Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.15.1693.N
1. J. J.,
Me Eric Pringuet, avocat au barreau de Gand,
2. G. G.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
le pourvoi du demandeur 1 dirigé contre
1. ETAT BELGE, spf Finances et consorts,
partie poursuivante,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
le pourvoi du demandeur 2 dirigé contre
ETAT BELGE, spf Finances,
partie poursuivante,
défendeur en cassation.
I. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 3 décembre 2015 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur 1 fait valoir trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur 2 ne fait valoir aucun moyen.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.
II. la décision de la cour
(…)
Sur le premier moyen du demandeur 1 :
Quant à la première branche :
6. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 458 et459 du Code d'instruction criminelle : le demandeur a sommé le défendeurpar conclusions de déclarer s'il entendait se servir des pièces arguées defaux, à savoir les demandes adressées par l'administration des douanes etaccises au tribunal de police demandant la visite des lieux et plusparticulièrement la lettre d'accompagnement du 12 décembre 2003 jointe àces demandes et rédigée par le fonctionnaire des douanes compétent etadressée au juge de police saisi ; le défendeur a omis de déclarer qu'ilentendait se servir de ces pièces, de sorte que, conformément à l'article459 du Code d'instruction criminelle, elles devaient être rejetées duprocès.
7. L'article 458 du Code d'instruction criminelle dispose que :
« Si, dans le cours d'une instruction ou d'une procédure, une pièceproduite est arguée de faux par l'une des parties, elle sommera l'autre dedéclarer si elle entend se servir de la pièce. ».
L'article 459 du Code d'instruction criminelle dispose que :
« La pièce sera rejetée du procès, si la partie déclare qu'elle ne veutpas s'en servir, ou si, dans le délai de huit jours, elle ne fait aucunedéclaration; et il sera passé outre à l'instruction et au jugement. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, l'instructionsur le faux sera suivie incidemment devant la cour ou le tribunal saisi del'affaire principale. »
8. Il résulte de ces dispositions que la sommation est uniquementprescrite lorsqu'elle concerne une pièce arguée de faux produite par unepartie. Dans le cours d'une procédure pénale, la sommation n'a pas lieud'être pour ce qui concerne le dossier présenté au juge, lequel a étéconstitué par le ministère public ou le juge d'instruction ou, en matièrede douanes et accises, par l'administration. Les parties ne sont, eneffet, pas tenues de déclarer si elles entendent se servir de ces pièces.Le fait que le défendeur exerce également une action civile concernant desdroits de douane et d'accises éludés n'y fait pas obstacle.
Le moyen qui, en cette branche, est déduit d'une prémisse juridiquedifférente, manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, §1^er, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, 5 de la Constitution, 197 et 198, § 3, de la loigénérale sur les douanes et accises : l'autorisation de visite n'est pasexpressément motivée à suffisance ; il ne peut être établi sur quelsdocuments et informations orales le juge de police s'est fondé ; leformulaire de demande présenté en degré d'appel diffère quant auxpersonnes visées par l'autorisation accordée.
10. Dans la mesure où il est dirigé contre l'autorisation de visite et noncontre l'arrêt, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
11. Dans la mesure où il critique une appréciation des faits par le jugeou oblige la Cour à procéder à un examen des faits pour lequel elle estsans compétence, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
12. Les articles 197 et 198, § 3, de la loi générale sur les douanes etaccises ne dispensent pas le juge de police de l'obligation de motiverexpressément l'autorisation de visite des bâtiments et enclos desparticuliers.
Cette condition est remplie si l'autorisation qui, par sa nature, ne peutconcerner exclusivement que les matières de douanes et accises et a, dèslors, toujours un caractère limité, mentionne dans le cadre de quelleinstruction, pour quel bâtiment et à quel(les) personnes(s) elle estdélivrée ainsi que les motifs justifiant sa nécessité, fût-ce de manièreconcise.
13. Les juges d'appel ont constaté de manière souveraine que lesautorisations de visite visées par le demandeur, eu égard à leursmentions, répondent à toutes les conditions légales requises en la matièreet ont été motivées à suffisance. La décision est ainsi légalementjustifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(…)
Sur le deuxième moyen :
17. Le moyen invoque la violation de l'article 281, § 3 de la loi généralesur les douanes et accises : dans les matières pour lesquelles la loigénérale sur les douanes et accises fixe des sanctions pénales,l'initiative des poursuites émane de l'administration des douanes etaccises et l'action du ministère public est subsidiaire ; l'actionpublique exercée du chef de fraude et d'infractions sanctionnées par leslois en matière de douanes et accises ne peut être introduite que parl'administration des douanes et accises ; par conséquent, l'actionpublique telle qu'elle est intentée par le ministère public estirrecevable et les juges d'appel ne disposent pas du pouvoir d'examinerles faits ainsi présentés.
18. L'article 281, § 3, de la loi générale sur les douanes et accises, telqu'il est applicable en l'espèce, dispose que :
« Dans les cas [où un] même fait de transgression aux lois précitées donnelieu à deux actions différentes, dont l'une doit être intentée par leministère public et l'autre par l'administration ou en son nom, cesactions seront instruites simultanément, et il y sera statué par un seulet même jugement; mais, dans ces cas, le ministère public n'agira pasavant que l'administration ait, de son côté, porté plainte ou intentél'action. »
19. L'arrêt considère que :
- le même fait peut constituer simultanément un faux de droit commun et unfaux fiscal donnant lieu, comme en l'espèce, à un possible concours entrele faux de droit commun (in casu, les faits sub A de la cause IV), le fauxfiscal (in casu, les faits sub B de la cause IV) et l'infractionspécifique prévue à l'article 259 de la loi générale sur les douanes etaccises et qu'il peut être fait application de l'article 65, alinéa 1^er,du Code pénal ;
- il ressort des éléments de fait de l'instruction menée qu'en ce quiconcerne les faits mis à charge du demandeur, ce dernier ne poursuivaitpas uniquement un but fiscal, tant en ce qui concerne la fraude à la taxesur la valeur ajoutée que la fraude en matière de droits de douanes etaccises sur les huiles minérales, mais a aussi agi concomitamment dans uneautre intention frauduleuse, à savoir l'intention de s'enrichir oud'enrichir des tiers de manière illégale et maintenir ou renforcer sacompétitivité ou celle de sa société dans les secteurs concernés ;
- en cas de fraude avec des produits pétroliers, l'intention d'éluder lataxe sur la valeur ajoutée et une intention de droit commun sont bien,comme en l'espèce, simultanées et, dans une même mesure déterminante,constituent un but en soi et ne constituent pas ipso facto nécessairementune conséquence de l'intention d'éluder les droits en matière de douaneset accises.
Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié leur décisionsuivant laquelle l'action publique, telle qu'elle a été intentée par leministère public en ce qui concerne les faits sub A de la cause IV, estrecevable et suivant laquelle, après admission de circonstancesatténuantes pour ces faits dans le chef du demandeur, résultant del'absence de condamnations antérieures à des peines criminelles, ils sontcompétents à cet égard.
Le moyen ne peut être accueilli.
(…)
Le contrôle d'office
24. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Paul Maffei, président, Peter Hoet, Antoine Lievens, SidneyBerneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audiencepublique du vingt-sept septembre deux mille seize par le présidentPaul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants,avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
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* Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
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* Le greffier, Le conseiller,
27 SEPTEMBRE 2016 P.15.1693.N/1