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29/02/2016 | BELGIQUE | N°S.15.0052.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 février 2016, S.15.0052.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0052.F

PARASKE BOWL, societe anonyme dont le siege social est etabli à LaLouviere (Haine-Saint-Paul), rue de la Deportation, 73,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

C. Z.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 juin 2014 parla cour du t

ravail de Mons.

Le 17 decembre 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

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Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0052.F

PARASKE BOWL, societe anonyme dont le siege social est etabli à LaLouviere (Haine-Saint-Paul), rue de la Deportation, 73,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

C. Z.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 juin 2014 parla cour du travail de Mons.

Le 17 decembre 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Les articles 157 à 159 de la loi-programme du 22 decembre 1989 imposentà l'employeur des mesures de publicite des horaires de travail destravailleurs occupes en vertu d'un contrat de travail à temps partielvise à l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contratsde travail.

En vertu de l'article 171, seconde phrase, de ladite loi-programme, danssa redaction originaire, à defaut de la publicite prevue aux articles 157à 159, les travailleurs seront presumes avoir effectue leurs prestationsdans le cadre d'un contrat de travail à temps plein ; devenue le secondalinea dudit article 171 par l'effet de l'article 112 de la loi du 20juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses, cettedisposition a ete completee par la precision que la preuve du contraire nepeut etre apportee.

Tel qu'il s'applique au litige ensuite de sa modification par l'article 45de la loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l'emploi et à lasauvegarde preventive de la competitivite, l'article 171, alinea 2,precite dispose que, à defaut de la publicite des horaires prevue dansles articles 157 à 159, les travailleurs sont presumes avoir effectueleurs prestations à temps plein.

A la difference de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 auquelelles se referent, les dispositions de la loi-programme du 22 decembre1989 ne concernent pas le contrat conclu entre l'employeur et letravailleur à temps partiel ; elles tendent à un meilleur controle dutravail à temps partiel afin de prevenir et de reprimer le travailclandestin ; la presomption de l'article 171, alinea 2, a ete etablie enfaveur des institutions et des fonctionnaires competents.

Ni du texte ni des travaux preparatoires de l'article 45 de la loi du 26juillet 1996, il ne peut se deduire que le legislateur aurait eu une autreintention que d'oter à la presomption de l'article 171, alinea 2, lecaractere irrefragable que lui avait imprime l'article 112 de la loi du 20juillet 1991.

Aux termes de l'article 1352, alinea 1er, du Code civil, la presomptionlegale dispense de toute preuve celui au profit de qui elle existe.

L'arret constate que la demanderesse ne s'est pas conformee auxprescriptions des articles 157 à 159 de la loi-programme du 22 decembre1989.

En decidant que, dans sa version applicable au litige, l'article 171,alinea 2, de cette loi constitue une disposition derogatoire à la regleque la remuneration est la contrepartie du travail fourni et que ledefendeur peut se prevaloir de la presomption que cet article instituepour pretendre à la remuneration de prestations de travail effectuees àtemps plein, l'arret viole cette disposition legale ainsi que l'article1352, alinea 1er, du Code civil.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il dit pour droit que le defendeur est endroit d'invoquer à son profit le benefice de la presomption de l'article171, alinea 2, de la loi-programme du 22 decembre 1989 et que l'indemnitede rupture, l'indemnite pour licenciement abusif et les arrieres deremuneration qu'il lui alloue seront calcules sur la base d'une dureehebdomadaire de travail correspondant à une occupation à temps plein ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-neuf fevrier deux mille seize parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

Requete

14/W/24169/10

POURVOI EN CASSATION

A la Cour de cassation de Belgique

Fait connaitre

la societe anonyme PARASKE BOWL, dont le siege social est etabli à 7100HAINE-SAINT-PAUL, rue de la Deportation 73, ayant comme numerod'entreprise 0458.396.462,

demanderesse en cassation,

representee par Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de Cassation, dontle cabinet est etabli à 9051 Gand, Drie Koningenstraat 3, ou il est faitelection de domicile,

qu'il se pourvoit en cassation contre l'arret et contre la partie preciseeci-apres.

I. LA DECISION ATTAQUEE ET LA PARTIE CONTRE LAQUELLE LE POURVOI EST DIRIGE

Ce pourvoi est dirige contre l'arret prononce contradictoirement Ie 2 juin2014 par la deuxieme chambre de la Cour du travail de Mons, dans la causeinscrite au role general sous le nDEG 2013/AM/350, entre la demanderesseen cassation comme intimee au principal et

monsieur C. Z.,

defendeur en cassation, originairement appelant au principal,

et contre ce dernier.

