N° P.21.1147.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE MONS,
demandeur en cassation,
contre
1. L. J., P., J., B., M.,
2. L. N., R., L., M., M., P.,
prévenus,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Stéphane Nopere, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est situé boulevard de la Woluwe, 62, à Woluwe-Saint-Lambert où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 10 juin 2020.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 3 novembre 2021, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
J.L. est poursuivi notamment pour avoir nourri du sanglier à titre dissuasif en dehors des conditions fixées par l’article 13 de l’arrêté du gouvernement wallon du 18 octobre 2012 fixant les conditions de nourrissage du grand gibier, et ce par la distribution d’aliments au moyen d’une traînée de dix-huit mètres de long sur quinze de large (prévention B.4).
J.et N. L. sont également poursuivis pour avoir nourri du sanglier à titre dissuasif en dehors des conditions fixées par l’article 13 de l’arrêté précité, en effectuant un épandage d’aliments à l’aide d’un moyen mécanique ou motorisé (prévention C.5).
L’arrêt attaqué considère que ces préventions ne sont pas établies, à défaut de base réglementaire déterminant de manière légale les conditions mises au nourrissage dissuasif du sanglier.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen et déduite de son défaut d’intérêt :
Les défendeurs soutiennent que le moyen est dénué d’intérêt dès lors qu’ils n’ont pas accompli par eux-mêmes les faits les plus récents, constitutifs de la cinquième prévention.
Requérant la vérification des éléments de fait de la cause, laquelle n’est pas au pouvoir de la Cour, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 12ter de la loi du 28 février 1882 sur la chasse.
L’article 12ter, § 4, n’autorise le nourrissage du sanglier que moyennant le respect de deux conditions : d’une part, il faut que l’auteur agisse à titre dissuasif, c’est-à-dire en vue de protéger les cultures de dégâts importants ; d’autre part, ce nourrissage doit obéir aux modalités fixées par le gouvernement.
Une peine d’amende est prévue au cinquième paragraphe de l’article 12ter pour les infractions aux dispositions de cet article.
Les articles 7 et 13 de l’arrêté du gouvernement wallon du 18 octobre 2012 déterminent, en ce qui concerne le nourrissage dissuasif du sanglier, les lieux de nourrissage, les céréales pouvant être distribuées, et le mode de dispersion et d’épandage.
La peine visée à l’article 12ter, § 5, précité est donc encourue aussi bien pour le nourrissage effectué à des fins autres que dissuasives, que pour le nourrissage réalisé en vue de protéger les récoltes mais sans respecter les conditions de lieu, de produit et de modalités fixées par l’arrêté.
Relevant l’illégalité dont l’arrêté susdit est entaché, l’arrêt en refuse l’application, conformément à l’article 159 de la Constitution.
Il en résulte que l’amende n’est pas encourue pour un nourrissage dissuasif mais réalisé à proximité immédiate d’un terrain de chasse ou d’un cours d’eau, ou au moyen de produits alimentaires non autorisés, ou par des moyens mécaniques ou par des traînées transgressant les mesures permises.
Mais ce n’est pas parce que les conditions réglementaires mises au nourrissage dissuasif du sanglier sont inapplicables, que le nourrissage non dissuasif de ce gibier devient licite.
Portant sur le fait et non sur sa qualification, tout acquittement suppose que le fait jugé non établi sous sa qualification originaire ne l’est pas davantage sous celle que la loi impose de lui substituer.
L’arrêt ne constate pas que les défendeurs n’ont nourri le sanglier qu’en vue de prévenir des dégâts importants aux cultures.
L’arrêt ne vérifie pas non plus si les faits dont la cour d’appel est saisie notamment sous les préventions B.4 et C.5 ne s’identifient pas avec ceux que la loi du 28 février 1882 continue à réprimer au titre de nourrissage non dissuasif du sanglier, opération demeurant prohibée quelles qu’en soient les modalités.
Les juges d’appel n’ont, dès lors, pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Lutgarde Body, greffier.