes, comme le bourgmestre, le secretaire communal et le receveurcommunal ;
- il ressort d'un certain nombre de circonstances enumerees dans l'arretque le demandeur a donne suite à la pression de D. et M. en rapport avecun projet immobilier dont la realisation dependait de l'octroi de laconvention de concession ;
- le bourgmestre et le secretaire communal confirment que, contrairementà ce que pretend le demandeur, la convention de concession n'a ete signeequ'une fois.
L'arret (considerant 4.2.2.3.2.3.e) a ensuite considere que l'audition deV. à l'audience n'est pas necessaire à la manifestation de la verite aumotif que :
- V. etait depuis plusieurs annees la secretaire du demandeur, ellesatisfaisait aux exigences d'une honnetete sans faille et il n'y avait pasde froid entre eux ;
- V. a ete entendue à quatre reprises au cours de l'instructionjudiciaire et le demandeur a eu, ainsi que les autres parties, le droit,conformement aux procedures mises à sa disposition, de tester et de fairecontredire sa fiabilite et la veracite de ses declarations, ce qu'il fiteffectivement ;
- les actes d'instruction complementaires demandes par le demandeur,tendant à controler les declarations de V. au regard d'un certain nombred'elements avances par lui, ont ete effectues dans leur integralite ;
- l'instruction semble etre complete, sans presenter de lacunes.
L'arret qui deduit ainsi notamment la veracite des declarations de V.d'elements independants de ces declarations du dossier repressif et quiindique par ailleurs les motifs pour lesquels le demandeur a dejà pu lestester et les faire contredire au cours de l'instruction judiciaire alegalement justifie la decision que l'audition de V. comme temoin àl'audience n'est pas necessaire à la manifestation de la verite.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
14. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Peter Hoet, Antoine Lievens, ErwinFrancis et Sidney Berneman, conseillers, et prononce en audience publiquedu vingt-deux septembre deux mille quinze par le president Paul Maffei, enpresence de l'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffierFrank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Franc,oise Roggen ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
22 SEPTEMBRE 2015 P.14.1118.N/1