II. ANTECEDENTS

1. Le defendeur est entre au service de la demanderesse le 10 janvier2006 dans le cadre d'un contrat de travail à duree indeterminee et àtemps partiel (20 heures par semaine) pour exercer la fonctiond'aide-barman.

Le 22 mars 2006 le defendeur est arrive en retard au travail, sans etrecorrectement vetu. Il a ete accueilli par le representant de lademanderesse, Monsieur P., lequel, apres lui avoir reproche une tenueincorrecte, lui a intime l'ordre de quitter son etablissement ens'adressant à lui en ces termes : « Casse-toi de mon etablissement ».

Le defendeur a quitte son lieu de travail et ne s'y est plus jamaisrepresente.

2. Par citation du 20 mars 2007 le defendeur reclama aupres du tribunaldu travail de Mons, entre autres, les sommes suivantes :

* 6.647 EUR bruts à titre de remuneration, de sursalaire et de primesde dimanche pour la periode du 10/1/2006 au 22/3/2006,

* 538,40 EUR bruts à titre d'indemnite de rupture à augmenter desinterets,

* 13.998,55 EUR bruts à titre de dommages et interets pour licenciementabusif.

Le defendeur allegua qu'il appartienne à la demanderesse de renverser lapresomption de temps plein, etablie par l'article 171 de la loi-programmedu 22 decembre 1989, vu qu'elle n'avait pas respecte les regles depublicite applicables aux travailleurs à temps partiel.

Par un jugement prononce le 14 mars 2008, le tribunal du travail de Mons,apres avoir declare la demande recevable, ordonna la comparutionpersonnelle des parties, laquelle s'est tenue le 13 juin 2008.

Par un second jugement, prononce le 12 novembre 2010, le tribunal dutravail de Mons decida que la presomption de l'article 171 de la loi du 22decembre 1989 ne profite pas au travailleur, mais à la ONSS, que ledefendeur devait demontrer qu'il avait reellement travaille à temps pleindurant sa periode d'occupation et qu'il resulte de la declaration deMonsieur P. et le site d'internet de la demanderesse que le defendeureffectuait, à tout le moins, 22 heures de travail par semaine. La demandedu defendeur fut declaree fondee dans la mesure ci-apres et lademanderesse fut condamnee à lui verser les sommes suivantes :

* 550,40 EUR bruts à titre d'indemnite de rupture,

* 1 EUR provisionnel à titre de remuneration du mois de mars 2006,

* 1 EUR provisionnel à titre d'arrieres de remuneration pour les heuressupplementaires effectuees et etablies.

Le tribunal du travail ordonna la reouverture des debats pour permettre audefendeur d'etablir le decompte des arrieres de remunerations dus surcette base.

Le defendeur interjeta appel de ce jugement.

La demanderesse forma un appel incident.

Dans un arret du 2 juin 2014 la cour du travail de Mons dit pour droit quele defendeur est en droit d'invoquer à son profit le benefice de lapresomption d'occupation à temps plein instituee par l'article 171 de laloi-programme du 22 decembre 1989. Elle reforme le jugement dont appel ence qu'il a refuse de reconnaitre au defendeur le benefice de laditepresomption et decide que la demanderesse est redevable au defendeur d'uneindemnite de rupture, d'une indemnite pour licenciement abusif et de laremuneration du mois de mars jusqu'au 21 mars 2006, calculees en fonctiond'un regime de travail à temps plein (38 heures par semaine). Avant destatuer sur les montants, la cour du travail ordonne la reouverture desdebats aux fins de permettre au defendeur de determiner la hauteur dessommes dues par la demanderesse.

C'est contre cet arret que la demanderesse forme Ie present pourvoi encassation.

