Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.0238.F
1. M. K. A.H.,
2. M. K. A. S.,
3. M. K. A. R.,
4. M. K. A. M.,
5. Z.B. S. A. M.,
6. M. K. A. M.,
7. M. K. A.S.,
8. M. K. A. M., S. S., inculpes,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149/20, ou il estfait election de domicile, et ayant pour conseil Maitre Fernand deVisscher, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
1. F.A., ayant fait election de domicile chez son conseil, Maitre SelmaBenkhelifa, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est etablià Saint-Josse-ten-Noode, chaussee de Haecht, 55,
2. B. S. R. W., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreVeronique van der Plancke, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue du Congres, 49,
3. LE CENTRE FEDERAL POUR L'ANALYSE DES FLUX MIGRATOIRES, LA PROTECTIONDES DROITS FONDAMENTAUX DES ETRANGERS ET LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DESETRES HUMAINS, anciennement denomme CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCESET LA LUTTE CONTRE LE RACISME, dont le siege est etabli à Bruxelles,rue Royale, 138,
4. R. S., ayant fait election de domicile chez son conseil, Maitre SelmaBenkhelifa, mieux identifiee ci-dessus,
5. Z. F., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreZaverio Maglioni, avocat au barreau de Liege, dont le cabinet estetabli à Liege, rue de Joie, 56,
6. PAYOKE, association sans but lucratif, ayant fait election de domicilechez son conseil, Maitre Alexis Deswaef, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue du Congres,49,
7. A. M., ayant fait election de domicile chez son conseil, Maitre AlexisDeswaef, mieux identifie ci-dessus,
8. B. H.F., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreAlexis Deswaef, mieux identifie ci-dessus,
9. L.G. T., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreAlexis Deswaef, mieux identifie ci-dessus,
10. A. I., ayant fait election de domicile chez son conseil, Maitre AlexisDeswaef, mieux identifie ci-dessus,
11. T. J., ayant fait election de domicile chez son conseil, Maitre AlexisDeswaef, mieux identifie ci-dessus,
12. G. L.R., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreJean-Pierre Jacques, avocat au barreau de Liege, dont le cabinet estetabli à Liege, Mont Saint-Martin, 74,
13. G.P. P., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreJean-Pierre Jacques, mieux identifie ci-dessus,
14. M. M. B. H., ayant fait election de domicile chez son conseil, MaitreThomas Mitevoy, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet estetabli à Saint-Josse-ten-Noode, chaussee de Haecht, 55,
15. PAG-ASA, association sans but lucratif, dont le siege est etabli àBruxelles, rue des Alexiens, 16b,
parties civiles,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 22 janvier 2014 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, statuant commejuridiction de renvoi ensuite de l'arret rendu par la Cour le 24 avril2013.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
L'avocat general Damien Vandermeersch a depose des conclusions au greffele 10 juin 2015.
A l'audience du 17 juin 2015, le conseiller Pierre Cornelis a fait rapportet l'avocat general precite à conclu.
Le 7 aout 2015, les demandeurs ont depose une note en reponse auxconclusions du ministere public.
II. la decision de la cour
La demanderesse appelee S. M. K A. dans l'arret attaque s'identifie avecS.M. K.A..
Sur le deuxieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 15.1, du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques, 6 et 7 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 32 du titre preliminaire du Code de procedure penale, 2 duCode penal, 2 et 3 du Code judiciaire ainsi que du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense.
Il est fait grief à l'arret d'appliquer l'article 32 precite pourapprecier l'admissibilite des preuves recueillies lors de la visitedomiciliaire du 1er juillet 2008, en meconnaissance des regles relativesà l'application de la loi dans le temps en vertu desquelles les lois deprocedure ne s'appliquent ni aux situations dejà accomplies avant lanouvelle loi ni lorsque leur application constituerait une atteinte auxdroits de la defense ou une aggravation de la situation du prevenu.
Les regles qui gouvernent l'admissibilite des preuves irregulieres ne fontpas partie de celles qui definissent l'infraction et determinent la peine,visees aux articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, 15.1 du Pacte international relatif auxdroits civils et politiques et 2 du Code penal.
Conformement aux articles 2 et 3 du Code judiciaire, l'article 32 du titrepreliminaire du Code de procedure penale est applicable aux proces encours. Il s'applique des lors immediatement à toutes les infractionscommises avant son entree en vigueur, le 22 novembre 2013, et non encorejugees definitivement ou prescrites.
Pareille application immediate n'est contraire ni à l'article 6 de laConvention ni aux droits de la defense, lesquels ne reglementent pasl'admissibilite des preuves illegales ou irregulieres en tant que telle,des lors que le respect du droit à un proces equitable, y compris dans lamaniere dont les elements de preuve ont ete recueillis, doit etre appreciepar le juge au regard de l'ensemble de la procedure.
Le moyen manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 131, S:S: 1er et 2, et235bis, S: 6, du Code d'instruction criminelle.
Les demandeurs reprochent à la chambre des mises en accusation d'avoirconsidere, en ce qui concerne l' « examen » des consequences d'uneviolation d'une formalite substantielle touchant à l'organisation descours et tribunaux, qu'il « est identique à celui auquel elle auraitprocede avant la loi du 24 octobre 2013 ».
Le motif critique n'a pas d'incidence sur la legalite de la decisionrelative à l'application immediate de cette loi.
Meme fonde, le moyen est dirige contre une consideration surabondante del'arret. Il est partant irrecevable à defaut d'interet.
Sur le troisieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen reproche à l'arret de ne pas repondre aux conclusions desdemandeurs soutenant que la violation d'une regle substantielle touchantà l'organisation des cours et tribunaux doit etre assimilee à laviolation d'une formalite prescrite à peine de nullite.
