N° F.20.0084.F
1. T. L., et
2. S. L.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 juin 2019 par la cour d'appel de Mons.
Le 10 février 2021, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le procureur général
André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Suivant l'article 19, A, § 1er, alinéa 2, de la Convention du 10 mars 1964 conclue entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, pour les dividendes d'origine française qui ont effectivement supporté en France la retenue à la source au taux de 15 p.c. conformément à l'article 15, § 2, b), de cette convention et qui sont recueillis par des personnes physiques résidentes de la Belgique, l'impôt dû en Belgique sur leur montant net de retenue française sera diminué, d'une part, du précompte mobilier belge perçu au taux normal, d'autre part, de la quotité forfaitaire d'impôt étranger déductible dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15 p.c. dudit montant net.
Il suit de cette disposition, qui impose à la Belgique d'accorder à ses résidents fiscaux le droit d'imputer une quotité forfaitaire d'impôt étranger sur l'impôt belge afférent à leurs dividendes d'origine française ayant subi un impôt à la source, qu'il ne saurait être donné effet à une règle de droit interne belge qui priverait lesdits résidents de ce droit.
L'arrêt constate que les demandeurs ont perçu en 2005 des dividendes d'origine française sous déduction d'une retenue à la source française de 15 p.c. et que, n'ayant pas subi la charge d'un précompte mobilier belge libératoire, ils ont déclaré le montant, net de retenue française, de ces dividendes à l'impôt des personnes physiques de l'exercice d'imposition 2006.
Il relève qu'en vertu de l'article 285, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, pour ce qui concerne les revenus de capitaux et biens mobiliers, une quotité forfaitaire d'impôt étranger est imputée sur l'impôt lorsque ces revenus ont été soumis à l'étranger à un impôt analogue à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents et que, depuis une loi du 7 décembre 1988, cette imputation est subordonnée à la condition que lesdits capitaux et biens soient affectés en Belgique à l'exercice de l'activité professionnelle.
Il ajoute qu'en vertu de l'alinéa 2 de cette disposition, applicable à l'exercice d'imposition 2006, par dérogation à l'alinéa 1er, aucune quotité forfaitaire d'impôt étranger n'est imputée lorsqu'il s'agit de dividendes provenant de sociétés étrangères autres que des sociétés d'investissement.
Il considère que les demandeurs, qui n'avaient pas affecté les titres litigieux à l'exercice d'une activité professionnelle, ne tiraient de l'article 285 précité aucun droit à la quotité forfaitaire d'impôt étranger.
En décidant que la privation d'un tel droit par le fait de l'évolution dans le temps de la loi fiscale belge est conforme à l'article 19, A, § 1er, alinéa 2, de la convention préventive franco-belge, l'arrêt viole cette disposition.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-cinq février deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.