III. LES MOYENS DE CASSATION

Unique moyen

Moyen

Dispositions legales violees

- articles 157, 158, 159 et 171 de la loi-programme du 22 decembre 1989,telle qu'elle a ete modifiee par l'article 45 de la loi du 26 juillet 1996relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde preventive de lacompetitivite, mais avant sa modification par l'article 80 de laloi-programme du 29 mars 2012,

- articles 2, 3, 20, 3DEG, 39, S: 1, 63 et 82 de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail, avant l'abrogation de ces deux derniersarticles par la loi du 26 decembre 2013 concernant l'introduction d'unstatut unique entre ouvriers et employes en ce qui concerne les delais depreavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement,

- articles 1315, 1350 et 1352 du Code civil et 870 du Code judiciaire

Decisions et motifs critiques

La cour du travail declare l'appel principal du defendeur fonde et reformele jugement dont appel en ce qu'il a refuse de reconnaitre au defendeur lebenefice de la presomption d'occupation à temps plein instituee parl'article 171 de la loi-programme du 22 decembre 1989 dans la mesure ou lademanderesse n'a pas respecte les regles de publicite applicables auxcontrats de travail à temps partiel. Elle decide que l'indemnite derupture, l'indemnite pour licenciement abusif et la remuneration du moisde mars (jusqu'au 21 mars 2006), auxquelles le defendeur peut pretendre,doivent etre calculees en fonction d'un regime de travail à temps plein.Cette decision est justifiee par tous ses motifs, reputes iciintegralement reproduits, en particulier par les considerationssuivantes :

« Des lors que [la demanderesse] est l'auteur de la rupture unilateraledes relations contractuelles, elle est redevable [au defendeur] d'uneindemnite compensatoire de preavis conformement au prescrit de l'article39, S: 1, de la loi du 3/7/1978 [...]

Le bareme de remuneration applicable correspond à celui d'aide-barman etla duree hebdomadaire de travail sera fixee sur base d'un temps plein(38h/sem)[...]

[Le demandeur] est, des lors, en droit de pretendre au benefice d'uneindemnite pour licenciement abusif [...]

Il s'impose d'ordonner la reouverture des debats aux fins de permettre [audefendeur] de determiner la hauteur des sommes dues à ce titre enfonction du salaire horaire promerite (celui d'aide barman) et de la dureehebdomadaire de travail correspondant à un temps plein [...]

La cour de ceans estime que le salaire du mois de mars 2006 estincontestablement du soit du 1er au 21/3/2006 inclus [...]

Il s'impose d'ordonner la reouverture des debats aux fins de permettre [audefendeur] de determiner la hauteur des sommes dues pour le mois de mars2006 (du 1er au 21/3) en fonction du salaire horaire promerite (celuid'aide-barman et de la duree hebdomadaire de travail correspondant à untemps plein) [...]

I.5. Arrieres d'heures supplementaires

[...]

La matiere du contrat de travail à temps partiel a donc ete envisagee parle legislateur qui a insere un article 11bis dans la loi du 3 juillet 1978en y prevoyant l'exigence d'un ecrit prealable à l'engagement, precisantl'horaire et le regime de travail.

L'obligation au paiement de la remuneration sur la base d'un temps pleinn'y a assurement pas ete envisagee comme sanction de l'inobservation desconditions imposees puisqu'une disposition specifique en l'occurrencel'article 11 bis, alinea 4, prevoit qu'à defaut d'ecrit conforme auxconditions imposees, le travailleur peut choisir le regime de travail etl'horaire à temps partiel qui lui sont les plus favorables parmi ceuxqui, soit, sont prevus par le reglement de travail, soit, à defaut,decoulent de tout autre document dont la tenue est imposee par l'arreteroyal nDEG 5 du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des document sociaux.

Une controverse a, toutefois, surgi en doctrine comme en jurisprudence deslors que, sans apporter aucune modification à l'article 11bis precite, nia fortiori plus precisement à son alinea 4, le legislateur a adopte le 22decembre 1989 une loi-programme contenant des dispositions en matieresociale y inserant des mesures concernant le travail à temps partiel dontl'article 171 instaurant une presomption de prestations à temps plein àdefaut de publicite des horaires de travail à temps partiel.

Ce texte qui avait subi une premiere modification par l'adoption de la loidu 20 juillet 1991 fut, à nouveau, modifie par l'article 45 de la loi du26 juillet 1996 relative à la promotion de l'emploi et la sauvegardepreventive de la competitivite. Cette modification est entree en vigueurle 1er mai 1997 et est redigee comme suit : « Sauf preuve contraireapportee par l'employeur, les travailleurs à temps partiel serontpresumes, à defaut d'inscription dans les documents vises aux articles160-162 et 165 ou d'utilisation des appareils vises à l'articles 164,avoir effectue leurs prestations conformement aux horaires qui ont faitl'objet des mesures de publicite visees aux articles 157 et 159. A defautde publicite des horaires, prevue dans les articles 157 à 159, lestravailleurs sont presumes avoir effectue leur prestations à temps plein».

