N° P.17.0500.F
P. L.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Caroline Dumoulin, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
LE FONCTIONNAIRE DELEGUE de la Région de Bruxelles-Capitale, dont les bureaux sont établis à Saint-Josse-ten-Noode, rue du Progrès, 80,
partie intervenue volontairement,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 5 avril 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :
Sur le premier moyen :
Pris de la violation de l'article 42, 3°, du Code pénal, le moyen reproche à l'arrêt de méconnaître la notion légale d'avantages patrimoniaux. L'arrêt condamne le demandeur pour avoir augmenté, sans permis d'urbanisme préalable, le nombre de logements dans ses deux immeubles, et pour avoir maintenu cette situation. L'arrêt décide que les loyers provenant de la location des logements illégalement transformés sont des avantages patrimoniaux tirés de l'infraction et en prononce la confiscation. Pour motiver l'octroi d'un sursis partiel à l'exécution de cette peine, l'arrêt considère que le demandeur ne paraît pas avoir eu l'intention de s'enrichir, car il est plausible que s'il avait loué le nombre initial de logements sans les transformer, cette location lui aurait procuré des loyers équivalents, voire supérieurs, à ceux qu'il a obtenus après leur transformation illicite. Le moyen soutient que, par ces considérations, l'arrêt reconnaît que le demandeur n'avait pas l'intention de s'enrichir et qu'il ne s'est pas enrichi. Il en résulte selon lui que les juges d'appel ne pouvaient pas légalement décider que les loyers perçus étaient des avantages patrimoniaux au sens de la disposition invoquée, laquelle exige un lien causal entre l'infraction et l'avantage patrimonial.
Un avantage patrimonial est tiré d'une infraction s'il existe un lien de causalité entre cette infraction et l'avantage patrimonial considéré.
La loi ne soumet pas la confiscation des choses visées par l'article 42, 3°, du Code pénal à la condition que l'auteur de l'infraction, en la commettant, ait eu l'intention de s'enrichir, ni à celle qu'il se soit effectivement enrichi.
Cette peine peut atteindre, au titre d'avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction, tout bien ou valeur que l'auteur de l'infraction a obtenus en la commettant, indépendamment de l'intention poursuivie, du bénéfice qu'il en a retiré et de la destination ultérieurement donnée à ces choses.
Il faut mais il suffit de constater que les avantages patrimoniaux considérés ont été générés par l'activité illégale. A cet égard, contrairement à ce que le moyen revient à soutenir, la circonstance que l'auteur de l'infraction aurait aussi pu obtenir un avantage patrimonial d'une même valeur ou d'une valeur supérieure en se livrant, au lieu de commettre l'infraction, à une possible activité licite, est sans incidence.
Entièrement fondé sur la prémisse contraire, le moyen manque en droit.
Sur le second moyen :
Quant aux première et deuxième branches réunies :
Le moyen reproche aux juges d'appel de ne pas avoir indiqué en quoi les loyers perçus au cours de la période infractionnelle étaient des avantages patrimoniaux tirés de l'infraction, alors que l'arrêt considère que le demandeur ne désirait pas faire du profit et n'en a effectivement pas fait puisque les loyers étaient inférieurs à ceux qu'il aurait perçus s'il n'avait pas commis l'infraction. Le demandeur fait également grief à l'arrêt de ne pas répondre à ses conclusions, où il soutenait qu'en raison de cette circonstance, il n'avait pas tiré le moindre avantage de la location des logements illégalement transformés.
L'arrêt considère que
- le demandeur s'est rendu coupable entre le 5 janvier 2003 et le 28 mars 2005 d'avoir modifié, sans permis d'urbanisme, le nombre de logements dans deux immeubles lui appartenant, et de les avoir maintenus du 28 mars 2005 au 5 novembre 2012,
- durant nonante et un mois, il a loué tous les logements par l'intermédiaire d'une agence immobilière sociale, en l'occurrence treize appartements à 315 euros par mois et trois duplex à 365 euros,
- dans la mesure où les avantages patrimoniaux frauduleux de l'article 42, 3°, du Code pénal visent tout le profit résultant d'une infraction, c'est à bon droit que le premier juge a prononcé, sur les réquisitions écrites du ministère public et en application de l'article 43bis, alinéa 2, du même code, la confiscation par équivalent d'un montant de 472.290 euros, correspondant aux loyers perçus pendant la mise à disposition des logements en infraction durant nonante et un mois, à raison de 5.190 euros par mois.
Par ces motifs, les juges d'appel ont répondu aux conclusions du demandeur et ont régulièrement motivé leur décision.
Pour le surplus, ainsi qu'il est indiqué dans la réponse au premier moyen, l'hypothèse selon laquelle le demandeur aurait aussi pu obtenir des loyers d'un même montant ou d'un montant supérieur en se livrant, au lieu de commettre l'infraction, à une possible activité licite, n'est pas de nature à entraîner l'illégalité de la décision des juges d'appel.
Par conséquent, la cour d'appel n'avait pas à énoncer d'autres motifs pour motiver régulièrement et justifier légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Contrairement à ce que le moyen soutient, il n'est pas contradictoire, d'une part, de décider que le demandeur a obtenu des avantages patrimoniaux en louant des logements transformés sans permis d'urbanisme préalable et que ces avantages doivent être confisqués, et, d'autre part, de considérer, pour justifier l'octroi d'un sursis partiel à l'exécution de cette peine, qu'il y a lieu de tenir compte de la circonstance que le demandeur ne paraît pas avoir eu l'intention de s'enrichir dès lors qu'il est plausible que les loyers tirés de la location des logements illégalement divisés sont équivalents ou inférieurs à ceux qu'il aurait obtenus sans commettre cette infraction.
Le moyen manque en fait.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision relative à la remise en état des lieux :
L'arrêt dit n'y avoir lieu d'ordonner la remise en état des lieux.
Dénué d'intérêt, le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe