N° C.19.0329.F
M. K.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
D. T.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 13 février 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 4 mai 2022, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Ariane Jacquemin a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur la procédure :
Il n’y a pas lieu d’avoir égard aux pièces remises par la demanderesse au greffe le 28 mars 2022, en dehors des conditions prévues par l’article 1098 du Code judiciaire.
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt constate que, « après leur mariage [en 2011 au Danemark], les parties se sont installées à Saint-Gilles, [que] de leur union sont nés deux enfants, à Uccle, où le couple avait établi sa résidence conjugale, T., le 8 mars 2012, et S., le 18 septembre 2016, [que la demanderesse] a bénéficié de différents titres de séjour temporaires en Belgique, [que], le 28 mars 2017, [elle] a sollicité auprès de l’administration communale de Saint-Gilles, où elle résidait avec sa famille, un titre définitif de séjour […] en sa qualité d’épouse d’un ressortissant belge et de mère d’enfants belges, [que], tant pour ses stages durant ses études [de gynécologie] qu’ensuite en raison d’obligations professionnelles ou pour des obligations familiales », la demanderesse, qui s’est investie dans la clinique spécialisée dans la médecine reproductive que son père a créée en Ukraine, « a régulièrement effectué des voyages vers l’Ukraine [et que le défendeur] et/ou ses enfants l’[ont] parfois accompagnée, [le défendeur ayant] ainsi séjourné en Ukraine du 26 décembre 2017 au 26 mars 2018 pour s’occuper de ses enfants ».
Relevant que, si, depuis le mois de mai 2018, la demanderesse « refuse de rentrer en Belgique avec les enfants [et] soutient que la résidence habituelle [de ceux-ci], au moment où les juridictions sont amenées à statuer, est en Ukraine », l’arrêt considère que « l’examen des pièces du dossier révèle que les deux enfants, [qui] ont la nationalité belge, sont, depuis leur naissance, inscrits dans les registres de la population de la commune de Saint-Gilles, [que], de 2013 à 2015, T. a été inscrit à la crèche […] à Ixelles, [qu’]il a ensuite fréquenté l’école maternelle Tutti Frutti durant l’année scolaire 2016-2017 et y a à nouveau été inscrit en février 2018 pour l’année 2018-2019, [que] le suivi médical des enfants a été effectué en Belgique comme le démontrent l’important relevé des prestations [de la] mutuelle et l’examen des carnets [de l’Office de la naissance et de l’enfance] des enfants qui attestent que [ceux-ci] ont reçu leurs vaccins en Belgique, [que la demanderesse] bénéficie jusqu’à ce jour des allocations familiales belges pour les deux enfants, [qu’]un compte d’épargne a été ouvert [à leur nom] auprès de la banque ING en Belgique, [que] si les enfants avaient leur ancrage en Belgique jusqu’à l’entame de la procédure, leur mère aussi l’a eu et l’a toujours, [qu’]ainsi, elle est propriétaire d’un appartement à Bruxelles, y a suivi des cours d’italien à l’Institut italien de la culture à la rue de Livourne, notamment en 2015, et y a toujours son domicile, [qu’elle] produit les deux passeports neufs de ses fils établis en Ukraine, les attestations scolaires ukrainiennes établies en juillet et novembre 2018 pour T. et en novembre 2018 pour S., des photos récentes ou des activités extrêmement ponctuelles qui ont eu lieu en Ukraine antérieurement à la procédure actuelle, [qu’]or, comme le montre l’actuelle procédure, cette présence en Ukraine n’est pas un choix commun des parties et elle a été imposée par [la demanderesse au défendeur et que], à supposer même que la résidence habituelle se soit déplacée, ce déplacement est intervenu sans l’accord du père et ne peut donc entraîner le transfert de la compétence ».
Par ces énonciations, l’arrêt répond aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que la résidence habituelle des enfants est en Ukraine depuis de nombreuses années en leur opposant sa propre appréciation des faits.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Quant au premier rameau :
L’article 8, paragraphe 1, du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (Bruxelles IIbis) dispose que les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.
En vertu de l’article 61, a), de ce règlement, dans les relations avec la Convention de la Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, le règlement s’applique lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre.