La Cour de ceans a dejà eu l'occasion d'examiner l'incidence concrete endroit de l'article 171 de la loi-programme susvisee (tel que modifie parl'article 45 de la loi du 26/07/1996) et de la controverse qui s'estdeveloppee en doctrine et jurisprudence [...]

Cette controverse avait trait d'une part, à la nature de la presomption,ce qui ne presente plus d'interet pratique aujourd'hui compte tenu du faitque la mention « sans que la preuve du contraire puisse etre rapportee »qui avait ete ajoutee à la formulation initiale par la premieremodification a ete supprimee par la seconde en maniere telle que dans laversion applicable à l'espece, le caractere refragable de la presomptionest acquis tandis que subsiste celle relative, d'autre part, à la qualitedes beneficiaires : en effet, les auteurs restent divises sur le point desavoir si cette presomption peut etre invoquee directement par letravailleur à l'appui d'une demande d'arrieres de remuneration calculessur le regime de travail à temps plein.

Si un premier arret prononce le 28 avril 1997 avait dejà suscite desobservations divergentes de la part de certains auteurs, il resulte dedeux arrets subsequents concernant l'application de l'article 171 de laloi-programme dans sa version qui etait en vigueur au cours de la periodesituee entre la modification de cette disposition par l'article 112 de laloi du 20 juillet 1991 et sa nouvelle modification par l'article 45 de laloi du 26 juillet 1996 que selon la Cour de cassation, cette presomption aete etablie au profit des institutions et des fonctionnaires competentspour prevenir et reprimer le travail clandestin et non au profit detravailleurs [...].

Il y est dit en substance qu'à la difference de l'article 11 bis de laloi du 3 juillet 1978, auquel elles se referent, les dispositions de laloi-programme du 22 decembre 1989 ne concernent pas le contrat concluentre l'employeur et le travailleur à temps partiel : elles tendent à unmeilleur controle du travail à temps partiel afin de prevenir et dereprimer le travail clandestin de telle sorte que la presomption del'article 171 a ete etablie au profit des institutions et defonctionnaires competents à cette fin.

Cette jurisprudence de la Cour supreme a, bien sur, renforce la these destenants de l'absence de droit dans le chef du travailleur d'invoquerladite presomption à l'appui d'une demande du paiement de la remunerationsur base d'un temps plein, laquelle ne fut toutefois pas unanimementsuivie par les juridictions du fond [...].

La Cour de ceans estime, toutefois, que la these deduite de l'absence depossibilite dans le chef du travailleur d'invoquer à son profit lebenefice de la presomption d'occupation à temps plein ne saurait etredefendue au regard de la motivation apportee au texte legal par I'article45 de la loi du 26 juillet 1996 telle qu'elle est eclairee par les travauxparlementaires.

Si la modification du texte est dejà significative des lors que lestravailleurs n'y sont plus presumes avoir effectue leurs prestations dansle cadre d'un contrat de travail a temps plein mais qu'ils y sont presumesles avoir effectuees à temps plein, l'analyse desdocuments parlementaires permet de relever que Ie legislateur semble bieny avoir inclus une reference a une obligation au paiement de laremuneration a temps plein.

La Cour se doit, en effet, de relever cette nuance : en effet, Ia Cour decassation a toujours defini la remuneration comme etant la contrepartiedes prestations effectuees de travail. La presomption des prestationsaccomplies dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein n'exclutdonc pas, à priori, l'hypothese d'un paiement partiel de la remunerationau prorata des prestations effectuees tandis qu'en presumant que lesprestations ont ete effectuees à temps plein Ie legislateur s'ecarte dela regle selon laquelle la remuneration est la contrepartie desprestations effectuees puisque les prestations elles-memes ainsi que leurquantite deviennent l'objet direct de la presomption.

Il convient, du reste, de rappeler que cette regle selon laquelle laremuneration est la contrepartie du travail effectue en execution ducontrat est exprimee sous la reserve de l'absence de dispositions legalesaux derogations contractuelles [...] et que l'article 171, alinea 2, de laloi-programme du 22 decembre 1989 peut etre considere comme une telledisposition legale derogatoire.

