N° F.20.0038.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du directeur du centre PME à Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
F. M.,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 28 juin 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le 27 mai 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant aux quatre premières branches :
1. Suivant l’article 47, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, la déduction par un assujetti des taxes ayant grevé les biens et les services qui lui ont été fournis et des autres taxes en amont visées à l’article 45, § 1er, est opérée sur la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable pour la période au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance.
L’article 4 de l’arrêté royal n° 3 du 10 décembre 1969 relatif aux déductions pour l’application de la taxe sur la valeur ajoutée prévoit, en son alinéa 1er, que l’assujetti exerce globalement son droit à déduction en imputant sur le total des taxes dues pour une période de déclaration le total des taxes déductibles pour la même période et, en son alinéa 2, qu’il peut encore exercer son droit à déduction dans une déclaration subséquente, déposée avant l’expiration de la troisième année civile qui suit celle durant laquelle la taxe à déduire est devenue exigible.
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 47 précité, lorsque le montant des déductions autorisées dépasse celui des taxes dues pour les livraisons de biens et les prestations de services effectuées par l’assujetti, l’excédent est reporté sur la période suivante.
2. L’article 75 du même code dispose que la taxe ne peut être restituée que dans les cas prévus par ce code.
En vertu de l’article 76, § 1er, alinéa 1er, dudit code, lorsque le montant des déductions prévues par les articles 45 à 48 excède à la fin de l’année civile le montant des taxes dues par l’assujetti qui est tenu au dépôt de déclarations périodiques, l’excédent est restitué, aux conditions fixées par le Roi, dans les trois mois sur demande expresse de l’assujetti.
L’article 77 de ce code détermine les cas de restitution des taxes trop perçues aux fournisseurs de biens ou de services ainsi qu’aux autres personnes qui y sont visées.
Il résulte des articles 78 du même code, 5, § 1er, et 7 de l’arrêté royal n° 4 du 29 décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée que, si les fournisseurs ou les autres personnes visées à l’article 77 ont le statut d’assujetti tenu au dépôt de déclarations périodiques, la restitution des taxes trop perçues a lieu en leur faveur par la voie d’une imputation sur le montant des taxes dues pour la période de déclaration concernée, les taxes en aval à leur restituer par voie d’imputation s’ajoutant aux taxes en amont qu’ils peuvent déduire.
L’article 5, § 2, de l’arrêté royal n° 4 autorise l’assujetti, qui n’a pas effectué l’imputation valant restitution dans la déclaration afférente à la période durant laquelle la cause de la restitution est survenue, à le faire dans une des déclarations postérieures, pourvu que celle-ci soit déposée avant l’expiration de la troisième année civile qui suit celle durant laquelle la cause de la restitution est intervenue.
3. Suivant l’article 81, § 1er, de l’arrêté royal n° 4, lorsque les données de la déclaration périodique font apparaître comme résultat final, ensuite des déductions effectuées et des restitutions par voie d’imputation, une somme due à l’assujetti par l’État, cette somme est reportée sur la période de déclaration suivante.
En vertu de l’article 5, § 1er, de l’arrêté royal n° 24 du 29 décembre 1992 relatif au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, ce report donne lieu, dans le compte courant ouvert au nom de l’assujetti, à une inscription au crédit de ce compte, au même titre que le paiement qu’il aurait effectué pour une autre période à raison d’un solde à devoir au Trésor. Ces inscriptions au crédit sont contrebalancées au débit du compte courant par le montant des taxes dont l’exigibilité résulte d’autres déclarations périodiques et des sommes effectivement remboursées à l’assujetti par application de l’article 81 de l’arrêté royal n° 4 précité.
4. L’article 81, § 2, de l’arrêté royal n° 4 prévoit qu’au lieu de faire l’objet d’un report sur la période de déclaration suivante, la somme due par l’État après le dépôt de la déclaration périodique ensuite des déductions et des restitutions effectuées par voie d’imputation peut être restituée à l’assujetti, sur demande expresse de celui-ci, moyennant le respect de conditions liées à la période de déclaration et au montant minimum requis.
La demande se fait, conformément à l’article 81, § 4, dudit arrêté royal, par une mention expresse que l’assujetti appose, à l’expiration de la période pour laquelle un excédent est restituable, dans la déclaration périodique relative aux opérations de cette période, la déclaration ainsi revêtue de cette mention tenant lieu de demande de restitution.