Dans l’arrêt rendu le 2 avril 2009 dans l’affaire C-523/07, la Cour de justice de l’Union européenne a dit que « l’article 8, paragraphe 1, du règlement ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer le sens et la portée de la notion de ‘résidence habituelle’, cette détermination doit être effectuée au regard du contexte des dispositions et de l’objectif du règlement, notamment celui qui ressort de son douzième considérant, selon lequel les règles de compétence qu’il établit sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier, du critère de proximité » (point 35), que « la ‘résidence habituelle’ de l’enfant, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement, doit être établie sur la base d’un ensemble de circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce » (point 37), qu’« outre la présence physique de l’enfant dans un État membre, doivent être retenus d’autres facteurs susceptibles de faire apparaître que cette présence n’a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et que la résidence de l’enfant traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial » (point 38), que « doivent être notamment pris en compte la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l’enfant dans ledit État » (point 39), que « l’intention des parties de s’établir avec l’enfant dans un autre État membre, exprimée par certaines mesures tangibles, telles que l’acquisition ou la location d’un logement dans l’État membre d’accueil, peut constituer un indice du transfert de la résidence habituelle », qu’« un autre indice peut être constitué par le dépôt d’une demande visant à bénéficier d’un logement social auprès des services concernés dudit État » (point 40), qu’« en revanche, la circonstance que les enfants séjournent dans un État membre où ils mènent, pendant une courte période, une vie de personnes sans résidence fixe est susceptible de constituer un indice selon lequel la résidence habituelle de ces enfants ne se trouve pas dans cet État » (point 41) et que « c’est à la lumière des critères énoncés aux points 38 à 41 […] et selon une évaluation d’ensemble qu’il appartient à la juridiction nationale d’établir le lieu de la résidence habituelle des enfants ».
Dans la mesure où il soutient que, pour déterminer le lieu de la résidence habituelle des enfants, le juge ne peut que se fonder sur les faits allégués par le demandeur dans l’acte par lequel il saisit ce juge, indépendamment du point de savoir si ces faits sont ou non fondés, le moyen, en ce rameau, manque en droit.
Par ailleurs, par l’ensemble des considérations que « les deux enfants sont nés en Belgique et ont la nationalité belge, [que], depuis leur naissance, ils sont inscrits dans les registres de la population de la commune de Saint-Gilles, [que], de 2013 à 2015, T. a été inscrit à la crèche […] à Ixelles, [qu’]il a ensuite fréquenté l’école maternelle Tutti Frutti durant l’année scolaire 2016-2017 et [qu’il] y a à nouveau été inscrit en février 2018 pour l’année 2018-2019, [que] le suivi médical des enfants a été effectué en Belgique comme le démontrent l’important relevé des prestations [de la] mutuelle et l’examen des carnets [de l’Office de la naissance et de l’enfance] des enfants qui attestent que [ceux-ci] ont reçu leurs vaccins en Belgique, [que la demanderesse] bénéficie jusqu’à ce jour des allocations familiales belges pour les deux enfants, [qu’]un compte d’épargne a été ouvert [à leur nom] auprès de la banque ING en Belgique, [que] si les enfants avaient leur ancrage en Belgique jusqu’à l’entame de la procédure, leur mère aussi l’a eu et l’a toujours, [qu’]ainsi, elle est propriétaire d’un appartement à Bruxelles, y a suivi des cours d’italien à l’Institut italien de la culture à la rue de Livourne, notamment en 2015, et y a toujours son domicile, [qu’elle] produit les deux passeports neufs de ses fils établis en Ukraine, les attestations scolaires ukrainiennes établies en juillet et novembre 2018 pour T. et en novembre 2018 pour S., des photos récentes ou des activités extrêmement ponctuelles qui ont eu lieu en Ukraine antérieurement à la procédure actuelle, [qu’]or, comme le montre l’actuelle procédure, cette présence en Ukraine n’est pas un choix commun des parties et elle a été imposée par [la demanderesse au défendeur et que], à supposer même que la résidence habituelle se soit déplacée, ce déplacement est intervenu sans l’accord du père et ne peut donc entraîner le transfert de la compétence », l’arrêt, qui motive régulièrement sa décision, a pu légalement décider que les enfants avaient leur résidence habituelle en Belgique et, partant, rejeter le déclinatoire de la juridiction belge soulevé par la demanderesse.
Dans cette mesure, le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Enfin, dans la mesure où il invoque une violation de la foi due aux citations introductives d’instance signifiées à la demanderesse par le défendeur les 25 mai et 19 juin 2018 alors que l’arrêt ne fonde pas sur ces pièces sa décision que les enfants avaient leur résidence habituelle en Belgique, le moyen, en ce rameau, manque en fait.
Quant au second rameau :
Ainsi qu’il a été dit en réponse au premier rameau de cette branche du moyen, l’arrêt considère que les enfants ont eu leur résidence habituelle en Belgique jusqu’à l’entame de la procédure.
