Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0715.F
M. F.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres David Ribant et Laurent Kennes, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre deux arrêts rendus le 16 mars 2018 et le 8 juin 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par un arrêt du 24 octobre 2018, la Cour a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à une question préjudicielle concernant l'article 203, §§ 1er et 2, du Code d'instruction criminelle, lu en combinaison avec l'article 204 du même code.
Par l'arrêt numéro 96/2019, du 6 juin 2019, la Cour constitutionnelle a répondu à la question précitée.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 16 mars 2018 :
Sur le troisième moyen :
Le moyen soutient en substance qu'il existe une discrimination entre la situation du prévenu et celle du ministère public, lorsqu'ils décident d'interjeter appel peu avant l'expiration du délai légal, dans la mesure où l'exercice de ce recours prolonge, s'il est formé par le prévenu, le délai permettant à l'intimé de former à son tour appel ou, à tout le moins, lui permet d'envisager durant dix jours supplémentaires cette possibilité à la lumière du recours du prévenu, alors que tel n'est pas le cas lorsque l'appel émane du ministère public ou de la partie civile, nonobstant la circonstance que le ministère public peut, conformément à l'article 204 du Code d'instruction criminelle, lui aussi limiter son recours et, partant, la saisine du juge d'appel.
Par l'arrêt du 24 octobre 2018, la Cour a posé à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L'article 203, §§ 1er et 2, du Code d'instruction criminelle, combiné avec l'article 204 du même code, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, éventuellement combinés avec l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où, en cas d'appel formé par le ministère public ou la partie civile, le prévenu ne dispose pas d'un délai supplémentaire d'appel, alors qu'un tel délai de dix jours est ouvert au ministère public et, le cas échéant, à la partie civile dans l'hypothèse où le prévenu interjette appel, et alors que chacune de ces parties peut limiter la saisine des juges d'appel ? »
Par l'arrêt numéro 96/2019 du 6 juin 2019, la Cour constitutionnelle a dit pour droit : « En ce qu'il ne prévoit pas, lorsque le procureur du Roi fait appel d'un jugement contradictoire entre le vingtième et le trentième jour du délai d'appel, un même délai supplémentaire pour le prévenu, l'article 203, § 1er, du Code d'instruction criminelle, lu en combinaison avec l'article 204 du même code, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6, paragraphe 1er,, de la Convention européenne des droits de l'homme ».
La Cour constitutionnelle a par ailleurs décidé qu'il résulte de ce constat d'inconstitutionnalité et de la motivation qui le sous-tend que l'appel formé par un prévenu contre un jugement contradictoire contre lequel le procureur du Roi a fait appel entre le vingtième et le trentième jour du délai, peut être déclaré recevable quand il est formé dans les dix jours qui suivent cet appel.
Il s'ensuit qu'en tant qu'il déclare irrecevable l'appel du demandeur au seul motif qu'il avait été formé de manière tardive, le lundi 27 novembre 2017, en-dehors du délai de trente jours à compter de celui où le jugement entrepris a été prononcé, le 23 octobre 2017, nonobstant la circonstance que le ministère public avait interjeté un appel limité contre cette décision le 22 novembre 2017, soit le trentième jour du délai d'appel, l'arrêt attaqué ne justifie pas légalement sa décision.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l'illégalité dénoncée par le troisième moyen, conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt du 8 juin 2018 :
La cassation, à prononcer ci-après, de l'arrêt du 16 mars 2018 en tant qu'il statue sur la recevabilité de l'appel du demandeur, entraîne l'annulation de l'arrêt du 8 juin 2018 qui en est la suite, sauf en tant qu'il décide d'écarter une pièce et de joindre les causes I et II, dont les juges d'appel étaient saisis.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l'illégalité à censurer ci-après, conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse les arrêts attaqués, du 16 mars 2018 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel du demandeur, et du 8 juin 2018, sauf en tant qu'il décide d'écarter une pièce et de joindre les causes I et II ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge des arrêts partiellement cassés ;
Condamne le demandeur à un quart des frais et réserve les trois autres quarts pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi.
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Liège.
Lesdits frais taxés à la somme de trois cent cinquante-cinq euros quatre-vingts centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.