N° C.20.0198.F
L. D.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, en la personne du président de celui-ci, dont le cabinet est établi à Namur (Jambes), rue Mazy,
25-27,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 21 novembre 2018 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d’appel.
Par son arrêt du 15 avril 2021, la Cour a posé à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle à laquelle répond l’arrêt n° 144/2021 rendu le
14 octobre 2021 par cette juridiction.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen qui a été reproduit dans l’arrêt précité du 15 avril 2021.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu de l’article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l’État, coordonnées le 17 juillet 1991, sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l’État, les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l’ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l’année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.
Conformément à l’article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, cette disposition est applicable aux créances à charge de la Région wallonne.
Dans son arrêt précité n° 144/2021 du 14 octobre 2021, la Cour constitutionnelle a considéré que l’article 100 susdit viole les articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu’il est interprété en ce sens que le délai de prescription de cinq ans, dont la victime d’un dommage causé par une autorité publique visée par cette disposition doit tenir compte lorsqu’elle entend réclamer une indemnisation à cette autorité, commence à courir le premier janvier de l’année budgétaire au cours de laquelle la créance d’indemnisation est née, même lorsque la victime n’est informée de l’identité du responsable de ce dommage que plus de quatre ans après ce jour-là.
Le jugement attaqué relève que « le dommage a été établi dès le 26 juin 1995, jour du décès d’A. D. », et que « l’identité du responsable de l’accident litigieux, désigné en l’espèce par [la demanderesse] en la personne de [la défenderesse], était connu [de celle-là] au plus tard le 12 janvier 1999, comme en atteste le courrier de [son] conseil adressé au conseil du conducteur ».
En considérant que « ce n’est que lorsque le préjudice ou l’identité du responsable ne peut être établi que postérieurement à l’expiration du délai de prescription quinquennal que l’article 100, alinéa 1er, 1°, [précité] ne peut être appliqué » et que, dès lors que la demanderesse « disposait [des] éléments [lui] permettant de poursuivre la responsabilité de [la défenderesse] avant l’expiration du délai de cinq ans », « le préjudice et l’identité du responsable [étant] établis avant l’expiration [de ce] délai », celui-ci « a commencé à courir le 1er janvier 1995 », année au cours de laquelle « la créance alléguée […] est née », en sorte que la citation signifiée le 25 avril 2003 est tardive, le jugement attaqué viole la disposition légale précitée.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu’il reçoit l’appel de la demanderesse et statue à son égard ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-neuf avril deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.