N° F.17.0029.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du Centre Étrangers, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50 (bte 3409),
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
D. J.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 avril 2016 par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 4 juin 2010.
Le 28 décembre 2020, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la défenderesse et déduite de ce que la décision d'introduire le pourvoi en cassation n'a pas été régulièrement prise :
Par un arrêté du 9 décembre 2015, le président du comité de direction, ayant reçu délégation du ministre des Finances pour la création de services ainsi que pour la fixation de leur siège et de leurs compétences matérielles et territoriales, a créé le centre Étrangers au sein de l'administration des petites et moyennes entreprises.
Suivant l'article 2, 1°, de cet arrêté, l'administration des petites et moyennes entreprises est compétente à l'égard des personnes physiques qui ne sont pas des habitants du royaume.
En vertu de l'article 3, § 2, du même arrêté, le centre Étrangers est compétent à l'égard des personnes non résidentes pour le traitement des contestations en matière d'impôt des non-résidents et pour la défense devant les diverses instances juridictionnelles.
L'introduction d'un pourvoi en cassation participe de la défense des droits de l'État devant les juridictions.
Il s'ensuit que le conseiller général du Centre Étrangers à Bruxelles, qui a signé la requête en cassation, était compétent pour former le pourvoi.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite du défaut d'intérêt :
Si l'arrêt attaqué énonce que la rétroactivité de l'accord entre États contractants « n'est justifiée par aucune circonstance particulière », aucun de ses motifs n'emporte la décision que cet accord équivaut à une intervention du pouvoir législatif dans l'administration de la justice et qu'aucun motif impérieux d'intérêt général ne justifie pareille immixtion dans le litige en cours.
Il ne décide pas davantage que l'accord ne peut avoir d'effet pour le passé faute de prévisibilité au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
Aux termes de l'article 10, § 1er, de la Convention du 10 mars 1964 entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, les rémunérations allouées sous forme de traitements, salaires, appointements, soldes et pensions par l'un des États contractants ou par une personne morale de droit public de cet État ne se livrant pas à une activité industrielle ou commerciale sont imposables exclusivement dans ledit État.
En vertu de l'article 10, § 2, de la même convention, cette disposition pourra être étendue par accord de réciprocité aux rémunérations du personnel d'organismes ou établissements publics ou d'établissements juridiquement autonomes constitués ou contrôlés par l'un des États contractants ou par les provinces et collectivités locales de cet État, même si ces organismes ou établissements se livrent à une activité industrielle ou commerciale.
Il s'ensuit que les États contractants peuvent décider, de commun accord, d'appliquer la règle de l'article 10, § 1er, à des personnes morales de droit public qui se livrent à une activité industrielle ou commerciale et qu'en l'absence d'accord, l'article 10, § 1er, est applicable aux organismes ou établissements énumérés à l'article 10, § 2, qui ne se livrent pas à une activité industrielle ou commerciale.
L'arrêt constate que « l'administration fiscale française a confirmé dans un[e] [lettre] adressé[e] le 13 avril 2005 aux services centraux du ministère des Finances que : ‘l'association A.I.O.M.S., intercommunale belge en charge de la gestion de plusieurs hôpitaux publics de la province de Luxembourg, est une personne morale de droit public belge exerçant une activité à caractère non commercial ; partant, [cette association] entre dans le champ de l'article 10, § 1er, de la convention fiscale précitée [...] ; cette analyse a été entérinée par un échange de lettres des 14 mai et 13 décembre 1999' ».
En considérant que l'accord résultant de ladite lettre du 13 avril 2005 « constitue en réalité une modification de la disposition » de l'article 10, § 1er, de la convention franco-belge du 10 mars 1964, alors qu'il en est l'exacte application au cas de l'intercommunale concernée, l'arrêt viole cette disposition.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du quatorze janvier deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.