N° P.20.1225.F
Y. O.,
partie civile,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1,
partie intervenue volontairement,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 12 octobre 2020 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
La Cour ne peut avoir égard au mémoire en réponse de la défenderesse, dont il n’apparaît pas qu’il ait été communiqué au demandeur en personne, formalité requise par l’article 429, alinéa 4, du Code d’instruction criminelle.
Sur le désistement :
Le demandeur se désiste, sans acquiescement, de son pourvoi dans la mesure où le jugement attaqué n’est pas définitif à l’égard du prévenu qui serait susceptible de former opposition contre le jugement du tribunal de police « prononcé par défaut » à son encontre le 5 décembre 2018.
Par le jugement précité du 5 décembre 2018, statuant contradictoirement en poursuite de cause, le tribunal de police n’a pas mentionné explicitement que le prévenu était partie à la cause. Il n’a pas davantage indiqué statuer par défaut à son égard, et il n’a alloué aucune indemnité au demandeur à charge du prévenu.
Par la décision attaquée, le tribunal correctionnel a statué définitivement sur tout ce qui faisait l'objet des demandes portées devant lui.
Il n'y a pas lieu de décréter le désistement, entaché d'erreur.
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution.
Pour l’appréciation du dommage ménager temporaire, le jugement considère que l’apport du demandeur dans le ménage formé avec sa mère est, d’une part, de 35 % et, d’autre part, de 30 %.
Ces motifs sont contradictoires.
Le moyen est fondé.
Sur le second moyen :
Pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 1382 et 1383 du Code civil, et 1138, 3°, du Code judiciaire, le moyen critique la décision du tribunal relative au préjudice ménager permanent du demandeur.
Quant à la première branche :
Le moyen fait grief au jugement de ne pas répondre aux conclusions du demandeur qui sollicitait l’allocation de deux indemnités distinctes, l’une pour le passé, l’autre pour le futur.
Après avoir indiqué que le demandeur réclamait la capitalisation de son dommage en distinguant le passé du futur, le jugement expose les raisons concrètes pour lesquelles il ne fait pas droit à cette double demande. Il considère que la preuve n’est pas rapportée que le demandeur s’assume complètement et seul au niveau ménager et que depuis son installation seul à son adresse, mitoyenne de celle de sa mère chez qui il prend ses repas et qui s’occupe de son linge, il aurait une activité indépendante et totale. Il ajoute que c’est également l’inconnue pour le futur puisqu’à ce jour, cette situation ne semble pas avoir évolué ni changé. Il relève également que le demandeur ne démontre pas que ses tâches ménagères occuperont une place constante dans sa vie et que celle-ci ne se modifiera pas sensiblement jusqu’à son décès.
Considérant ensuite que l’évaluation du dommage ménager permanent par la méthode de la capitalisation dépend d’une série d’hypothèses, qu’il cite, sans qu’aucune d’entre elles puisse être privilégiée, le jugement énonce que, compte tenu de l’âge du demandeur au moment de la consolidation et des incertitudes liées à l’évolution de sa situation de famille, seule la méthode forfaitaire d’évaluation doit être retenue.
En opposant ainsi leur appréciation en fait de l’existence et de l’étendue du dommage ménager permanent du demandeur ainsi que le montant destiné à le réparer intégralement, les juges d’appel ont répondu aux conclusions du demandeur qui sollicitait une capitalisation de son dommage ménager permanent en distinguant le passé de l’avenir.
Le moyen manque en fait.
Quant aux deuxième, troisième et quatrième branches réunies :
Dans la deuxième branche, le moyen reproche au tribunal d’avoir omis de se prononcer sur la demande d’allocation de deux indemnités distinctes, l’une pour le passé, l’autre pour le futur. Dans la troisième branche, il fait grief au jugement de ne pas indiquer les raisons pour lesquelles le tribunal n’a pas admis la demande de distinction des dommages passé et futur, et de n’avoir pas constaté l’impossibilité d’évaluer séparément les deux dommages. Dans la quatrième branche, il reproche au tribunal de ne pas avoir tenu compte de la distinction entre la période passée pour laquelle la situation familiale du demandeur était connue et la période future pour laquelle cette situation était inconnue, et de ne pas avoir tenu compte des éléments concrets de la situation familiale dans la période passée.
L’obligation de distinguer le préjudice déjà subi du préjudice futur, si la victime demande d’opérer une telle distinction, ne s’applique que lorsque le juge évalue le dommage par capitalisation, mais elle n’a pas de raison d’être en cas d’évaluation forfaitaire.
Reposant entièrement sur une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu’il statue sur le préjudice ménager temporaire ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne le demandeur aux quatre cinquièmes des frais et réserve le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinq cent trois euros quarante-trois centimes dont deux cent vingt-quatre euros nonante centimes dus et deux cent septante-huit euros cinquante-trois centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.