Par ailleurs, selon l'expose des motifs de l'article 45 de la loi du 26juillet 1996 ayant modifie le second alinea de l'article 171 de laloi-programme du 28 decembre 1989 :

«...La preuve contraire de l'occupation à temps plein peut etredesormais apportee, mais à defaut d'une telle preuve, le travailleurdevra etre considere et remunere comme s'il avait travaille à temps pleinpendant toute la periode pendant laquelle les obligations de publiciten'ont pas ete remplies » (Voyez Doc. Parl, Ch. 1995-1996, nDEG 609/1,20 ; [...]).

La Cour de ceans estime, des lors, devoir conclure, aux termes de cetteanalyse consacree a la presomption de l'article 171, alinea 2, de laIoi-programme du 22 decembre 1989 tel que modifie par l'article 45 de laloi du 26 juillet 1976 que [le defendeur] est en droit d'invoquer à sonprofit le benefice de la presomption d'occupation à temps plein auservice de [la demanderesse] - etant, toutefois, entendu que celle-cin'instaure qu'un renversement de la charge de la preuve, l'employeur etantautorise a apporter la preuve contraire.

La Cour de ceans ne peut, toutefois, manquer de relever que [lademanderesse], dans ses conclusions de synthese d'appel du 23 avril 2014s'est abstenue de repondre au moyen souleve par [le defendeur] deduit del'application de la sanction prevue par l'article 171 de la loi-programmedu 22 decembre 1989 (presomption de travail a temps plein) : elle s'est,en effet, bornee a pretendre que [le defendeur] n'avaitaccompli aucune prestation supplementaire. Or, le vrai debat portaitevidemment sur le droit pour Ie travailleur d'invoquer a son profit Iebenefice de la presomption d'occupation a temps plein lorsque comme enl'espece il n'etait pas conteste que [la defenderesse] n'avait pasrespecte les regles de publicite applicables aux travailleurs a tempspartiel.

[La defenderesse] ne pouvait bien evidemment pas ignorer cetteargumentation des lors qu'elle avait ete soulevee par [le defendeur] dansses conclusions d'appelrec,ues au greffe le 2 avril 2014 soit anterieurement aux conclusions desynthese d'appel deposees au greffe par la [defenderesse] le 23 avril2014.

La Cour de ceans en conclut qu'il ne s'impose pas d'offrir à [lademanderesse] la possibilite d'apporter la preuve contraire del'occupation à temps plein revendique par [le defendeur] puisque [lademanderesse] n'a pas sollicite le droit de renverser cette presomptionrefragable en prouvant que [le defendeur] n'a pas ete occupe a temps pleinpendant la duree des relations contractuelles.

Partant de ce constat, la cour de ceans estime que [le defendeur] a eteoccupe, à tout le moins, à temps plein au service de [la demanderesse]du 10 janvier 2006 au 21 mars 2006.

II s'impose, des lors, d'ordonner la reouverture des debats aux fins depermettre [au defendeur] d'etablir le decompte des arrieres deremuneration dus sur base d'une occupation a temps plein (38heures/semaine) durant toute Ia periode des relations contractuelles(bareme d'aide-barman).

[...]

Il s'impose de declarer l'appel principal fonde et, partant, de reformerle jugement dont appel en ce qu'il a refuse de reconnaitre [au defendeur]le benefice de la presomption d'occupation à temps plein instituee parl'article 171 de la loi-programme du 22 decembre 1989. »

(16ieme jusqu'au 27ieme feuillet de l'arret)

Griefs

1.1. Il ressort d'entre autres les articles 2, 3 et 20, 3DEG de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail que la remuneration est lacontrepartie du travail fourni en execution d'un contrat de travail. Saufdispositions legales ou stipulations contractuelles derogatoires, letravailleur n'a pas droit à sa remuneration pour les heures pendantlesquelles il n'a pas travaille.

Un travailleur dont il est etabli qu'il n'a pas travaille à temps plein,ne peut donc en principe pretendre à une remuneration pour un emploi àtemps plein.

1.2. Les articles 157 à 159 de la loi-programme du 22 decembre 1989imposent à l'employeur des mesures de publicite des horaires de travaildes travailleurs occupes en vertu d'un contrat de travail à temps partielvise à l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contratsde travail.

Les presomptions contenues à l'article 171 de la loi-programmesanctionnent le non-respect de ces dispositions.

La presomption legale instituee conformement à l'article 1350 du Codecivile ne dispense de toute preuve, en vertu de l'article 1352, alinea1er, du meme Code, que celui « au profit duquel elle existe ».

