N° F.20.0031.N
1. I. G.,
2. N. T.,
Me Luc Vanheeswijck et Me Livius Kell, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 8 avril 2021, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Sur la recevabilité du moyen, en sa seconde branche :
1. Le défendeur oppose au moyen, en sa seconde branche, une fin de non-recevoir déduite de ce que les demandeurs soutiennent que l’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole les principes constitutionnels de légalité et d’égalité, tandis que la Cour est sans compétence pour vérifier la compatibilité d’une loi avec la Constitution.
2. Les demandeurs ne demandent pas à la Cour de statuer elle-même sur la compatibilité de l’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 avec les principes constitutionnels de légalité et d’égalité, mais l’invitent à poser une question préjudicielle dans ce cadre à la Cour constitutionnelle.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
3. Les demandeurs ont invité les juges d’appel à poser la question préjudicielle suivante : « L’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 est-il compatible avec le principe constitutionnel de légalité ou d’égalité consacré aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lorsqu’il est interprété en ce sens que le caractère imposable d’un revenu ou d’une plus-value dépend d’une comparaison avec le comportement adopté par un bon père de famille, compte tenu de l’interprétation dynamique de la notion de « bon père de famille » et de son interprétation en fonction de la personne et du patrimoine de l’assujetti, ce qui rend l’application de la loi fiscale imprévisible ? »
Les juges d’appel ont considéré que ni le principe d’égalité ni le principe de légalité n’ont été manifestement violés et qu’il n’y a pas lieu de poser de question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.
Dans leur unique moyen, en sa première branche, les demandeurs invoquent la violation de l’article 26, § 2, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, dès lors que les juges d’appel ont considéré que l’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole manifestement pas la Constitution, alors que les motifs invoqués par les demandeurs doivent manifestement conduire à la conclusion contraire ou que, à tout le moins, la constitutionnalité de cette disposition peut être mise en doute. Dans leur moyen, en sa seconde branche, ils invoquent la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, au motif que les juges d’appel ont appliqué l’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, alors qu’il est contraire aux principes d’égalité et de légalité. Les demandeurs invitent la Cour à poser elle-même la question préjudicielle précitée à la Cour constitutionnelle.
4. Lorsque les juges d’appel ont refusé de poser à la Cour constitutionnelle une question relative à la violation par la loi d’un droit fondamental garanti par la Constitution et que, dans le moyen de cassation, le demandeur conteste non seulement le rejet de sa demande, mais critique également la décision prononcée sur le litige même, qui le fonde à soulever une question préjudicielle, la Cour est tenue en principe de poser elle-même cette question à la Cour constitutionnelle.
Il y a lieu de poser à la Cour constitutionnelle la question libellée au dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs,
La Cour
Sursoit à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à la question préjudicielle suivante :
« L’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, coordonné par l’arrêté royal du 10 avril 1992 et confirmé par la loi du 12 juin 1992, viole-t-il le principe constitutionnel de légalité ou d’égalité consacré aux articles 170 et 172 de la Constitution, dans la mesure où il rend imposables les bénéfices ou profits recueillis en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle, sauf si ces bénéfices ou profits résultent d’opérations de gestion normales d’un patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers ? »
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens, François Stévenart Meeûs et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du vingt et un mai deux mille vingt et un par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.