Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0013.F
N. B.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, place du Trône, 1,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 16 juin 2017 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
Par ordonnance du 17 septembre 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le 17 septembre 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la troisième branche :
Celui qui, par sa faute, a causé un dommage à autrui est tenu de le réparer et la victime a droit, en règle, à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi.
Le juge évalue in concreto le préjudice causé par un fait illicite.
Il peut recourir à une évaluation en équité du dommage à la condition qu'il indique les motifs pour lesquels il ne peut admettre le mode de calcul proposé par la victime et qu'il constate en outre l'impossibilité de déterminer autrement le dommage.
Le dommage matériel subi par la victime en raison de la réduction de sa capacité de travail consiste en la diminution de sa valeur économique sur le marché du travail.
La victime d'un accident qui se trouve au jour de celui-ci en état de chômage ne peut être considérée comme n'ayant subi aucun dommage professionnel par le seul fait de cet état.
Dans ses conclusions d'appel, le demandeur demandait, pour le dommage économique permanent passé du 19 novembre 2007 au 1er septembre 2017, 117,5 mois x 1.500 euros x 35 p.c., soit 61.687,50 euros, et, pour le dommage économique permanent futur, qu'il soit procédé à la capitalisation de ce dommage suivant la formule qu'il indiquait sur la base d'un revenu mensuel de 1.650 euros.
Étant chômeur à la date de l'accident, il proposait d'évaluer sa valeur économique sur le marché du travail sur la base d'un revenu mensuel théorique de 1.500 euros pour le passé et 1.650 euros pour le futur, d'une part, par référence aux revenus perçus lors des trois années précédant l'accident, d'autre part, par référence au montant des rémunérations en vigueur pour l'exercice d'une activité à temps plein au sein de la commission paritaire dont il dépendait depuis le 1er juillet 2016, date de son engagement à temps partiel dans un salon de coiffure.
Le jugement attaqué énonce qu' « il ressort du rapport d'expertise que [le demandeur] a travaillé dans le service cuisine de la Sabena jusqu'à sa faillite en novembre 2002 [et qu'il] a connu une période pendant laquelle il a reçu de l'aide pour une reconversion puis a bénéficié des indemnités de chômage », que le demandeur « était au chômage lors de la survenance de l'accident », qu' « il ressort de ses conclusions qu'il a, depuis l'année 2009, effectué plusieurs stages ONEm en qualité d'ouvrier dans un salon de coiffure, à raison d'une dizaine d'heures par semaine », que, « depuis le 1er juillet 2016, [le demandeur] dispose d'un contrat de travail dans un salon de coiffure, avec un horaire de travail de 13 heures par semaine », et qu' « il continue par ailleurs à percevoir des allocations de chômage pour un temps partiel en complément de sa rémunération ».
Il relève également que le demandeur « produit ses avertissements-extraits de rôle pour les années 2001 à 2003 desquels il retient qu'il percevait un revenu mensuel net de 1.501,70 euros en 2001, de 1.040,39 euros en 2002 et de 924 euros en 2003 ».
En considérant ne pas disposer « des informations nécessaires à l'évaluation concrète de la valeur économique [du demandeur] sur le marché du travail » au seul motif que « le tribunal constate cependant que [le demandeur] a perçu des indemnités de chômage en 2001 (1.588,24 euros) et en 2002 (7.547,21 euros), de sorte qu'aucun des avertissements-extraits de rôle ne porte sur une année complète de travail », le jugement attaqué, qui ne constate pas l'impossibilité de déterminer autrement le dommage que selon le mode de calcul proposé par le demandeur, ne justifie pas légalement sa décision d'évaluer ce dommage de manière forfaitaire.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu'il statue sur le dommage économique permanent du demandeur et sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Hainaut, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-huit octobre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.