Avant le remplacement de l'article 171 de la loi-programme du 22 decembre1989 par la loi du 26 juillet 1996, le second alinea dudit articledisposait qu'à defaut de la publicite des horaires, prevue dans lesarticles 157 à 159, les travailleurs sont presumes avoir effectue leursprestations dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein.

Dans la version qui etait en vigueur au cours de la periode situee entrele remplacement de cette disposition par l'article 45 de loi du 26 juillet1996 et son remplacement par l'article 80 de la loi-programme du 29 mars2012, l'article 171, alinea 2, precite etait redige comme suit :

« A defaut de publicite des horaires, prevue dans les articles 157 à159, les travailleurs sont presumes avoir effectue leurs prestations àtemps plein. »

A la difference de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978, auquelelles se referent, les dispositions de la loi-programme du 22 decembre1989, tant avant qu'apres la modification de celle-ci par la loi du 26juillet 1996, ne concernent pas le contrat conclu entre l'employeur et letravailleur à temps partiel. Elles tendent à un meilleur controle dutravail à temps partiel afin de prevenir et de reprimer le travailclandestin.

Cet objectif, qui est d'ailleurs confirme par le titre de la section de laloi-programme dans laquelle figurent les articles 157 à 159 (Section 2.Controle des prestations des travailleurs à temps partiel) n'a pas etemodifie par la loi du 26 juillet 1996.

La presomption, instauree par l'article 171, alinea 2, de la loi-programmedu 22 decembre 1989, dans la version applicable à l'espece, n'existe deslors qu'au profit des institutions et des fonctionnaires competents àcette fin, n'est donc pas une disposition legale derogatoire à la regleconsacree par les articles 2, 3 et 20, 3DEG, de la loi relative auxcontrats de travail selon laquelle un travailleur ne peut pretendre à uneremuneration pour des heures pendant lesquelles il n'a pas travaille et nepeut etre invoquee par le travailleur à l'appui d'une demande du paiementde la remuneration sur base d'un temps plein, meme si le texte duditarticle a ete modifie par la loi du 26 juillet 1996 en ce sens que lesprestations à temps plein deviennent l'objet direct de la presomption.

2. Apres avoir constate que le defendeur est entre au service de lademanderesse dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel (20heures par semaine) et qu'il n'est pas conteste que la demanderesse n'apas respecte les regles de publicite applicables aux travailleurs à tempspartiel, la cour du travail decide que le defendeur est en droitd'invoquer à son profit le benefice de la presomption d'occupation àtemps plein au service de la demanderesse et qu'il incombe à lademanderesse de renverser cette presomption refragable en prouvant que ledefendeur n'a pas ete occupe à temps plein pendant la duree des relationscontractuelles, aux motifs que :

* la these deduite de l'absence de possibilite dans le chef dutravailleur d'invoquer à son profit le benefice de la presomptiond'occupation à temps plein ne saurait etre defendue au regard de lamotivation apportee au texte legal par l'article 45 de la loi du 26juillet 1996 telle qu'elle est eclairee par les travauxparlementaires,

* si la modification du texte est dejà significative des lors que lestravailleurs n'y sont plus presumes avoir effectue leur prestationsdans le cadre d'un contrat de travail à temps plein mais qu'il y sontpresumes les avoir effectuees à temps plein, l'analyse des documentsparlementaires permet de relever que le legislateur semble bien yavoir inclus une reference à une obligation au paiement de laremuneration à temps plein,

* la presomption des prestations accomplies dans le cadre d'un contratde travail à temps plein n'exclut pas, à priori, l'hypothese d'unpaiement partiel de la remuneration au pro rata des prestationseffectuees, tandis qu'en presumant que les prestations ont eteeffectuees à temps plein, le legislateur s'ecarte de la regle selonlaquelle la remuneration est la contrepartie des prestationseffectuees puisque les prestations elles-memes ainsi que leur quantitedeviennent l'objet direct de la presomption,

* la regle selon laquelle la remuneration est la contrepartie du travaileffectue en execution du contrat est exprimee sous la reserve del'absence de dispositions legales aux derogations contractuelles etl'article 171, alinea 2, de la loi-programme du 22 decembre 1989 peutetre considere comme une telle disposition legale derogatoire,

