N° F.16.0160.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Me Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
M. P.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 avril 2016 par la cour d'appel de Gand.
Le 23 octobre 2017, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. L'article 70, § 1er, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée dispose que pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement.
L'article 84, alinéa 3, du code précité prévoit que, dans les limites prévues par la loi, le montant des amendes fiscales proportionnelles prévues par ledit code ou par les arrêtés pris pour son exécution est fixé selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi.
Aux termes de l'article 1er, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal n° 41 du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'échelle de réduction des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée est fixée, pour les infractions commises avant le 1er novembre 1993, au tableau A, et pour les infractions commises après le 31 octobre 1993, au tableau G de l'annexe à cet arrêté, en cas d'infractions visées à l'article 70, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.
En vertu de l'article 1er, alinéa 2, de l'arrêté royal précité, l'échelle de réduction prévue aux tableaux A à J de l'annexe à cet arrêté n'est toutefois pas applicable en cas d'infractions commises dans l'intention d'éluder ou de permettre d'éluder la taxe.
2. Le juge auquel il est demandé de contrôler une sanction administrative qui a un caractère répressif au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit examiner la légalité de cette sanction et peut vérifier plus particulièrement si elle est conciliable avec les exigences impératives des traités internationaux et du droit interne, en ce compris les principes généraux du droit.
Ce droit de contrôle doit en particulier permettre au juge de vérifier si la sanction n'est pas disproportionnée à l'infraction, de sorte qu'il peut examiner si l'administration pouvait raisonnablement infliger une amende administrative d'une telle ampleur.
Le juge peut, à cet égard, tenir compte spécialement de la gravité de l'infraction, du taux des sanctions déjà infligées et de la manière dont il a été statué dans des causes similaires, mais doit tenir compte de la mesure dans laquelle l'administration était elle-même liée par cette sanction.
Ce droit de contrôle n'implique pas que le juge puisse, sur le fondement d'une appréciation subjective de ce qu'il estime raisonnable, remettre ou réduire des amendes pour de simples motifs d'opportunité et à l'encontre des règles légales.
3. Les juges d'appel se sont ralliés à l'avis du premier juge suivant lequel une amende de 50 pour cent peut également répondre aux objectifs répressifs et préventifs tout en restant proportionnée à la nature et à la gravité de l'infraction. Ils ont confirmé, sur ce point, le jugement entrepris.
Dans le jugement entrepris, le juge a considéré que :
- l'ampleur de l'amende n'est pas raisonnablement proportionnée à l'importance relativement restreinte de la fraude ;
- l'imposition de l'amende ne peut avoir pour conséquence d'infliger une sanction déraisonnable à la défenderesse ;
- eu égard au nombre limité d'achats de boissons, la défenderesse n'est pas la conceptrice du circuit de fraude à grande échelle et a plutôt joué un rôle passif dans un mécanisme de fraude qui lui a été proposé par son fournisseur ;
- un accroissement d'impôt effectif de 50 pour cent est raisonnablement proportionné à la gravité des infractions et au contexte concret dans lequel la fraude s'est produite ;
- l'amende de 200 pour cent qui a été infligée doit être ramenée à 50 pour cent.
4. En considérant, par confirmation du jugement entrepris et des motifs qui y sont énoncés, que l'amende administrative doit être ramenée à 50 pour cent, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh, Filip Van Volsem, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit par le président de section Alain Smetryns, en présence de l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Didier Batselé et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,