Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.16.0236.F
S. G.,
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Cecile Meert, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
1. BNP PARIBAS FORTIS, societe anonyme,
representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480/3, ou il estfait election de domicile,
2. D. L. D, domiciliee à Court-Saint-Etienne, rue des Melezes, 3,
parties civiles,
defenderesses en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 27 janvier 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
A. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action publique :
Sur les trois premiers moyens reunis :
Pris de la violation des articles 461, 463, 464 et 491 du Code penal, lesmoyens reprochent aux juges d'appel d'avoir qualifie de vol domestique lesfaits vises respectivement aux preventions B.1 à 11 (premier moyen),A.III et B.12 (deuxieme moyen) et B.13 à B.16 (troisieme moyen) alors quele demandeur soutenait qu'il avait commis des detournements.
Le premier moyen est egalement pris de la violation de la foi due auxconclusions d'appel du demandeur et à son audition par le serviced'investigation de la banque Fortis, dans lesquelles il qualifie lesmalversations qui lui sont reprochees de detournements et non de volsdomestiques.
Un moyen de cassation est irrecevable lorsque la decision attaqueedemeurerait legalement justifiee meme si le moyen etait fonde. C'est lecas notamment lorsque le moyen conteste la qualification donnee au fait etpretend qu'une autre qualification doit lui etre donnee.
L'arret motive la peine en prenant en compte l'atteinte honteuse porteepar le demandeur au bien d'autrui, son manque de scrupules, le seul but delucre qui l'a anime, la reiteration des faits au prejudice de personnesvulnerables sur une longue periode, son absence de toute empathie àl'egard des victimes, l'importance des sommes detournees et le sentimentde degout que les faits suscitent au sein de la population.
Ces motifs s'appliquant tant aux faits repris sous une qualification devol domestique qu'aux memes faits vises sous celle de detournement, lapeine prononcee à charge du demandeur reste legalement justifiee.
Par ailleurs, à supposer qu'ils aient viole la foi due aux actes,invoquee au premier moyen, les juges d'appel ont statue comme ils auraientdu le faire s'ils n'avaient pas commis cette violation.
Fussent-ils fondes, les moyens ne sauraient entrainer la cassation etsont, partant, irrecevables à defaut d'interet.
Sur l'ensemble du quatrieme moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 149 de laConstitution, 21ter de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale, 65 du Code penal et 195 du Coded'instruction criminelle.
Le demandeur fait grief aux juges d'appel, en le condamnant à unemprisonnement de dix mois et à une amende de 10.000 euros, de l'avoircondamne à une amende illegale et de ne pas avoir tenu compte dudepassement du delai raisonnable qu'ils avaient constate.
Apres avoir declare etablies les preventions de faux et d'usage de faux(A.I 1 à 4, A.II 1 à 12, A.III, B.1 à 14 telles que rectifiees), devols domestiques (B.15 telle que rectifiee, B.16 telle que rectifiee) etde blanchiment (C telle que limitee), la cour d'appel a considere quel'ensemble de ces preventions constituait un delit collectif par united'intention à ne sanctionner que par une seule peine, la plus forte decelles applicables.
La correctionnalisation des crimes de faux et d'usage de faux en ecrituresvises aux articles 196 et 197 du Code penal saisit le tribunalcorrectionnel de delits punissables d'une peine d'emprisonnement d'un moisà cinq ans et d'une amende de vingt-six à deux mille euros.
L'admission de circonstances attenuantes permettant le renvoi d'un inculpede faits initialement qualifies de crimes devant le tribunalcorrectionnel, lors du reglement de la procedure, est sans effet sur lesdelits qui lui sont conjointement reproches, ces derniers etant de lacompetence generale de ce tribunal.
Des lors que tant les infractions de faux et d'usage de fauxcorrectionnalises que celle de blanchiment se voient sanctionnees d'unepeine maximale de cinq ans d'emprisonnement, c'est le taux maximal del'amende, qu'elle soit obligatoire ou facultative, qui designel'infraction la plus severement punie.
En application de l'article 65 du Code penal, la peine la plus forte estcelle comminee non par le faux et l'usage de faux, ainsi que l'enonce lemoyen, puisqu'ils ont ete correctionnalises, mais celle prevue àl'article 505 du Code penal qui punit l'auteur du blanchiment d'une peinepouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et cent mille euros d'amende.
A cet egard, le moyen manque en droit.
L'article 21ter du titre preliminaire du Code de procedure penale autorisele juge à prononcer la condamnation par simple declaration de culpabiliteou à prononcer une peine inferieure à la peine minimale prevue par laloi si la duree des poursuites penales a depasse le delai raisonnable.Lorsque le juge du fond sanctionne le depassement de ce delai par unepeine reduite, il doit operer cette reduction de maniere reelle etmesurable.
