Cour de cassation de Belgique
Arret
I.
NDEG C.14.0468.N
VLAAMSE MILIEUMAATSCHAPPIJ,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
P. W. D.,
Me Marc Gadisseur, avocat au barreau d'Anvers.
II.
NDEG C.14.0469.N
VLAAMSE MILIEUMAATSCHAPPIJ,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. G. A. et consorts.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 11 juin2014 par la cour d'appel d'Anvers.
Le president de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat general Christian Vandewal a conclu.
II. Les moyens de cassation
Quant à la cause C.14.0468.N
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente deux moyens.
Quant à la cause C.14.0469.N
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.
III. La decision de la Cour
A. Jonction
1. Les deux pourvois sont diriges contre le meme arret. Il y a lieu de lesjoindre.
B. Dans la cause C.14.0468.N
(...)
C. Dans la cause C.14.0469.N
Quant à la premiere branche :
5. Celui qui, en vertu de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil,reclame la reparation d'un dommage cause par le fait d'une chose doituniquement prouver que le defendeur avait sous sa garde une chose atteinted'un vice, qu'il a subi un dommage et qu'il existe une relation decausalite entre le vice de la chose et le dommage.
La presomption de responsabilite qui pese alors sur le gardien d'une chosene peut etre renversee que si celui-ci prouve que le dommage n'est pas duau vice de la chose, mais à une cause etrangere.
Dans la mesure ou il est fonde sur un soutenement juridique contraire, lemoyen, en cette branche, manque en droit.
6. Les juges d'appel ont considere que :
- les 13 et 14 septembre 1998, les defendeurs ont apporte la preuve que lesysteme d'egouttage litigieux presentait une caracteristique deviante etanormale par rapport à son modele qui dans certaines circonstances, commede fortes precipitations estivales combinees à un niveau d'eau eleve dansle Schijncollector, pouvait causer des dommages dus à l'inondation deszones habitables ;
- les inondations litigieuses des 13 et 14 septembre 1998 survenues àMerksem ont cause des degats des eaux aux immeubles et au mobilier parcequ'en raison de ce vice, les precipitations n'ont pas ou pas suffisammentrapidement ete evacuees par le Ringcollector en se deversant dans leSchijncollector.
7. Dans la mesure ou il soutient « qu'il ne ressort pas de l'arret qu'ila prealablement constate que les conditions de la responsabilite etaientremplies et notamment que le dommage tel qu'il s'est produit ne se seraitpas realise en l'absence du vice », le moyen, en cette branche, manque enfait.
(...)
Sur la troisieme branche :
11. En vertu de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil, on estresponsable du dommage cause par les choses que l'on a sous sa garde.
Le gardien de la chose viciee est tenu de reparer le dommage cause par levice de la chose et la personne lesee a, en regle, le droit à lareparation integrale du dommage qu'elle a subi.
A cet egard, il est requis qu'en l'absence du vice de la chose, le dommagene se serait pas produit tel qu'il s'est realise in concreto.
Lorsque plusieurs causes sont à l'origine d'un meme dommage, il suffit,pour etre tenu à une reparation integrale, que le vice de la chose aitaggrave l'etendue du dommage, meme si le sinistre se serait aussi produiten l'absence du vice de la chose, mais dans une moindre mesure.
12. Les juges d'appel ont constate que les defendeurs soutiennent que lesdegats des eaux auraient ete moindres si le systeme d'egouttage n'avaitpas presente de vice et qu'ils se fondent sur la theorie de l'equivalencedes conditions et ont decide que la demanderesse devait reparerl'entierete des dommages subis par les defendeurs, nonobstant la situationde force majeure.
Ils ont considere que :
- il ressort du rapport de l'IMDC (International Marine and DredgingConsultants) que les consequences des evenements survenus en septembre1998 auraient ete moins graves si le systeme d'egouttage avait pu resisterà une surcharge d'eau en cas de fortes precipitations estivales avec uneperiode de retour de deux à cinq ans et qu'il y a lieu d'entendre par« moins graves » que l'inondation aurait ete de plus courte duree et quele niveau de l'eau aurait ete moins eleve dans la zone inondee ;
- à defaut de vice du systeme d'egouttage, le niveau et la duree desinondations n'auraient pas ete les memes qu'en l'espece ;
- les conditions atmospheriques extremes n'etaient pas la cause unique dudommage tel qu'il s'est produit in concreto ;
- pour aboutir à ce dommage concret, l'existence dudit vice presente parle systeme d'egouttage et d'evacuation etait requise.
13. Les juges d'appel qui ont ainsi constate qu'en l'absence du vice de lachose que la demanderesse avait sous sa garde, les degats des eauxauraient ete moins importants et que ce dommage specifique ne se seraitdes lors pas produit tel qu'il s'est realise in concreto de sorte que cesdegats sont en lien causal avec le vice de la chose, ont legalementjustifie leur decision de condamner la demanderesse à l'entierete de lareparation.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
(...)
Quant à la quatrieme branche :
15. Le moyen, qui, en cette branche, et tel qu'il ressort de la reponse aumoyen en sa troisieme branche, critique des motifs surabondants, estirrecevable à defaut d'interet.
Quant à la cinquieme branche :
16. Il ressort de la reponse au moyen en sa premiere branche qu'il n'estpas contradictoire, d'une part, s'agissant de la responsabilite de lademanderesse en tant que gardien d'une chose viciee, de retenir le vice dusysteme d'egouttage comme etant la cause de l'inondation et des degats deseaux, et, d'autre part, en liberant la demanderesse de touteresponsabilite extracontractuelle, de considerer que le vice n'a pas causel'inondation en soi, mais l'a uniquement aggravee quant à sa duree et sonintensite.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les causes C.14.0468.N et C.14.0469.N ;
Quant à la cause C.14.0468.N
Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne la demanderesse à payer audefendeur des dommages et interets, majores des interets et qu'il statuesur les depens entre ces parties ;
Quant à la cause C.14.0469.N
Rejette le pourvoi et la demande en declaration commun ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne la demanderesse aux depens dans la cause C.14.0469.N ;
Taxe les depens dans la cause C.14.0469.N pour la demanderesse à35.719,77 euros ;
Reserve les depens dans la cause C.14.0468.N pour qu'il soit statue surceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, president, lespresidents de section Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, lesconseillers Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononce en audiencepublique du douze novembre deux mille quinze par le president de sectionAlbert Fettweis, en presence de l'avocat general Christian Vandewal, avecl'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.
Le greffier, Le president de section,
Requete
12 NOVEMBRE 2015 C.14.0468.N/1
C.14.0469.N
Requete/1