L’ordonnancement par l’État de la dépense de restitution dudit excédent est exécuté, suivant l’article 81, § 3, alinéa 3, du même arrêté royal, dans un délai expirant, en règle, le troisième mois qui suit la période à laquelle la déclaration trimestrielle ou la déclaration du dernier mois du trimestre se rapporte.
5. En vertu de l’article 82 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l’action en restitution de la taxe commence à se prescrire dès le jour où cette action naît, l’article 3 de l’arrêté royal n° 4 précité précisant qu’elle naît à la date où survient la cause de la restitution.
L’article 82bis du code prévoit que la prescription de l’action en restitution de la taxe est acquise à l’expiration de la troisième année civile qui suit celle durant laquelle la cause de restitution de cette taxe est intervenue, délai auquel l’article 5, § 2, de l’arrêté royal n° 4 se conforme en autorisant l’imputation valant restitution dans une déclaration déposée avant l’expiration de cette troisième année civile.
6. Il suit de ces dispositions que
- les taxes déductibles en vertu des articles 45 à 48 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes à restituer en vertu de l’article 77 de ce code sont respectivement déduites par l’assujetti ou, si c’est dans le délai légal de trois ans, restituées à celui-ci, par la voie d’une imputation sur les taxes dues qu’il a déclarées ;
- cette imputation vaut exercice du droit à déduction ou du droit à restitution des taxes concernées ;
- si les taxes à imputer excèdent celles qui sont dues, l’excédent résultant de la déclaration périodique est en règle reporté sur la période de déclaration suivante, ce mécanisme de report participant du fonctionnement du compte courant tenu par l’administration au nom de l’assujetti ;
- seule une demande expresse de l’assujetti dans les conditions déterminées par le Roi vaut demande de restitution dudit excédent.
Le moyen, qui, en chacune de ces branches, repose tout entier sur le soutènement que l’action en restitution d’un tel excédent de taxes prend naissance, indépendamment de toute demande expresse, à la date du dépôt de la déclaration périodique qui l’a fait apparaître, manque en droit.
Quant aux cinquième et sixième branches :
L’arrêt constate, par des motifs propres et par référence à la relation des faits du premier juge, que :
- la défenderesse « a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée depuis l’année 2005 pour l’exercice à titre complémentaire d’une activité d’agriculteur à laquelle elle a mis fin le 31 mars 2015 » ;
- jusqu’à la clôture de son compte courant le 31 mars 2015, la défenderesse n’a « jamais sollicité la restitution de ses crédits en matière de taxe sur la valeur ajoutée » ;
- le crédit du compte courant s’élevait à 7 288,50 euros au 31 mars 2015 ;
- « par [lettre recommandée] du 31 mars 2016, [la défenderesse] a mis en demeure [le demandeur] de lui restituer [la] somme [de 7 288,50 euros] », avant de porter la contestation devant le premier juge par requête du 31 octobre 2016.
Ayant rappelé la teneur des articles 47, 75, 76, 82 et 82bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l’arrêt considère qu’« aucune disposition légale ou réglementaire ne limite expressément le report des excédents dans le temps », que la loi ne déroge au principe du report de l’excédent sur la période suivante qu’en cas de demande expresse de l’assujetti et selon les conditions déterminées par le Roi et que, partant, le « simple dépôt d’une déclaration présentant un solde de [taxes] déductibles sur les [taxes] dues, sans demande de restitution », ne constitue pas une cause de restitution qui serait soumise, à ce titre, au délai de prescription de l’article 82bis précité.
Ces énonciations, vainement critiquées par les quatre premières branches du moyen, d’où il ressort que le délai de prescription de trois ans n’a pas pu commencer à courir avant la clôture du compte courant ouvert au nom de la défenderesse, suffisent à fonder la décision de l’arrêt que « la demande [de la défenderesse] en restitution de [la somme de 7 288,50 euros] n’était pas prescrite lorsque l’action a été introduite le 31 octobre 2016 ».
Dirigé contre des considérations surabondantes, le moyen, qui, en ces branches, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d’intérêt, partant, irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent quarante-cinq euros trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix-sept juin deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.