Ce constat ne fait pas obstacle à ce que la peine d'emprisonnement ainsiprononcee demeure largement superieure au minimum legal.
Contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel ont tenucompte du depassement du delai raisonnable. Ils ont toutefois considereque cet element ne les conduisait pas à prononcer une peined'emprisonnement autre que celle retenue par le tribunal. Par lesconsiderations reprises aux pages 30 et 31, l'arret indique les motifsjustifiant le choix et le taux de la peine eu egard notamment audepassement du delai raisonnable.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action civile exercee par la societe anonyme BNP Paribas Fortis, statuesur
1. le principe de la responsabilite :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen specifique.
2. l'etendue du dommage :
Le demandeur se desiste de son pourvoi.
C. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee par D. D. L. :
Sur le cinquieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution,1319, 1320 et 1322 du Code civil ainsi que 1138, 3DEG, du Code judiciaire.
L'arret ne se fondant pas sur les conclusions du demandeur pour statuersur la demande de la defenderesse, il ne saurait violer la foi qui leurest due.
A cet egard, le moyen manque en fait.
Le demandeur reproche à l'arret de ne pas repondre à ses conclusionsadditionnelles dans lesquelles il sollicitait, à titre infinimentsubsidiaire, la reparation en nature du dommage cause à la defenderesse,les titres derobes à la mere de celle-ci se trouvant depuis neuf ansbloques sur un compte interne de la banque BNP Paribas Fortis.
Tant en premiere instance qu'en degre d'appel, la defenderesse a solliciteà titre de reparation du dommage la contre-valeur, au moment des faits,des titres voles à sa mere.
Le juge du fond apprecie de maniere souveraine si la reparation en naturedu dommage est ou non possible.
En son feuillet 32, l'arret constate que le demandeur n'aurait pas accesau compte interne de la banque sur lequel les titres voles à plusieursvictimes ont ete deposes, tandis que celle-ci n'en est pas davantageproprietaire.
La cour d'appel en a deduit l'existence d'une situation de blocagejustifiant une reouverture des debats pour essayer d'y mettre un terme,d'autant plus opportune que le demandeur avait accepte dans le cadre de laprocedure introduite contre lui par la banque devant le tribunal civil,que celle-ci preleve sur ce compte les montants des indemnisations qu'elleavait regles à differentes victimes.
C'est dans ce contexte que l'arret fait ensuite droit à la demande dereparation par equivalent de la defenderesse qui n'a pas ete indemniseepar la banque, precisant en outre que le montant de 470.000 euros apparaitlegerement inferieur à la valeur des titres voles et que c'est en vainque le demandeur fait etat d'attestations pour pretendre que leur valeurserait inferieure.
Par ces considerations qui font apparaitre les raisons du refus de lareparation en nature proposee par le demandeur, l'arret repond à cettedefense.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
Pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, le moyenfait grief à l'arret de meconnaitre le principe de la reparationintegrale du dommage en ordonnant la reouverture des debats afin depermettre à la banque BNP Paribas Fortis de preciser le contenu ducompte-titres interne sur lequel le demandeur a transfere plusieurs titresdont ceux voles à la mere de la defenderesse, tout en accordant à cettederniere la contre-valeur des titres derobes à sa mere en 2007.
En tant qu'il est deduit de la possibilite vainement invoquee à lapremiere branche du moyen d'accorder à la defenderesse une reparation ennature du dommage, le moyen est irrecevable.
La reouverture des debats ordonnee par la cour d'appel est destinee àfixer le dommage de la banque BNP Paribas Fortis et est etrangere à lareparation du dommage de la defenderesse, la banque n'etant pas intervenuefinancierement, selon l'arret, dans la reparation du dommage de celle-ciapres les faits.
Aucune violation du principe de la reparation integrale du dommage de ladefenderesse ne saurait, partant, en resulter.
Le moyen ne peut, à cet egard, etre accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Decrete le desistement du pourvoi en tant qu'il est dirige contre ladecision rendue sur l'etendue du dommage de la societe anonyme BNP ParibasFortis ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de trois cent vingt-cinq eurosquatre centimes dont cent septante euros un centime dus et centcinquante-cinq euros trois centimes payes par ce demandeur.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president,Pierre Cornelis, Franc,oise Roggen, Eric de Formanoir et Frederic Lugentz,conseillers, et prononce en audience publique du huit juin deux milleseize par Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president, enpresence de Damien Vandermeersch, avocat general, avec l'assistance deFabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | F. Lugentz | E. de Formanoir |
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| F. Roggen | P. Cornelis | B. Dejemeppe |
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8 JUIN 2016 P.16.0236.F/9