N° P.20.0712.N
C. K.,
condamné à une peine privative de liberté, détenu,
demandeur en cassation,
Me Tessa De Cuis, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 22 juin 2020 par le tribunal de l’application des peines d’Anvers.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 15 juillet 2020, l’avocat général Bart De Smet a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 5, § 4, 6, § 1er, et 6, § 3, c, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 14, § 3, d, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 154 du Code d’instruction criminelle, ainsi que de la violation des droits de la défense : la cause a été examinée en l’absence du demandeur et le tribunal de l’application des peines a refusé de remettre l’examen de celle-ci pour lui permettre d’être présent.
2. En règle, les articles 6, § 1er, 6, § 3, c, de la Convention et 14, § 3, d, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne s’appliquent pas à une procédure menée devant le tribunal de l’application des peines lorsque celui-ci ne se prononce pas sur le bien-fondé des poursuites. L’article 154 du Code d’instruction criminelle est étranger au grief invoqué.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
3 L’article 5 de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses relatives à la procédure pénale et à l’exécution des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 suspend temporairement le droit du condamné à être entendu par le tribunal de l’application des peines.
Le refus du tribunal de remettre la cause pour permettre une comparution en personne se fonde sur cet arrêté royal numéroté et ne méconnaît donc pas les droits de défense du demandeur.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
4. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention et 149 de la Constitution : l’arrêt n’indique pas les raisons pour lesquelles il ne peut être accédé à la demande de remise de l’examen de la cause, formulée par le demandeur, et ne répond pas à cette demande.
5. En règle, l’article 6 de la Convention ne s’applique pas à une procédure menée devant le tribunal de l’application des peines lorsque celui-ci ne se prononce pas sur le bien-fondé des poursuites.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
6. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, à l’audience du 11 juin 2020, le demandeur a sollicité la remise de la cause tout en précisant cette demande.
Il ressort également desdites pièces qu’après avoir suspendu l’audience, le tribunal de l’application des peines a décidé de ne pas accéder à la demande de remise.
Le jugement attaqué fait référence à l’article 5 de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020, tel que modifié par l’article 1er de l’arrêté royal du 28 avril 2020 prolongeant les mesures prises par l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020, qui suspend temporairement, avec effet jusqu’au 17 juin 2020 inclus, le droit du condamné à être entendu par le tribunal de l’application des peines.
Ainsi, le tribunal de l’application des peines a répondu à la demande formulée par le demandeur et le jugement indique par ailleurs les raisons pour lesquelles il n’accorde pas la remise de l’examen de la cause.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
7. À défaut de conclusions en ce sens, le tribunal de l’application des peines n’est pas tenu de motiver plus avant sa décision de ne pas accéder à une demande de remise de l’examen d’une cause.
Dans cette mesure, le moyen ne peut davantage être accueilli.
Sur le troisième moyen :
8. Le moyen est pris de la violation des articles 35, § 1er, alinéa 1er, et 37 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté : la cause a été examinée sans que le demandeur ait été entendu ; le tribunal de l’application des peines aurait dû, à tout le moins, accorder une (seule) remise.
9. Le jugement constate que le demandeur relève de la catégorie des peines allant de 3 à 5 ans, ce dont il résulte que l’article 53, de la loi du 17 mai 2006 est applicable, et non l’article 35.
Dans la mesure où il est pris de la violation de l’article 35, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 17 mai 2006, le moyen est irrecevable.
10. L’article 53, alinéa 1er, de la loi du 17 mai 2006 dispose que le tribunal de l’application des peines entend le condamné et son conseil, le ministère public et le directeur.
Selon l’article 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020, les mesures prévues dans ledit arrêté sont applicables durant la période allant du 18 mars 2020 au 17 juin 2020 inclus.
L’article 5 du même arrêté prévoit que dans les cas visés, entre autres, par l’article 53 de la loi du 17 mai 2006, le tribunal de l’application des peines entend, pour la durée de la période visée à l’article 1er, alinéas 1 et 3, uniquement les conseils du condamné, le cas échéant, de la victime, ainsi que le ministère public, sauf décision contraire motivée. Cette décision n’est susceptible d’aucun recours.
11. Il résulte de ces dispositions légales que, pendant la période visée à l’article 1er de l’arrêté royal n° 3, le tribunal de l’application des peines n’entend pas l’intéressé.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
12. En vertu de l’article 37, alinéa 1er, de la loi du 17 mai 2006, le tribunal de l’application des peines peut remettre une seule fois l’examen de la cause à une audience ultérieure, sans que cette audience puisse avoir lieu plus de deux mois après la remise.
13. Le juge apprécie souverainement la nécessité, l’utilité ou l’opportunité de la remise de l’examen d’une cause.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
(…)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Geert Jocqué, président de section, Antoine Lievens, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux juillet deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Bart De Smet, avocat général, avec l’assistance de Kristel Vanden Bossche, greffier.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.