Le moyen, qui, en ce rameau, soutient qu’il ressort des motifs de l’arrêt que les enfants résidaient en Ukraine depuis plus d’un an au moment où la demande a été introduite devant le premier juge, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Il ne ressort pas des conclusions reproduites au moyen, en cette branche, que la demanderesse soutenait que le défendeur aurait abusé du droit de la citer à son domicile légal.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt constate que le défendeur a fait citer la demanderesse au domicile familial en Belgique, qui est son domicile légal, celle-ci n’ayant alors entrepris aucune démarche en vue de faire radier son inscription au registre des étrangers du Royaume de Belgique, et que « ce courrier a été réexpédié à sa nouvelle adresse située à Bruxelles, [la poste belge confirmant] qu’une demande avait été introduite au nom de [la demanderesse] pour que le courrier qui lui était adressé soit réexpédié à [cette] adresse ».
Il relève « la connaissance qu’a eue [la demanderesse] de la décision judiciaire rendue en première instance, [qui] lui a permis d’interjeter appel [dans les délais] de la décision rendue par défaut à son encontre », et « ses instructions en mai 2018 en vue de faire transférer son courrier vers l’adresse d’une résidence bruxelloise dont elle est propriétaire ».
Après avoir rappelé que la demanderesse a obtenu différents titres de séjour successifs en Belgique depuis le 25 octobre 2004, le dernier étant valable jusqu’au 5 octobre 2022, l’arrêt considère qu’« elle y a établi son domicile et sa résidence, le centre de ses intérêts personnels et familiaux comme le démontre l’analyse des pièces […] (titres de séjour en Belgique, accouchements, crèche et vie de famille en Belgique, soins et mutuelle en Belgique, propriété immobilière à Bruxelles, domicile fiscal en Belgique), [et que] sa vie affective, socio-économique et culturelle était en Belgique ».
Par ces énonciations, l’arrêt a pu légalement décider que la demanderesse « ne peut raisonnablement contester sa domiciliation, sa demande de séjour permanent, ni la réalité de sa résidence en Belgique », que « la citation est régulière » et qu’« il n’y a donc aucune violation du principe contradictoire ou du droit de la défense ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
Quant au premier rameau :
L’arrêt, qui constate qu’à l’audience du 12 décembre 2018 à laquelle l’affaire a été fixée pour plaider, la demanderesse était représentée par son conseil, énonce que « l’exigence de la comparution personnelle de [la demanderesse] à l’audience de plaidoiries a été précisément rappelée et exigée lors de l’audience du 10 octobre 2018 tout en laissant un certain temps à [la demanderesse] afin de lui permettre de prendre les dispositions utiles » et qu’« à l’audience de plaidoiries, après avoir constaté l’absence de [la demanderesse, le défendeur] a demandé que la cour [d’appel] prononce la déchéance de son appel ».
Il suit de ces énonciations qu’en décidant de déchoir la demanderesse de son appel, l’arrêt a statué sur une demande dont la cour d’appel avait été saisie par le défendeur et dont la demanderesse a pu se défendre.
Le moyen, en ce rameau, manque en fait.
Quant au second rameau :
L’arrêt, qui relève que le jugement entrepris a « débouté [le défendeur] de sa demande tendant à réputer […] d’acte d’enlèvement de mineurs d’âge le maintien du séjour des enfants […] en tout lieu étranger à leur domicile légal » et qui estime que, si la demanderesse « a régulièrement effectué des voyages vers l’Ukraine en raison d’obligations professionnelles ou pour des obligations familiales », elle « a toujours [son] ancrage en Belgique [où elle a] son domicile [et] sa résidence », considère que l’exigence de la comparution personnelle de celle-ci à l’audience de plaidoiries « n’était nullement déraisonnable [dès lors que] la distance géographique entre l’Ukraine et la Belgique n’est pas très importante au regard des moyens de communication actuels, [que] les liaisons par avion sont fréquentes et peu onéreuses [et que la demanderesse] est habituée à de tels déplacements et les a multipliés pendant de nombreuses années comme le révèle l’examen du dossier ».
Par ces énonciations, l’arrêt a pu décider sans violer l’article 1253ter/2, alinéa 3, du Code judiciaire qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles justifiant qu’il soit dérogé à l’obligation de la demanderesse de comparaître en personne.
