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29/02/2016 | BELGIQUE | N°S.15.0049.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 février 2016, S.15.0049.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0049.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de la Defense, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue Lambermont, 8,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

P. R.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 septembre2013 par la cour du travail d

e Bruxelles.

Le 17 decembre 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0049.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de la Defense, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue Lambermont, 8,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

P. R.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 septembre2013 par la cour du travail de Bruxelles.

Le 17 decembre 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 100 des lois sur la comptabilite de l'Etat, coordonnees pararrete royal du 17 juillet 1991 ;

- article 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre preliminaire duCode de procedure penale.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel du demandeur recevable mais non fonde et condamnele demandeur à payer au defendeur, au titre de remuneration, la somme de3.360,36 euros, augmentee des interets compensatoires à dater de chaqueecheance, liquides au taux de 5 p.c. et capitalises à chaque fois qu'ilssont dus pour une annee entiere, et des interets judiciaires, aux motifssuivants :

« La [cour du travail] fait sienne, pour l'essentiel, l'analyse dupremier juge ;

1. Il est admis par les parties que l'absence de paiement de laremuneration à laquelle le travailleur a droit, [...] dans le secteurprive comme dans le secteur public, constitue une infraction penalesanctionnee par l'article 42 de la loi du 12 avril 1965 concernant laprotection de la remuneration des travailleurs, dans sa version applicableà l'epoque ;

2. Le paiement d'une remuneration insuffisante, repete chaque mois,procede du meme manquement initial de l'administration, d'une united'intention. Sa regularite en fait une infraction continuee et, dans cecas, la prescription ne commence à courir qu'avec la commission dudernier acte delictueux [...] ;

3. L'intention delictuelle ne suppose pas que l'infraction ait ete commisevolontairement, frauduleusement ou avec une volonte de nuire ;

Le non-paiement de la remuneration due à un travailleur est uneinfraction qui ne requiert pas la demonstration d'un element moralspecifique, le seul fait de la transgression de la norme legale suffit :`la transgression materielle d'une disposition legale ou reglementaireconstitue en soi une faute qui entraine la responsabilite penale et civilede l'auteur, à condition que cette transgression soit commise librementet consciemment' [...] ;

4. La reparation du dommage cause par l'infraction incombe à l'employeur,en la cause [au demandeur]. Le fait que [le demandeur] soit exclu, parl'article 5 du Code penal, des personnes morales susceptibles d'encourirune sanction penale est, dans le present litige et en raison de l'objet dela demande, sans pertinence quant à la solution de ce litige ;

On observera d'ailleurs que, avant la modification de l'article 5introduisant la responsabilite penale des personnes morales, lesemployeurs personnes morales de droit prive ou de droit public se voyaientappliquer la prescription prevue à l'article 26 du titre preliminaire duCode de procedure penale pour les demandes basees sur des faitsconstitutifs d'infraction commis par leur preposes. L'introduction en 1999de la responsabilite penale des personnes morales ne modifie en rien cettesolution ;

La [cour du travail] rappelle le libelle de l'article 26 : `l'actioncivile resultant d'une infraction se prescrit selon les regles du Codecivil ou des lois particulieres qui sont applicables à l'action endommages et interets. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avantl'action publique' ;

Il se deduit de cette disposition qu'il suffit de constater l'existenced'une infraction pour qu'elle trouve à s'appliquer et non que son auteursoit poursuivi et puni ;

L'existence de l'infraction a ete constatee ci-dessus par la [cour dutravail] ;

5. La [cour du travail] n'aperc,oit pas en quoi l'article 100 des loiscoordonnees du 17 juillet 1991 sur la comptabilite de l'Etat permettraitde deroger à la regle generale etablie par l'article 26 du titrepreliminaire du Code de procedure penale. Ces deux dispositions ne sontd'ailleurs pas fondamentalement contradictoires mais complementaires : laprescription est bien celle qui est prevue par la loi particuliere (enl'occurrence dix ans) mais avec une restriction : elle ne peut etre pluscourte que la prescription penale (en l'occurrence cinq ans apres ledernier fait delictueux) ;

6. C'est vainement que [le demandeur] tente d'invoquer une cause dejustification qui consisterait en une erreur invincible dans son chef ;

[Le demandeur] peut difficilement invoquer le caractere invincible de sonerreur dans la mesure ou c'est lui-meme qui, lors d'un controle interne, adecouvert cette erreur ;

On doit en deduire que [le demandeur] possedait donc les outilsnecessaires pour detecter cette erreur et qu'il n'a pas mis en oeuvre entemps voulu les moyens que la technique et l'administration sont censesmaitriser. [Le demandeur] n'a donc pas agi comme l'aurait fait toutepersonne raisonnable et prudente placee dans des circonstancessimilaires ;

7. En conclusion :

- le fait de payer un traitement inferieur aux baremes constitue uneinfraction ;

- cette infraction est une infraction continuee, en maniere telle que laprescription ne commence à courir qu'avec la commission du dernier fait,soit le dernier paiement insuffisant intervenu en juin 2007 ;

- la prescription est celle de l'action publique, soit en l'occurrencecinq ans à partir du 30 juin 2007 ;

- la citation a valablement interrompu la prescription ;

La demande porte sur la reparation du dommage cause par l'infraction. Cedommage peut consister dans l'execution des obligations contractuelles oureglementaires qui n'ont pas ete remplies [...] ;

Les arrieres de remuneration ont ete fixes à 3.360,36 euros, montant quin'est conteste par [le demandeur] ni dans son montant principal ni dansses accessoires ».