En se referant au texte et aux travaux preparatoires de la loi du 24octobre 2013, les juges d'appel ont enonce que le legislateur « aconsacre » notamment le critere tenant au non-respect des conditions deformes prescrites à peine nullite, mais « n'a pas retenu le critered'exclusion (...) en raison d'une violation d'une forme substantielletouchant à l'organisation des cours et tribunaux ».
Ils ont ajoute que la violation d'une telle forme substantielle ne peutetre examinee qu' « à travers le prisme des criteres `Antigoon' ».
Ainsi, l'arret repond aux conclusions du demandeur.
Le moyen manque en fait.
Quant à la deuxieme branche :
Il resulte des travaux preparatoires de la loi du 24 octobre 2013 que lanullite d'un element de preuve obtenu irregulierement, visee à l'article32 du titre preliminaire du Code de procedure penale et relative aurespect des conditions formelles prescrites à peine de nullite, n'inclutpas la violation d'une regle substantielle touchant à l'organisation descours et tribunaux.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
A titre subsidiaire, les demandeurs invitent la Cour à poser à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante : « Interprete en cesens qu'il n'impose pas la nullite et l'ecartement de l'element de preuverecueilli en violation d'une norme substantielle touchant àl'organisation des cours et tribunaux, alors qu'il impose la nullite del'element de preuve recueilli en violation d'une formalite prescrite àpeine de nullite, l'article 32 du titre preliminaire du Code de procedurepenale institue-t-il une discrimination entre les justiciables confrontesà un element de preuve recueilli en violation d'une norme substantielletouchant à l'organisation des cours et tribunaux et ceux confrontes à unelement de preuve recueilli en violation d'une formalite prescrite àpeine de nullite et viole-t-il ainsi les articles 10 et 11 de laConstitution ? »
Il ressort des termes memes de la question qu'elle ne denonce pas unedistinction operee par la loi entre des personnes se trouvant dans la memesituation juridique et auxquelles s'appliqueraient des regles differentes.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de poser la question prejudicielle.
Quant à la troisieme branche :
Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsi quedes principes generaux du droit relatifs au respect des droits de ladefense et au droit à un proces equitable.
En tant qu'il soutient que la violation d'une regle de competence portenecessairement et irremediablement atteinte au droit à un procesequitable, le moyen manque en droit.
Dans la mesure ou il est deduit du grief vainement invoque dans lapremiere branche du deuxieme moyen, le moyen manque egalement en droit.
Pour le surplus, les demandeurs critiquent la decision des juges d'appelde considerer que l'erreur commise est excusable.
Le juge apprecie en fait le caractere excusable de l'irregularite commisedans l'obtention de la preuve, la Cour controlant cependant si, de sesconstatations, il a pu legalement deduire cette decision.
Apres avoir releve que le juge de police avait autorise la visitedomiciliaire litigieuse en precisant que celle-ci devait etre effectueepar l'inspection sociale dans les limites de sa competence legale, l'arretconsidere qu'une certaine confusion terminologique avait pu s'operer avantla visite domiciliaire en ce sens que les documents qui ont donne lieu àcette visite comportaient des references à la traite des etres humains.Cette confusion s'expliquait conceptuellement par le fait que la traite etle trafic des etres humains sont indissociables du travail clandestin etde la mise au travail dans des conditions contraires à la dignitehumaine.
Dans ce contexte, le legislateur avait ainsi, selon les juges d'appel,etendu la competence des inspecteurs sociaux charges de la surveillancedes infractions relevant des legislations specifiques de droit social àcelles relatives à la traite et au trafic des etres humains et à la loidu 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissementet l'eloignement des etrangers.
Le pouvoir d'appreciation du ministere public justifiait l'intentiond'instruire en priorite les infractions de droit penal social, le «maelstrom legislatif », ainsi que l'enonce l'arret, pouvant expliquer laconfusion qui a suivi.
De ces considerations, la chambre des mises en accusation a pu legalementdeduire que l'illegalite commise dans l'obtention de la preuve procedaitd'une erreur excusable.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 87 à 90 et 227 du Coded'instruction criminelle, 81 de la loi du 15 decembre 1980 ainsi que 1 et4, S: 1er, 1DEG, de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection dutravail, telle qu'elle etait en vigueur avant son abrogation par la loi du6 juin 2010 introduisant le Code penal social.
L'arret decide que l'autorisation du juge de police etait necessaire pourproceder à la visite domiciliaire en ce qui concerne les infractionsspecifiques de droit social et que les preuves recoltees concernant lespreventions C à M n'etaient donc pas entachees d'irregularite. Le moyensoutient que ces infractions etaient connexes à l'infraction de traitedes etres humains et que le juge d'instruction etait des lors seulcompetent pour delivrer une autorisation de visite domiciliaire pourl'ensemble des infractions. Il en deduit que l'arret attaque viole lesregles relatives à la connexite, la competence du juge d'instruction etla competence specifique et limitee du juge de police.
Des lors qu'une visite domiciliaire a, comme en l'espece, pour objet deconstater des infractions de droit commun et de droit penal social, unmandat de perquisition delivre par un juge d'instruction etait necessairepour la constatation des infractions relevant tant de la premiere que dela seconde categorie.
Il ressort de la reponse aux deuxieme et troisieme moyens que les jugesd'appel ont legalement justifie leur decision que cette irregularite nepeut entrainer la nullite des elements de preuve recueillis lors de lavisite domiciliaire.
Ne pouvant entrainer la cassation, le moyen est irrecevable à defautd'interet.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxes à la somme de cent soixante euros onze centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze parFrederic Close, president de section, en presence de Damien Vandermeersch,avocat general, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | F. Roggen | G. Steffens |
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| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
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23 SEPTEMBRE 2015 P.14.0238.F/1