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09/03/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1171.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mars 2021, P.20.1171.N


N° P.20.1171.N
TOP CARS, société à responsabilité limitée,
partie intervenue volontairement,
demanderesse en cassation,
Me Tanja Smit, avocate au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 octobre 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 18 février 2021, l’avocat général Dirk Schoeters a déposé des conclusions au greffe.
À l’audience du 9 mars

2021, le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION ...

N° P.20.1171.N
TOP CARS, société à responsabilité limitée,
partie intervenue volontairement,
demanderesse en cassation,
Me Tanja Smit, avocate au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 octobre 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 18 février 2021, l’avocat général Dirk Schoeters a déposé des conclusions au greffe.
À l’audience du 9 mars 2021, le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la méconnaissance du principe général du droit de la personnalité de la peine : l’arrêt déclare non fondée la demande de la demanderesse tendant à obtenir la restitution ou la libération du véhicule qu’elle a loué au condamné I.I. et confirme la confiscation dudit véhicule à charge de I.I. sur le fondement de l’article 4, § 6, de la loi du 24 février 1921 sur le trafic de stupéfiants, au motif qu’il l’a utilisé pour commettre l’infraction en matière de stupéfiants ; l’arrêt fonde cette considération sur la constatation que la demanderesse n’est pas un tiers de bonne foi ; or la demanderesse n’a pas été tenue pour responsable et ne peut être tenue pour responsable de la commission de l’infraction ou d’une participation à celle-ci, de sorte qu’elle doit être considérée comme un tiers de bonne foi ; par conséquent, elle ne peut se voir infliger une peine du chef de l’infraction en ce que la peine infligée est exécutée sur son patrimoine.
2. Conformément à l’article 4, § 6, de la loi du 24 février 1921, sans préjudice de l’application des articles 42 et 43 du Code pénal, le juge peut ordonner la confiscation des véhicules qui ont servi à commettre des infractions en matière de stupéfiants, même s’ils ne sont pas la propriété du condamné.
3. Par conséquent, la confiscation peut toucher un tiers qui est le propriétaire du véhicule. Ce tiers peut faire valoir ses droits sur le véhicule devant le juge et, sur cette base, s’opposer à la confiscation.
4. Le principe général du droit de la personnalité de la peine et le droit à la propriété s’opposent à ce qu’une telle confiscation soit imposée à un tiers de bonne foi qui ignorait et ne pouvait savoir que son véhicule était ou serait utilisé pour commettre l’infraction en matière de stupéfiants.
5. Dès lors, la simple absence de condamnation du tiers du chef de l’infraction en matière de stupéfiants pour la commission de laquelle son véhicule a été utilisé ne suffit pas à empêcher la confiscation à charge de l’auteur de l’infraction. Il est également requis à cet effet que le tiers soit de bonne foi. Pour apprécier l’existence de la bonne foi, le juge peut tenir compte du fait que le tiers, par un comportement reprochable, a contribué à la réalisation de l’infraction en matière de stupéfiants.
6. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
7. Il appartient au juge d’apprécier, à l’aune des éléments concrets de l’espèce, la bonne foi du tiers qui s’oppose à la confiscation du véhicule sur la base de l’article 4, § 6, de la loi du 24 février 1921.
8. L’arrêt considère que la demanderesse ne peut être considérée comme un tiers de bonne foi pour les motifs suivants :
- en tant que loueur professionnel de véhicules, la demanderesse ne peut ignorer la pratique usuelle à Anvers et dans ses alentours, selon laquelle des revendeurs de drogue, souvent jeunes, utilisent des véhicules de location pour vendre de la drogue ;
- le contrat de location stipule que le preneur doit être titulaire d’un permis de conduire depuis au moins 5 ans et doit être âgé d’au moins 23 ans ;
- en dépit de ce qui précède, la demanderesse n’a pas hésité à louer le véhicule au prévenu qui, à l’époque, n’était âgé que de 18 ans et n’avait son permis de conduire que depuis quelques mois, sans pour autant demander de caution supplémentaire ;
- le montant de la location pour le premier mois (1.000,00 euros) et la caution (250,00 euros) ont été versés en liquide à la signature du contrat de location par le preneur âgé de 18 ans, ce qui est inhabituel et aurait dû faire naître des questions dans le chef du loueur ;
- le véhicule a été immédiatement remis au preneur de 18 ans, alors que seul le premier mois de location avait été payé et que le deuxième mois serait payé le plus vite possible par le preneur, ce qui est également inhabituel et fait naître des questions.
L’arrêt considère également que l’absence de poursuites à charge de la demanderesse dans le cadre de la procédure au fond, en tant que coauteur ou complice, ne porte pas atteinte à la considération précitée des juges d’appel, dès lors qu’il relève de la politique criminelle du ministère public de décider qui fait l’objet de poursuites ou non.
Ainsi, la décision de confiscation est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
9. Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de la méconnaissance de la présomption d’innocence et des droits de la défense : l’arrêt considère que la défense de la demanderesse, selon laquelle elle ne fait pas elle-même l’objet de poursuites du chef de l’infraction en matière de stupéfiants, ne porte nullement préjudice à la considération selon laquelle elle n’est pas un tiers de bonne foi étant donné que le ministère public suit une politique autonome en matière de poursuites ; l’arrêt constate implicitement que la demanderesse a collaboré à l’infraction en matière de stupéfiants et en est donc complice, même si elle n’est pas poursuivie pour cette infraction.
10. Le fait que l’article 4, § 6, de la loi du 24 février 1921, dispose que le véhicule qui a servi à commettre l’infraction peut être confisqué même s’il n’est pas la propriété du condamné, implique que le propriétaire du véhicule ne doit pas nécessairement faire lui-même l’objet de poursuites du chef de cette infraction pour que ladite confiscation puisse être ordonnée. Il suffit que l’intéressé puisse faire valoir ses droits sur ce véhicule devant le juge et qu’il puisse s’opposer à la confiscation sur cette base. Les droits de la défense ont ainsi été respectés.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
11. Par les motifs par lesquels il rejette l’opposition de la demanderesse à la confiscation du véhicule, l’arrêt ne déclare pas la demanderesse coupable de l’infraction en matière de stupéfiants pour la commission de laquelle le véhicule a été utilisé, et ne méconnaît pas la présomption d’innocence de la demanderesse, mais énonce la raison pour laquelle elle n’est pas un tiers de bonne foi et indique ainsi pourquoi son opposition à la confiscation n’est pas fondée. Cette décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf mars deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.1171.N
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit civil

Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : BIRANT AYSE, VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : SCHOETERS DIRK
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-09;p.20.1171.n ?

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