N° C.20.0201.N
1. B. D.,
2. K. D.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
BALOISE BELGIUM, s.a.
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d’appel de Gand.
Par ordonnance du 30 décembre 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le 29 décembre 2020, l’avocat général Henri Vanderlinden a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Geert Jocqué a fait rapport et l’avocat général Henri Vanderlinden a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. En vertu de l’article 1er, B, sous a), de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, tel qu’il s’applique au litige, on entend par assuré dans une assurance dommages, la personne garantie par l’assurance contre les pertes patrimoniales.
L’article 22 de cette loi dispose que les parties peuvent convenir à tout moment qu’un tiers peut prétendre au bénéfice de l’assurance aux conditions qu’elles déterminent. Ce tiers ne doit pas être désigné ni même être conçu au moment de la stipulation, mais il doit être déterminable au jour de l’exigibilité des prestations d’assurances.
Suivant l’article 38, alinéa 1er, de la même loi, l’assurance peut être souscrite pour compte de qui il appartiendra. Dans ce cas, l’assuré est celui qui justifie de l’intérêt d’assurance lors de la survenance du sinistre.
Aux termes de l’article 1165 de l’ancien Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.
L’article 1122 de ce code dispose qu’on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention.
Il suit de l’ensemble des dispositions précitées que l’assurance incendie qu’un copropriétaire d’un bien indivis a souscrite en son nom personnel ne couvre, en règle, que sa part dans la copropriété et ne profite pas aux autres copropriétaires, sauf s’il ressort de l’assurance que le preneur d’assurance a agi pour leur compte.
2. L’article 1135 de l’ancien Code civil dispose que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.
3. Il suit de la circonstance qu’un copropriétaire d’un bien immobilier indivis paie, dans le cadre d’un contrat d’assurance incendie couvrant l’ensemble de ce bien, qu’il a conclu en son nom personnel, des primes qui ont été calculées sur la valeur totale de ce bien, que les parties sont convenues d’une assurance non seulement pour ce copropriétaire mais également pour les autres copropriétaires.
4. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- A. D., F. A. et les demandeurs sont propriétaires de l’habitation X ;
- ce bâtiment s’est partiellement effondré le 21 octobre 2010 ;
- la défenderesse est l’assureur incendie de A. D. et F. A. ;
- le contrat d’assurance a été souscrit par A. D. et F. A. en qualité de propriétaires du bâtiment assuré ;
- A. D. et F. A. n’ont pas signalé à l’assureur qu’ils n’étaient pas les seuls propriétaires du bien à assurer ;
- ils ont fait assurer le bâtiment pour sa valeur totale et ont payé la prime correspondante ;
- sachant qu’ensuite de l’application de l’article 39 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, ils ne pouvaient obtenir d’indemnité supérieure à la valeur de leur part dans le bien immobilier, ils n’ont donc pu avoir d’autre intention, en assurant la totalité du bâtiment, que de faire profiter également les autres copropriétaires, les demandeurs, du bénéfice de l’assurance : aucune autre interprétation n’aurait de sens pour rendre compte de cette manière de contracter ;
- cette volonté doit exister clairement et sans équivoque non seulement du côté des assurés, les stipulants, mais également du côté de l’assureur, le promettant ;
- pour que, par dérogation à ce contrat écrit, la défenderesse eût consenti tacitement à la stipulation pour autrui, il aurait fallu qu’elle eût au moins connaissance du fait que A. D. et F. A. n’étaient pas les seuls propriétaires du bâtiment à assurer ;
- aucun élément ne va cependant en ce sens, de sorte que la défenderesse ne peut être réputée y avoir consenti au moment de la conclusion de la police ;
- le fait qu’elle ait facturé une prime d’assurance couvrant la totalité du bâtiment et les risques y afférents ne change en rien cette constatation.
5. En considérant, sur la base de ces énonciations, que « dès lors que A. D. et F. A. ne sont propriétaires du bâtiment assuré que pour moitié et que les demandeurs ne peuvent prétendre à une prestation de la défenderesse, le principal alloué par le premier juge doit être réduit de moitié », les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur les autres griefs :
6. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel d’Anvers.
18Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, le président de section Geert Jocqué et les conseillers Antoine Lievens, Bart Wylleman et Ilse Couwenberg, et prononcé en audience publique du douze avril deux mille vingt et un par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sabine Geubel et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.