* par ailleurs, selon l'expose des motifs de l'article 45 de la loi du26 juillet 1996 ayant modifie le second alinea de l'article 171 de laloi-programme du 28 decembre 1989 : « ...La preuve contraire del'occupation à temps plein peut etre desormais apportee, mais àdefaut d'une telle preuve, le travailleur devra etre considere etremunere comme s'il avait travaille à temps plein pendant toute laperiode pendant laquelle les obligations de publicite n'ont pas eteremplies. »

En dispensant ainsi le defendeur d'etablir la realite de ses prestationspretendues, preuve qui lui incombait en vertu des articles 1315 du Codecivil et 870 du Code judiciaire, sur le fondement d'une presomption quin'a pas ete etablie à son profit, et en decidant sur les motifs precitesque le defendeur a ete occupe, à tout le moins, à temps plein au servicede la demanderesse du 10 janvier 2006 au 21 mars 2006, tout en constatantque le defendeur est entre au service de la demanderesse dans le cadred'un contrat à temps partiel (20 heures par semaine) et que lademanderesse pretend que le defendeur n'a accompli aucune prestationsupplementaire, l'arret attaque viole les articles 1315, 1350 et 1352 duCode civil, 870 du Code judiciaire et 157 à 159 et 171 de laloi-programme du 22 decembre 1989. En decidant que la remuneration et queles indemnites que le demandeur reclame sur la base des articles 39, S: 1,63 et 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travaildoivent etre calculees en fonction d'un regime de travail à temps plein(38 heures/semaine), la cour du travail viole ces articles, ainsi que lesarticles 2, 3 et 20, 3DEG, de la meme loi.

Conclusion

La cour du travail ne reforme pas legalement le jugement dont appel en cequ'il a refuse de reconnaitre au defendeur le benefice de la presomptiond'occupation à temps plein instituee par l'article 171 de laloi-programme du 22 decembre 1989 et ne decide pas legalement quel'indemnite de rupture, l'indemnite pour licenciement abusif et laremuneration du mois de mars (jusqu'au 21 mars 2006), auxquelles ledefendeur peut pretendre, doivent etre calculees en fonction d'un regimede travail à temps plein (violation de toutes les dispositions indiqueescomme violees ci-haut).

Developpements

1. Quant aux principes qui regissent le droit à la remuneration d'untravailleur, la demanderesse se refere à une jurisprudence constante etbien etablie de votre Cour, entre autres Cass., 16 mars 1992, J.T.T. 1992,128.

2. A la difference de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relativeaux contrats de travail, auquel ils se referent, les dispositions de laloi-programme du 22 decembre 1989 ne concernent pas le contrat concluentre l'employeur et le travailleur à temps partiel. Elles tendent à unmeilleur controle du travail à temps partiel afin de prevenir et dereprimer le travail clandestin. Les presomptions contenues à l'article171 de la loi-programme sanctionnent le non-respect de ces dispositions.Ces presomptions ont ete etablies au profit des institutions et desfonctionnaires competents à cette fin et ne constituent qu'un element deproduction de la preuve utile en cas de controle exerce par les pouvoirspublics et mis au service de ce pouvoir (Cass., 28 avril 1997, J.T.T.,1997, 343 ; Cass., 4 octobre 1999, J.T.T., 2000, 156 ; Cass., 18 fevrier2002, J.T.T., 2002, p. 368).

Dans sa version actuelle, apres la modification de cet article parl'article 80 de la loi-programme du 29 mars 2012, l'article 171, alinea 2dispose:

« A defaut de publicite des horaires de travail à temps partiel viseesaux articles 157 à 159, les travailleurs à temps partiel sont presumes,sauf preuve du contraire, avoir effectue leurs prestations dans le cadred'un contrat de travail en qualite de travailleur à temps plein. »

L'expose des motifs de l'article 80 de la loi du 29 mars 2012 rappelleexplicitement la jurisprudence de votre Cour mentionnee ci-dessus (Doc.Parl., Ch. 2011-12, DOC 53 2081/001, 52).

A CES CAUSES,

La demanderesse conclut qu'il plaise votre Cour

- casser et annuler l'arret entrepris,

- renvoyer la cause et les parties devant une autre cour du travail,

- condamner la defenderesse aux depens.

Gand, le 27 avril 2015

Pour la demanderesse,

Willy van Eeckhoutte,

avocat à la Cour de cassation.

29 FEVRIER 2016 S.15.0052.F/4

Requete/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0052.F
Date de la décision : 29/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-29;s.15.0052.f ?
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