Griefs

1. Selon l'article 100 des lois sur la comptabilite de l'Etat, coordonneespar arrete royal du 17 juillet 1991, sont prescrites et definitivementeteintes au profit de l'Etat, sans prejudice des decheances prononcees pard'autres dispositions legales, reglementaires ou conventionnelles sur lamatiere :

1DEG les creances qui, devant etre produites selon les modalites fixeespar la loi ou le reglement, ne l'ont pas ete dans le delai de cinq ans àpartir du premier janvier de l'annee budgetaire au cours de laquelle ellessont nees ;

2DEG les creances qui, ayant ete produites dans le delai vise au 1DEG,n'ont pas ete ordonnancees par les ministres dans le delai de cinq ans àpartir du premier janvier de l'annee pendant laquelle elles ont eteproduites ;

3DEG toutes autres creances qui n'ont pas ete ordonnancees dans le delaide dix ans à partir du premier janvier de l'annee pendant laquelle ellessont nees.

Ces dispositions, qui fixent la prescription des actions en paiement descreances contre l'Etat, reglent les interets essentiels de cette personnepublique et interessent, des lors, l'ordre public.

Le delai de prescription de l'article 100, alinea 1er, 1DEG, des loiscoordonnees sur la comptabilite de l'Etat s'applique à toutes lescreances qui ne constituent pas des depenses fixes pour l'Etat, sauf s'ils'agit de creances qui sont soumises à un delai de prescriptionparticulier different en application d'une disposition legale derogatoire.Le delai de l'article 100, alinea 1er, 1DEG, precite s'applique des lorsà l'action civile resultant d'une infraction.

Cet article exclut l'application des delais de prescription de droitcommun, parmi lesquels celui de l'article 2262bis, S: 1er, du Code civilet de l'article 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale. La regle selon laquelle l'actioncivile resultant d'une infraction ne peut se prescrire avant l'actionpublique, comme le dispose l'article 26 du titre preliminaire du Code deprocedure penale, ne s'applique des lors pas aux actions civiles dirigeescontre le demandeur.

2. Des constatations et considerations de l'arret, il se deduit que :

- le defendeur a ete promu medecin-major le 26 decembre 1995 ;

- le traitement baremique du defendeur n'a pas ete adapte à cettepromotion ;

- en juillet 2007, le demandeur a regularise la remuneration du defendeurpour la periode du 1er decembre 1997 au 20 juin 2007 ;

- le defendeur reclame le paiement de la difference entre le traitement demedecin-major et celui de medecin-commandant entre le 26 decembre 1995 etle 1er decembre 1997, augmentee des interets.

L'arret decide que le paiement d'une remuneration insuffisante constitueune infraction du demandeur et que la reparation du dommage cause parcette infraction incombe à celui-ci.

Puis, l'arret rejette la prescription invoque par le demandeur en decidantque :

- il n'aperc,oit pas en quoi l'article 100 des lois coordonnees du 17juillet 1991 sur la comptabilite de l'Etat permettrait de deroger à laregle generale etablie par l'article 26 du titre preliminaire du Code deprocedure penale ;

- ces deux dispositions ne sont pas fondamentalement contradictoires maiscomplementaires ;

- la prescription en l'espece est bien celle qui est prevue par la loiparticuliere, mais avec la restriction qu'elle ne peut etre plus courteque la prescription penale (en l'occurrence cinq ans apres le dernier faitdelictueux).

En decidant comme il le fait, et en appliquant le delai de prescription del'action publique, en l'occurrence cinq ans à partir du 30 juin 2007,l'arret meconnait le caractere special et derogatoire au droit commun del'article 100 des lois coordonnees sur la comptabilite de l'Etat et viole,des lors, tant cette disposition que l'article 26 de la loi du 17 avril1878 contenant le titre preliminaire du Code de procedure penale.

La decision que l'appel du demandeur n'est pas fonde n'est pas legalementjustifiee (violation des articles 100 des lois coordonnees du 17 juillet1991 sur la comptabilite de l'Etat et 26 de la loi du 17 avril 1878contenant le titre preliminaire du Code de procedure penale).

III. La decision de la Cour

Les dispositions de l'article 100 des lois sur la comptabilite de l'Etat,coordonnees le 17 juillet 1991, qui, fixant la prescription des actions enpaiement des creances contre l'Etat, interessent l'ordre public,n'excluent pas l'application, lorsque les conditions en sont reunies, dela regle, egalement d'ordre public, de l'article 26 de la loi du 17 avril1878 contenant le titre preliminaire du Code de procedure penale en vertude laquelle l'action civile resultant d'une infraction ne peut seprescrire avant l'action publique.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux cent un euros cinquante-cinq centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-neuf fevrier deux mille seize parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

29 FEVRIER 2016 S.15.0049.F/3


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0049.F
Date de la décision : 29/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-29;s.15.0049.f ?
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