Le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
L'arrêt constate que la demanderesse « sollicite la réformation du jugement entrepris et demande de déclarer la demande originaire irrecevable, les tribunaux belges étant incompétents en l’espèce, à titre subsidiaire, si la cour [d’appel] devait reconnaître la compétence des juridictions belges, [de] déclarer la demande originaire irrecevable, n'ayant pas été valablement touchée par la citation introductive d’instance, à titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour [d’appel] estimerait que la demande originaire [du défendeur] est recevable, [de] suspendre l'exécution provisoire du jugement dont appel et renvoyer pour le surplus la cause devant le premier juge ».
Par les motifs reproduits dans la réponse au premier et au deuxième moyens, l’arrêt statue sur la compétence des juridictions belges et la loi applicable, et sur le respect du contradictoire et la régularité des citations devant le premier juge.
Il considère ensuite qu’« il y a lieu de déchoir [la demanderesse] de sa demande » et que « les moyens soulevés par [la demanderesse] et notamment celui relatif à l’exécution provisoire du jugement dont appel ne seront pas examinés ».
Il s’ensuit qu’en décidant de déchoir la demanderesse de son appel, l’arrêt se borne à s’abstenir de statuer sur la demande de la demanderesse de suspendre l'exécution provisoire du jugement entrepris et sur les moyens invoqués à l’appui de cette demande.
Dans la mesure où il fait grief à l’arrêt de ne pas examiner si la déchéance de l’appel qu’il prononce n’exclut pas la possibilité d’améliorer, dans l’intérêt des enfants, les mesures ordonnées en première instance, le moyen, en cette branche, repose sur la supposition inexacte que la cour d’appel était saisie d’une demande de modification de ces mesures.
Le jugement entrepris considère que, « vu le contexte particulier dans lequel le tribunal est saisi, le tribunal estime qu’il apparaît opportun, à ce stade, de prononcer des mesures provisoires en vue de permettre aux parties de nouer un débat contradictoire devant lui, postérieurement », qu’« à défaut de contestation dans le chef de [la demanderesse], l’autorité parentale exclusive est confiée, à titre provisoire, au [demandeur] » et que « l'hébergement principal et exclusif des enfants est également confié au [demandeur] à titre provisoire, [la demanderesse] n’ayant formulé aucune demande devant le tribunal ».
L’arrêt, qui, par les énonciations vainement critiquées par le deuxième moyen, considère que la demanderesse a été régulièrement citée en première instance, sans « aucune violation du principe contradictoire ou du droit de la défense », constate que celle-ci « n’a pas comparu à la première audience du juge de la famille et [que] la cause a été prise en délibéré par défaut à son égard ».
Relevant « la connaissance qu’[elle a eue] de [cette] décision, [qui] lui a permis d’[en] interjeter appel » dans les délais, il constate qu’elle « n’a pas comparu à l’audience d’introduction du 12 septembre 2018 mais [qu’elle y] était représentée par son conseil », que la cause y a été remise au 10 octobre 2018, puis au 12 décembre 2018 « pour plaider sur la compétence et la régularité de [sa] convocation en première instance », qu’à l’audience du 10 octobre 2018, « l’exigence de [sa] comparution personnelle […] pour cette audience de plaidoiries a été expressément rappelée […] tout en [lui] laissant un certain temps afin de lui permettre de prendre les dispositions utiles » mais que la demanderesse « n’a pas comparu [et que] son conseil a demandé à la représenter ».
L’arrêt, qui constate que, depuis le mois de mai 2018, la demanderesse « refuse tout contact [au défendeur] avec ses fils », relève encore qu’à l’audience du 10 octobre 2018, la cour d’appel « a également invité le conseil de [la demanderesse] à encourager sa cliente à maintenir des contacts entre ses enfants et leur père et [à] envisager tout mode de résolution amiable des conflits » et qu’« à l’audience de plaidoiries, après avoir constaté l’absence de [la demanderesse, le défendeur] a demandé que la cour [d’appel] prononce la déchéance de l’appel ».
