N° P.17.1216.F
B. G., A., L., B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles, Marc Nève et Sandra Berbuto, avocats au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 novembre 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur reproche à l'arrêt de violer le principe de légalité. Il fait grief aux juges d'appel de l'avoir déclaré coupable de la possession d'images pédopornographiques au motif qu'il se déduit du contexte entourant les faits, à savoir la personnalité et les antécédents du demandeur, que ce dernier conservait d'une manière générale, à des fins principalement sexuelles, des photographies montrant des enfants dénudés s'adonnant à des activités sportives dans un cadre naturiste, de sorte qu'il y a lieu d'assimiler celles-ci à des images illicites.
Le principe de légalité en matière pénale procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique d'une manière claire, précise et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.
Toutefois, ledit principe de légalité n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.
Ainsi, il n'est pas interdit au juge, exerçant ensuite ce pouvoir d'appréciation à propos d'un comportement le cas échéant équivoque, de considérer qu'eu égard aux circonstances de fait de la cause et à la personnalité du prévenu, ledit comportement relève du champ de la répression.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Par ailleurs, les juges d'appel ne se sont pas bornés à considérer de manière abstraite que le contexte des faits jugé pertinent se limitait aux éléments de personnalité et aux antécédents du prévenu. Renvoyant aux autres énonciations de l'arrêt, ils ont également précisé qu'il fut procédé à la saisie, chez le demandeur, de supports informatiques permettant d'établir, outre la consultation de sites internet montrant des photographies d'enfants dénudés, son insistance auprès d'un interlocuteur pour qu'il efface les données le concernant, un accord avec un tiers en vue de l'échange d'images montrant de jeunes garçons se livrant à des jeux sexuels ainsi que le versement d'argent pour réaliser de telles photographies, et des liens informatiques activés correspondant à des clichés montrant de très jeunes enfants, entièrement ou partiellement nus, se baignant ou se livrant à la pratique du sport ou du naturisme. Ils ont enfin relevé que le demandeur a reconnu son attirance pour les enfants nus et a admis avoir recherché les images, parfois contre paiement, même s'il en contestait l'illégalité.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir donné de l'article 383bis du Code pénal une interprétation élargie, en considérant que la « [conservation] de manière générale de clichés de sexes d'enfants à des fins principalement sexuelles » était incriminée, alors que seule la « représentation des organes sexuels d'un enfant à des fins principalement sexuelles » est punissable.
Conformément à l'article 383bis, § 2, du Code pénal, sera puni quiconque aura sciemment et sans droit acquis, possédé du matériel pédopornographique ou y aura, en connaissance de cause, accédé par le biais des technologies de l'information et de la communication.
L'article 383bis, § 4, du même code dispose :
« Pour l'application du présent article, on entend par "matériel pédopornographique" :
1° tout matériel représentant de manière visuelle, par quelque moyen que ce soit, un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé, ou représentant les organes sexuels d'un mineur à des fins principalement sexuelles ;
2° tout matériel représentant de manière visuelle, par quelque moyen que ce soit, une personne qui paraît être un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé, ou représentant les organes sexuels de cette personne, à des fins principalement sexuelles ;
3° des images réalistes représentant un mineur qui n'existe pas, se livrant à un comportement sexuellement explicite, ou représentant les organes sexuels de ce mineur à des fins principalement sexuelles ».
À supposer que, comme le demandeur le soutient, les juges d'appel aient ajouté à la loi une condition d'incrimination qu'elle ne comportait pas, en constatant que la possession des images qu'ils ont considérées comme relevant du matériel pédopornographique avait en outre eu lieu, en l'espèce, à des fins principalement sexuelles, le moyen, dénué d'intérêt, est irrecevable.
Par ailleurs, en énonçant que le demandeur a conservé du matériel pédopornographique consistant en des clichés de sexes d'enfants à des fins principalement sexuelles, les juges d'appel ont constaté que ces images, qu'il avait possédées, représentaient de la manière incriminée le sujet dès lors interdit.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Quant à la troisième branche :
Selon le moyen, en considérant que les photographies saisies chez le demandeur relevaient du champ d'application de l'article 383bis, § 4, du Code pénal dans les deux définitions successives que cette disposition a données des images illicites, l'arrêt viole la foi due aux procès-verbaux de police visés dans ses conclusions d'appel et dont il découlait au contraire que les photographies reproduites dans ces actes ne représentaient pas « les organes sexuels d'un mineur à des fins principalement sexuelles ».
Aux conclusions du demandeur, qui contestaient l'existence de preuves de culpabilité du chef de l'un des comportements incriminés et découlant notamment de ces procès-verbaux, les juges d'appel ont opposé une appréciation différente.
Dans la mesure où, sous le couvert d'une violation de la foi due aux actes, il critique en réalité l'appréciation en fait des juges d'appel et exige pour son examen une vérification d'éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Par ailleurs, prises indépendamment de l'écrit qui en relaterait le contenu, des photographies ne constituent pas, en elles-mêmes, des actes revêtus de la foi due en vertu des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Sur la question préjudicielle :
A titre subsidiaire, le demandeur propose à la Cour de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L'article 383bis du Code pénal n'introduit-il pas une discrimination entre les justiciables susceptibles d'être poursuivis du chef de possession de matériel pédopornographique, dès lors que les faits à la base des poursuites et susceptibles de conduire à une condamnation sont à apprécier selon le justiciable concerné, à l'aune du contexte des faits reprochés ? ».
La Cour n'est cependant pas tenue au renvoi préjudiciel lorsque, comme en l'espèce et pour les motifs indiqués en réponse à la première branche du moyen, la question ne dénonce pas une distinction opérée par la loi entre des personnes se trouvant dans la même situation juridique et auxquelles s'appliqueraient des règles différentes.
Il n'y a dès lors pas lieu de poser la question préjudicielle.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt-sept euros cinquante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe