N° P.22.0770.F
I. et II. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
1. H. T., J., M., G., J.-C., T., C., K.,
détenu,
2. B.G., M., M.,
accusés,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre l’arrêt de motivation rendu le 10 mai 2022 par la cour d’assises de la province de Liège et l’arrêt de condamnation rendu le 11 mai 2022 par cette même juridiction.
Le demandeur invoque respectivement trois moyens et un moyen dans deux mémoires annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
L’arrêt attaqué dit T. H. coupable de meurtre, de vol avec effraction et de fraude informatique. G. B. est également reconnu coupable des deux dernières infractions.
A. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt de motivation :
Sur le premier moyen :
Pris de la violation des articles 259, 280, 294 à 316 et 326 du Code d’instruction criminelle, le moyen reproche à l’arrêt d’écarter la circonstance aggravante de préméditation pour la prévention d’homicide volontaire au motif que rien dans le dossier répressif ne permet de l’établir. Selon le demandeur, en s’abstenant de citer les éléments du dossier qui ont déterminé cette décision, l’arrêt ne permet pas à la Cour de vérifier si les éléments auxquels les jurés ont eu égard ont été ou non débattus oralement au cours des débats.
Mais, en l’absence de tels éléments au dossier, ceux-ci n’ont pu être exposés oralement et, partant, la cour d’assises n’a pu s’y référer.
Le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Quant aux deux branches réunies :
Le moyen invoque la violation de l’article 475 du Code pénal. Il reproche à la cour d’assises d’avoir justifié le rejet de la circonstance aggravante que le meurtre a été commis pour faciliter le vol ou pour en assurer l’impunité, d’une part, par l’unique mobile qu’elle retient dans le chef de T. H., à savoir sa colère envers la victime qui venait de lui reprocher des mensonges et son mode de vie, et, d’autre part, par l’absence de preuve de la prise de connaissance, par la victime, de son intention de la voler.
Le moyen soutient que la cour d’assises a ajouté des conditions à l’article 475 du Code pénal, en induisant que le vol devrait être le seul mobile du meurtre, à l’exclusion de tout autre, et que la victime devait avoir connaissance des intentions de l’auteur avant qu’il ne la tue.
L’article 475 du Code pénal dispose que le meurtre commis pour faciliter le vol ou l’extorsion, soit pour en assurer l’impunité, sera puni de la réclusion à perpétuité.
Pour que la circonstance aggravante visée à cette disposition soit rencontrée, il faut qu’il existe un lien causal entre le vol et le meurtre, en ce sens que le premier soit le but et le second le moyen.
Dans la mesure où il critique l’appréciation en fait de ce lien causal ou exige, pour son examen, une vérification d’éléments de fait pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
L’arrêt attaqué considère qu’il n’y a pas de lien entre le meurtre et le vol qui lui est subséquent, les motifs qui ont animé T. H. étant en substance son impossibilité d’admettre les reproches formulés par la victime quant aux mensonges proférés et quant à la manière dont il menait sa vie. Il ajoute que la partie poursuivante ne rapporte pas la preuve que le meurtre ait été commis pour faciliter le vol ou pour en assurer l’impunité et que rien ne permet de penser qu’il était nécessaire que la victime soit morte pour réaliser le vol ou qu’elle avait compris l’intention de T. H. de commettre un vol.
De ces considérations, qui n’excluent pas que l’auteur des faits pouvait être mû par plusieurs mobiles et n’exigent pas que la victime connaisse l’intention de l’auteur de commettre le vol, la cour d’assises a pu déduire, sans ajouter des conditions à l’article 475 du Code pénal, que la circonstance aggravante y visée n’est pas établie.
Ainsi, l’arrêt justifie légalement sa décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 1138, 4°, du Code judiciaire.
Il n’est pas contradictoire d’énoncer, d’une part, que le lien de causalité entre le vol et le meurtre n’est pas établi dès lors que le meurtre est la suite d’une dispute entre la victime et T. H. et, d’autre part, que cette dispute portait sur le mode de vie de ce dernier.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Par ailleurs, une décision se fonde sur des motifs ambigus lorsque ces motifs sont susceptibles de différentes interprétations dont l’une seulement est légalement justifiée.
Dans la mesure où il n’indique pas en quoi les motifs de l’arrêt seraient ambigus, le moyen est irrecevable à défaut de précision.
Le demandeur soutient également que l’arrêt motive insuffisamment sa décision de dire le vol de plusieurs objets établi par les aveux des défendeurs, sans en préciser la teneur.
