N° P.17.0545.F
S. M.
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Violaine Devyver, avocat au barreau de Liège, et Cédric Vergauwen et Cécile Meert, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 2 mai 2017 par le tribunal de l'application des peines de Liège.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par un arrêt du 31 mai 2017, la Cour a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à une question préjudicielle concernant l'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
Par l'arrêt numéro 15/2018 du 7 février 2018, la Cour constitutionnelle a répondu à la question précitée.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 142 de la Constitution, 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, 8, 9, 54, 55 et 56 du Code pénal, 25 du Code pénal dans la version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2009 relative à la réforme de la cour d'assises, 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes et 23, § 1er, 1°, et 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
Le moyen fait grief au jugement attaqué de déclarer irrecevable car prématurée la demande de surveillance électronique au motif que le demandeur subit, parmi plusieurs peines privatives de liberté, une peine d'emprisonnement de deux ans du chef de coups ou blessures volontaires avec incapacité de travail commis en état de récidive.
En sa première branche, le moyen soutient que depuis l'arrêt n° 185/2014 de la Cour constitutionnelle du 18 décembre 2014 et l'arrêt de la Cour du 19 octobre 2016 (RG P.16.0837.F), le tribunal de l'application des peines doit appliquer le taux d'un tiers de la peine et non celui de deux tiers prévu à l'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006 précitée, non seulement aux personnes condamnées du chef d'un crime correctionnalisé commis en état de récidive mais aussi aux personnes condamnées, comme le demandeur, du chef d'un délit commis en état de récidive. Le moyen précise que la condamnation précitée a été prononcée sur opposition à un jugement condamnant le demandeur par défaut à une peine d'emprisonnement de dix ans du chef des mêmes faits mais qualifiés de tentative de meurtre. Le demandeur soutient que s'il avait été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement du chef de cette qualification plus grave de tentative de meurtre, il aurait été admissible à la surveillance électronique plus tôt, après avoir subi un tiers de la peine.
En sa seconde branche, le moyen soutient que le demandeur est traité moins favorablement qu'une personne condamnée par le tribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans pour les mêmes faits commis en état de récidive, dès lors que, selon lui, cette personne pourra être libérée conditionnellement après avoir subi un tiers de sa peine. Faisant valoir que cette différence de traitement n'est pas objectivement et raisonnablement justifiée, le moyen invite la Cour, à titre subsidiaire, à poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.
2. Par l'arrêt du 31 mai 2017, la Cour a posé à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine, lu en combinaison avec les articles 25, 56, alinéas 2 et 3, et 80 du Code pénal et 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il a pour effet qu'une personne qui est condamnée par une juridiction correctionnelle à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé punissable, avant sa correctionnalisation, de la peine de réclusion de vingt à trente ans et commis en état de récidive légale peut prétendre à une libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sa peine, alors qu'une personne qui est condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un autre crime correctionnalisé ou d'un délit ne peut prétendre à une libération conditionnelle qu'après avoir subi les deux tiers de sa peine ? ».
3. Par l'arrêt numéro 15/2018 du 7 février 2018, la Cour constitutionnelle a dit pour droit :
« L'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine, dans sa version applicable devant le juge a quo, lu en combinaison avec les articles 25, 56, alinéas 2 et 3, et 80 du Code pénal et avec l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il a pour effet qu'une personne condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un délit ou d'un crime correctionnalisé initialement punissable, avant sa correctionnalisation, de la peine de réclusion de cinq à dix ans, est admissible à la libération conditionnelle après avoir subi deux tiers de sa peine alors qu'une personne condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé initialement punissable, avant sa correctionnalisation, d'une autre peine de réclusion est admissible à la libération conditionnelle après avoir subi un tiers de cette peine. ».
4. Il s'ensuit qu'en ayant déclaré irrecevable la demande de surveillance électronique au motif que, pour calculer la date d'admissibilité de cette modalité, il y avait lieu de retenir l'état de récidive légale constaté par le jugement de condamnation du chef du délit de coups ou blessures volontaires avec incapacité de travail et par conséquent d'appliquer le taux de deux tiers de la peine visé à l'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006, le tribunal n'a pas légalement justifié sa décision.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'examiner le surplus du moyen qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause au tribunal de l'application des peines de Liège, autrement composé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe