Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0153.F
1. ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES,
2. UNION NATIONALE DES MUTUALITES NEUTRES,
3. UNION NATIONALE DES MUTUALITES SOCIALISTES,
4. UNION NATIONALE DES MUTUALITES LIBERALES,
5. UNION NATIONALE DES MUTUALITES LIBRES,
6. CAISSE AUXILIAIRE D'ASSURANCE MALADIE-INVALIDITE,
7. CAISSE DES SOINS DE SANTE DE HR RAIL,
parties civiles,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseils Maîtres Gilles Genicot, avocat au barreau de Liège, et Stephane Libeer, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
M.K., prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 11 janvier 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demanderesses invoquent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 29 janvier 2019, l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 13 février 2019, le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Pris de la violation de l'article 207 du Code d'instruction criminelle, le moyen soutient que l'arrêt est entaché de nullité pour avoir été rendu sans que figure au dossier la copie conforme de la décision entreprise.
Il ressort des pièces de la procédure que, depuis le dépôt du mémoire des demanderesses, la copie certifiée conforme du jugement a été jointe au dossier soumis à l'appréciation de la Cour.
Le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 164 et 191 à 195 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée par l'arrêté royal du 14 juillet 1994, et 322 à 327 de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
Les demanderesses reprochent à l'arrêt de ne pas admettre l'existence des dommages qu'elles ont subis par la faute que les juges d'appel ont imputée au défendeur.
L'article 164, alinéa 1er, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités dispose que « celui qui, par suite d'erreur ou de fraude, a reçu indûment des prestations de l'assurance soins de santé, de l'assurance indemnités ou de l'assurance maternité, est tenu d'en rembourser la valeur à l'organisme assureur qui les a octroyées. Toutefois, la valeur des prestations octroyées indûment à un bénéficiaire est remboursée par le dispensateur qui ne possède pas la qualification requise ou qui ne s'est pas conformé aux dispositions légales ou réglementaires. »
Selon l'alinéa 2 de cette disposition, « en régime du tiers payant, les prestations de l'assurance soins de santé payées indûment sont remboursées par le dispensateur de soins qui ne s'est pas conformé aux dispositions légales ou réglementaires ».
L'octroi des prestations d'assurance maladie invalidité est indu dès que les conditions réglementaires prévues ne sont pas réunies, ces dispositions ne distinguant pas, pour l'obligation de remboursement des prestations octroyées indûment, l'erreur de la fraude.
Par ailleurs, la disposition précitée n'empêche pas les organismes assureurs, en cas de poursuites pénales, d'introduire une action civile devant les juridictions répressives sur la base de l'article 1382 du Code civil lorsque les conditions d'application de cet article sont réunies, parmi lesquelles figure la nécessité d'un dommage.
Ce dommage n'est toutefois pas limité, dans ce cas, au dommage propre des organismes assureurs mais concerne également le dommage résultant des décaissements des montants correspondant à des prestations payées indûment et supportées par le régime de l'assurance qui a fourni les ressources affectées à ces prestations.
Le défendeur a été déclaré coupable d'exercice illégal de l'art infirmier, faute d'avoir disposé du visa de la commission médicale provinciale, en violation de l'article 21sexies, § 1er, de l'arrêté royal n° 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.
L'arrêt relève d'abord qu'il y a lieu de distinguer l'indu et le dommage. Il considère ensuite que les demanderesses n'établissent pas l'existence d'un dommage causé par les faits déclarés établis dans le chef du défendeur. A cet égard, l'arrêt énonce que les remboursements postulés par les demanderesses sont afférents à des soins qui ont été effectivement donnés et que les paiements ont été la contrepartie de soins prodigués aux assurés. Il ajoute qu'à défaut de prestations fictives, aucun dommage de cette nature n'existe et la réparation du dommage allégué reviendrait en réalité à enrichir le préjudicié.
Par ces seules considérations, les juges d'appel se sont limités à constater l'absence de préjudice propre dans le chef des demanderesses mais n'ont pas constaté l'absence de préjudice à charge du régime de l'assurance qui a fourni les ressources affectées aux prestations payées indûment.
Ainsi, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision relative aux dommages dont la réparation était demandée.
Le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les actions civiles exercées par les demanderesses contre le défendeur ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du treize février deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.