N° C.16.0421.F
1. A.-F. P.,
2. O. H.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre
1. J.-F. R.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
2. B. P., avocat, en qualité de tuteur ad hoc de l’enfant C. H.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er juin 2016 par la cour d’appel de Liège.
Le président de section Martine Regout a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Aux termes de l’article 12 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
Suivant l’article 22bis de la Constitution, chaque enfant a le droit de s’exprimer sur toute question qui le concerne ; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.
En vertu de l’article 331sexies du Code civil, le mineur non émancipé est, dans les actions relatives à sa filiation, représenté, soit en demandant, soit en défendant, par son représentant légal et à défaut de représentant légal ou en cas d’opposition d’intérêts, par un tuteur ad hoc désigné par le président du tribunal.
Il ne ressort ni des dispositions précitées ni des autres dispositions citées au moyen que le tuteur ad hoc désigné pour représenter le mineur non émancipé doit rencontrer l’enfant et lui demander son opinion sur le litige, quels que soient l’âge de celui-ci et les circonstances de la cause.
Le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Sur le second moyen :
L’arrêt attaqué considère, par ses motifs propres, que « les documents déposés et la ‘spirale procédurale’ entreprise par [les demandeurs] démontrent à suffisance leur volonté de poursuivre leur vie de famille ainsi qu’ils l’ont décidé et la volonté délibérée d’imposer à [l’enfant] un père qui n’est pas le sien en lui cachant, alors que le père biologique a fait savoir dès avant la naissance son intention de s’impliquer dans la vie de l’enfant, la réalité de ses racines », que le défendeur « démontre à suffisance le sérieux de ses intentions », que, « si l’enfant n’a pas eu de contacts avec son père biologique jusqu’à présent, c’est en raison de l’attitude des [demandeurs] », que le défendeur « a également construit une famille et a ainsi des enfants qu’il accueille en hébergement égalitaire […] et qu’il voudrait présenter à [l’enfant] qui ignore actuellement l’existence de ses demi-frère et sœurs » ;
Il considère, par adoption des motifs du jugement du premier juge du 6 mai 2015, que « les origines de [l’enfant] font partie intégrante de son identité et [que] le déni manifeste et volontaire de celles-ci, par la mère et le père légal, est susceptible de causer une faille irréparable dans la construction de sa personnalité et [que] cela est d’autant plus vrai qu’il semble être le seul à ne pas connaître le secret de sa conception, qu’il est donc vraisemblable qu’il sera mis, un jour, au courant de sa paternité biologique et que les défendeurs ne semblent pas à même de vouloir comprendre que ceci risque de causer des dégâts collatéraux majeurs, y compris à leur endroit, notamment si l’enfant se rend compte de l’énergie qui fut mise par son père biologique à vouloir faire établir sa paternité et celle corrélative, de sa mère et de son père légal à s’y opposer, sans véritable justification et alors même qu’ils peuvent, s’ils le souhaitent, faire en sorte que cela se passe le moins mal possible ».
Contrairement à ce que soutient le moyen, l’arrêt attaqué n’érige pas ainsi en règle absolue qu’il est de l’intérêt de tout enfant de connaître la vérité sur ses origines paternelles mais considère, au vu des circonstances concrètes de la cause, qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’avoir connaissance de sa filiation biologique malgré sa filiation légale doublée d’une filiation socio-affective au sein de la cellule familiale créée par les demandeurs.
Le moyen manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille trois cent quatre-vingts euros envers les parties demanderesses.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, le conseiller Didier Batselé, les présidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et le conseiller Michel Lemal, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.