Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.15.0010.N
ETAT BELGE, represente par le ministre des Classes moyennes, desIndependants, des PME, de l'Agriculture et de l'Integration sociale,
Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
LANTMA:NNEN UNIBAKE MOUSCRON, s.a.,
Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 septembre2014 par la cour d'appel de Gand.
L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrites le 2juin 2015.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
L'avocat general Christian Vandewal a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche
1. L'article 1er, paragraphe 1er, du Reglement nDEG 2988/95 du Conseil du18 decembre 1995 relatif à la protection des interets financiers desCommunautes europeennes dispose qu'aux fins de la protection des interetsfinanciers des Communautes europeennes, est adoptee une reglementationgenerale relative à des controles homogenes et à des mesures et dessanctions administratives portant sur des irregularites.
Aux termes du paragraphe 2 de cette disposition, est constitutive d'uneirregularite toute violation d'une disposition du droit communautaireresultant d'un acte ou d'une omission d'un operateur economique qui a ouaurait pour effet de porter prejudice au budget general des Communautes ouà des budgets geres par celles-ci, soit par la diminution ou lasuppression de recettes provenant des ressources propres perc,uesdirectement pour le compte des Communautes, soit par une depense indue.
L'article 3, paragraphe 1er, dudit reglement dispose que le delai deprescription des poursuites est de quatre ans à partir de la realisationde l'irregularite visee à l'article 1er, paragraphe 1er. Toutefois, lesreglementations sectorielles peuvent prevoir un delai inferieur qui nesaurait aller en dec,à de trois ans.
Aux termes du paragraphe 3 de cette disposition, les Etats membresconservent la possibilite d'appliquer un delai plus long que celui prevurespectivement au paragraphe 1er et au paragraphe 2.
2. L'article 2262bis, S: 1er, alinea 1er, du Code civil, insere par la loidu 10 juin 1998 et entre en vigueur le 27 juillet 1998, dispose que toutesles actions personnelles sont prescrites par dix ans.
3. La Cour de justice de l'Union europeenne a considere dans ses arretsrendus le 29 janvier 2009 (Hauptzollamt Hamburg-Jonas contre Josef VosdingSchlacht-, Ku:ht- und Zerlegebegrieb, dans les cause jointes C-278/07 àC-280/07 incluses) et le 22 decembre 2010 (societe anonyme Corman contreBureau d'Intervention et de Restitution belge, C-131/10) qu'en vertu del'article 3, paragraphe 3, du Reglement nDEG 2988/95, d'une part, lesEtats membres conservent la possibilite d'appliquer des delais deprescription plus longs qui existaient au moment de l'adoption de cereglement, d'autre part, ils peuvent ulterieurement instaurer de nouvellesregles de prescription prevoyant de tels delais. Cette disposition nepeut, en outre, pas etre interpretee en ce sens que les Etats membres, quifixent des delais de prescription plus longs, doivent le faire dans desreglementations specifiques et/ou sectorielles. Ces delais peuvent doncresulter de dispositions de droit commun.
4. Il suit de la combinaison de ces dispositions et de la jurisprudence dela Cour de justice europeenne qu'en vertu de l'article 3, paragraphe 3, dureglement nDEG 2988/95, un delai de prescription plus long peut resulterde la disposition de droit commun de l'article 2262bis, S: 1er, alinea1er, du Code civil.
5. Le juge d'appel a considere que « le Reglement nDEG 2988/95 prevoit undelai de prescription particulier dans le secteur specifique dont il estquestion. Ce delai specifique est donc, en principe, applicable. Iln'apparait pas que le legislateur a voulu ecarter l'application du delaide prescription specifique du reglement en question par l'article 2262bis,S: 1er, du Code civil » et que « la possibilite donnee par le Reglement2988/95 aux differents Etats membres d'instaurer un delai de prescriptionplus long - comme le confirme la Cour de justice - n'equivaut pas à unautomatisme. Ce n'est pas parce que la reglementation de droit commun del'article 2262bis du Code civil existe (...) qu'elle elimineautomatiquement - à partir du moment ou le reglement en question faitpartie de l'ordre juridique belge - la reglementation specifique duReglement 1988/95 qui serait remplacee de plein droit par lareglementation de droit commun ».
6. En declarant ainsi l'article 2262bis, S: 1er, alinea 1er, du Code civilinapplicable à l'action du Bureau d'Intervention et de Restitution belge,le juge d'appel n'a pas legalement justifie sa decision.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Beatrijs Deconinck, president, lepresident de section Alain Smetryns, les conseillers Geert Jocque, BartWylleman et Koenraad Moens, et prononce en audience publique du douzenovembre deux mille quinze par le president de section Beatrijs Deconinck,en presence de l'avocat general Christian Vandewal, avec l'assistance dugreffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Marie-Claire Ernotte ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,
Requete
12 NOVEMBRE 2015 C.15.0010.N/1
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