N° P.19.0514.N
1. S. D.,
prévenu,
2. G. D.,
prévenu,
3. DEBRUYNE S, société privée à responsabilité limitée,
partie civilement responsable,
demandeurs en cassation,
Me Suzy Cooleman, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. C. C.,
2. F. W.,
3. ÉTAT BELGE, SPF EMPLOI, TRAVAIL ET CONCERTATION SOCIALE,
4. ÉTAT BELGE, SPF SÉCURITÉ SOCIALE,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le deuxième moyen :
7. Le moyen est pris de la violation des articles 8, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 15 de la Constitution : l'arrêt considère, à tort, que les inspecteurs sociaux pouvaient légalement pénétrer dans le domicile des demandeurs en raison de l'usage mixte de ce bien immobilier ; les exceptions prévues à l'article 24, § 1er, du Code pénal social ne sont pas applicables ; aucun travail n'a jamais été effectué dans les locaux en question ; aucune disposition légale ne fixe de conditions quant au taux de l'usage mixte d'un bien immobilier ; l'usage mixte très limité d'un domicile ne le prive pas de la garantie consacrée par l'article 8, § 1er, de la Convention ; les demandeurs ont clairement indiqué aux inspecteurs sociaux qu'il s'agissait d'un espace privé, ce qui était également mentionné sur un panneau apposé sur le portail d'accès à cet espace ; les inspecteurs sociaux ont bel et bien procédé à une fouille des locaux leur ayant permis de mettre la main sur un agenda, qui ne leur a donc pas été remis par les demandeurs ; les inspecteurs sociaux se sont arrogés le droit disproportionné d'avoir accès à l'habitation privée des demandeurs, le principe de proportionnalité figurant à l'article 19 du Code pénal social.
8. Aux termes de l'article 23 du Code pénal social, les inspecteurs sociaux peuvent dans l'exercice de leur mission pénétrer librement, à toute heure du jour et de la nuit, sans avertissement préalable, dans tous les lieux de travail ou autres lieux qui sont soumis à leur contrôle ou dans lesquels ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer que travaillent des personnes soumises aux dispositions de la législation dont ils exercent la surveillance.
L'article 24, § 1er, du même code détermine les cas dans lesquels les inspecteurs sociaux ont accès aux espaces habités.
9. Le juge apprécie souverainement si un espace dans lequel un inspecteur social a pénétré représente un lieu auquel il a librement accès au sens de l'article 23 du Code pénal social ou un espace habité, au sens de l'article 24, § 1er, du Code pénal social, auquel il n'a accès que dans les cas prévus au § 1er de cette disposition. La Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui y sont étrangères ou qu'elles ne sauraient justifier.
10. L'arrêt statue comme suit :
- il ne ressort aucunement du procès-verbal dressé, que des effets ayant un caractère personnel se trouvaient dans le hangar. Les demandeurs ne font que l'affirmer, sans étayer objectivement cette allégation ;
- les inspecteurs sociaux n'ont aucunement procédé à une fouille de l'espace concerné (hangar) : ils se sont contentés de suivre et d'aborder le personnel de la société qui était rentré dans le hangar à bord d'un camion. Pour le reste, ils n'ont touché à rien dans le hangar ni effectué de fouille dans ce lieu. Il n'a été procédé qu'à une simple audition ayant donné lieu à la saisie d'un agenda remis par l'un des employés ;
- en tant que tel, le hangar était un espace où le camion était garé et où les salariés se trouvaient au début ou à la fin de leur travail. Leurs effets personnels s'y trouvaient apparemment aussi. Cet endroit peut en soi être considéré comme un espace au sens de l'article 23 du Code pénal social. Il ressort du procès-verbal dressé et constatant les infractions qu'il s'agissait d'un espace de travail dans lequel du matériel était notamment stocké (tuyaux en PVC, gouttières métalliques, plaques de bois et autres gros matériaux). Sur la base de ces constatations, les inspecteurs sociaux ont fait mention d'un « atelier ». Il ressort également des données pertinentes susmentionnées que la société ou l'entreprise louait une certaine superficie de l'habitation privée à des fins professionnelles ;
- la demanderesse 3 était connue comme étant l'employeur et comptait deux salariés selon Genesis, un camion s'est dirigé vers un hangar situé à l'arrière du siège d'exploitation et deux personnes en sont sorties.
Par ces motifs, les juges d'appel ont pu légalement considérer que les inspecteurs sociaux étaient autorisés à pénétrer dans le hangar en vertu de l'article 23 du Code pénal social, et rejeter la défense des demandeurs invoquant qu'il n'était possible de pénétrer dans le hangar que dans les cas visés à l'article 24, § 1er, du Code pénal social et que les inspecteurs sociaux se sont rendus coupables d'une violation de domicile.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
11. Pour le surplus, le moyen critique l'appréciation souveraine des faits par le juge ou requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, et est irrecevable.
(...)
Le contrôle d'office
15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.