Énonçant que l’obligation de comparution personnelle « tend, d’une part, à responsabiliser les parents quant aux procédures qui concernent leurs enfants, d’autre part, [à permettre] au magistrat de connaître la situation au plus près, d’interroger les parties, d’apporter des précisions et de les inciter à se concilier ou d’entamer un processus de médiation familiale […] qui permettra éventuellement de poursuivre ou de réinstaurer un dialogue dont tout l’intérêt sera au profit des personnes elles-mêmes, mais avant tout et surtout pour les enfants », que cette comparution personnelle des parties est « importante à la fois pour que les parties prennent conscience de l’influence que le jugement à venir aura sur leur vie privée et familiale, et pour que le juge puisse avoir une meilleure perception de la réalité humaine du dossier », qu’elle « permet effectivement […] au magistrat de rencontrer personnellement les parties, […] d’appréhender au mieux la situation et la problématique qui se présentent à lui et notamment de les interroger quant à la situation actuelle des enfants, d’envisager au vu du parcours personnel et judiciaire des parties, les mesures avant dire droit les plus opportunes en l’espèce et notamment celle en mesure de restaurer le lien lorsqu’il y a une rupture de contact entre un parent et ses enfants », l’arrêt considère qu’alors même que le juge de la famille, statuant par défaut à l’égard de la demanderesse, a « dit pour droit », à titre provisoire, « que l’autorité parentale à l’égard des enfants sera exercée exclusivement par [le défendeur] et que l’hébergement principal et exclusif des enfants [lui] est confié », la « comparution personnelle [de la demanderesse en degré d’appel] est indispensable vu le contexte de l’affaire, [qu’]elle aurait dû permettre à la cour [d’appel] d’être mieux renseignée quant à la situation des enfants, de tenter d’inviter les parties à envisager un mode de résolution amiable du conflit dans l’intérêt de leurs fils et de permettre que [le défendeur], qui est privé de ses fils depuis plusieurs mois, puisse retrouver un contact avec eux », ajoutant que l’exigence de cette comparution personnelle, qui « a été précisément rappelée [à la demanderesse en lui] laissant [le] temps de prendre les dispositions utiles », « n’était nullement déraisonnable [dès lors que] la distance géographique entre l’Ukraine et la Belgique n’est pas très importante au regard des moyens de communication actuels, [que] les liaisons par avion sont fréquentes et peu onéreuses [et que la demanderesse] est habituée à de tels déplacements et les a multipliés pendant de nombreuses années comme le révèle l’examen du dossier ».
Il suit de ces énonciations que l’arrêt motive sa décision de déchoir la demanderesse de son appel et, partant, d’uniquement s’abstenir de statuer sur la demande de la demanderesse de suspendre l'exécution provisoire du jugement entrepris et sur les moyens invoqués à l’appui de cette demande, d’une part, en ayant égard à la circonstance que l’autorité parentale exclusive et l'hébergement principal et exclusif des enfants n’ont été confiés qu’à titre provisoire au défendeur, d’autre part, par la considération que le refus, qu’elle tient pour injustifié, de la demanderesse de comparaître personnellement a pour conséquence de priver la cour d’appel de renseignements quant à la situation des enfants, de rendre impossible toute tentative de résolution amiable du conflit dans l’intérêt des fils des parties et de ne pas permettre au défendeur, qui est privé de ses fils depuis plusieurs mois, de renouer un contact avec eux.
L’arrêt examine ainsi, à l’aune de l’intérêt des enfants et des conséquences procédurales, si le choix de cette sanction n’aboutit pas à priver la demanderesse, de manière disproportionnée, de son droit d’accès à un juge combiné à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
L’article 1253ter/2 du Code judiciaire prévoit que, dans toutes les causes visées à l’article 1253ter/4, § 2, 1° à 4°, les parties sont tenues de comparaître en personne à l’audience d’introduction ; par dérogation, les parties sont tenues, dans toutes les causes concernant des enfants mineurs, de comparaître en personne à l’audience d’introduction, ainsi qu’à l’audience où sont discutées les questions concernant les enfants et aux audiences de plaidoiries ; en cas de circonstances exceptionnelles, le juge peut autoriser une dérogation à la comparution personnelle des parties ; si le demandeur ne comparaît pas en personne, le juge, selon les circonstances qu’il apprécie, déclare le demandeur déchu de sa demande, ou renvoie la cause au rôle particulier de la chambre ; dans ce dernier cas, la cause peut être ramenée à l’audience dans un délai de quinze jours, à la demande d’une des parties.
L’arrêt, qui, sur la base des motifs reproduits en réponse à la troisième branche du moyen, déchoit la demanderesse de son appel, ne prononce pas une sanction disproportionnée.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la quatrième branche :
Quant au premier rameau :
Il suit de la réponse à la troisième branche du moyen que l’arrêt examine si le choix de cette sanction n’aboutit pas à priver la demanderesse, de manière disproportionnée, de son droit d’accès à un juge combiné à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Le moyen, qui, en ce rameau, repose sur le soutènement contraire, manque en fait.
Quant au second rameau :
Il suit de la réponse à la troisième branche du moyen que ce rameau, qui repose sur la supposition que la cour d’appel était saisie d’une demande de modification des mesures ordonnées en première instance, manque en fait.
Il n’y a dès lors pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles proposées par la demanderesse.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent dix-sept euros quatre-vingts centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt mai deux mille vingt-deux par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.