L’arrêt ne se borne pas à se référer auxdits aveux. Il relève également que la vidéo-surveillance d’une station d’essence, des empreintes génétiques trouvées sur les lieux et la vente des objets volés le lendemain des faits ont permis d’identifier les défendeurs comme étant les auteurs du vol.
Satisfaisant au prescrit de l’article 334 du Code d’instruction criminelle, le moyen ne peut, à cet égard, être accueilli.
Selon le demandeur, la motivation de l’arrêt ne permet pas davantage de comprendre les raisons pour lesquelles la cour d’assises a décidé que le vol n’a pas été commis avec violences ou menaces dès lors que, d’une part, le vol des bijoux portés par la victime n’était possible qu’à l’aide de violences, que celle-ci ait été en vie ou non, et que, d’autre part, les violences étaient prévisibles, les faits ayant été commis la nuit et par deux hommes dans une maison qu’ils savaient habitée par la victime seule et âgée de soixante-neuf ans.
Mais, sous le couvert d’une critique de la motivation de la décision, le demandeur ne formule en réalité à l’encontre de l’arrêt que des griefs qui se heurtent à l’appréciation souveraine des éléments de la cause par la cour d’assises.
Partant, dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Enfin, le demandeur reproche à l’arrêt de ne comporter aucune précision quant à l’étendue de la participation de G. B. dans le vol et de ne pas indiquer la raison pour laquelle le recours aux violences était imprévisible dans son chef, eu égard aux circonstances concrètes de la cause.
Le jury ayant rejeté la circonstance aggravante que le vol a été commis à l’aide de violences ou de menaces au motif que, préalablement au vol, T. H. avait tué la victime par colère à la suite d’une dispute, la cour d’assises n’avait pas à préciser les raisons pour lesquelles des violences étaient imprévisibles pour G. B., non poursuivi du chef de meurtre.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, l’arrêt énonce notamment que les empreintes génétiques de G. B. ont été trouvées sur les lieux et qu’il a été vu sur les images d’une caméra de vidéo-surveillance dans le véhicule volé.
Par ces considérations, l’arrêt motive régulièrement sa décision quant à la participation de G. B. dans les faits de vol.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt de condamnation de T.H. :
Sur le moyen pris, d’office, de la violation de l’article 80, alinéa 2, du Code pénal :
T. H. a été reconnu coupable par le jury de meurtre, de vol à l’aide d’effraction et de fraude informatique. La cour d’assises a jugé que les infractions retenues à charge de l’accusé étaient unies entre elles par une unité d’intention et qu’en vertu de l’article 65 du Code pénal, une seule peine sera prononcée, étant la plus forte.
En l’espèce, la peine la plus forte était celle prévue pour le meurtre, à savoir la peine de réclusion de vingt à trente ans.
En vertu de l’article 80, alinéa 2, du Code pénal, s’il existe des circonstances atténuantes, la réclusion de vingt à trente ans est remplacée par la réclusion de quinze à vingt ans ou un terme inférieur ou par un emprisonnement de trois ans au moins.
L’arrêt attaqué constate qu’il existe en faveur de l’accusé des circonstances atténuantes résultant de l’absence d’antécédents judiciaires, du jeune âge de l’accusé, de son parcours de vie et de sa personnalité.
Dès lors, après avoir admis des circonstances atténuantes en faveur du défendeur, la cour d’assises ne pouvait pas prononcer une peine de réclusion excédant la durée de vingt ans.
Dès lors, la peine de vingt-cinq ans de réclusion prononcée par la cour d’assises est illégale.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au moyen qui ne saurait entraîner une cassation sans renvoi.
C. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt de condamnation de G.B. :
Après admission de circonstances atténuantes, le défendeur est condamné à une peine de probation autonome de deux ans.
La cour d’assises a motivé cette peine en se référant au trouble causé à l’ordre public, à la personnalité du défendeur, à la nécessité de lui faire comprendre que le respect de la propriété d’autrui constitue une norme sociale élémentaire, à ses antécédents judiciaires, au risque de récidive, à son jeune âge, à sa situation sociale et à la nécessité d’une réinsertion sociale.
Reprochant à l’arrêt de ne pas rencontrer les impératifs de sécurité publique, le moyen conteste l’appréciation en fait des juges du fond, laquelle échappe à la censure de la Cour.
Le moyen est irrecevable.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par le jury.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt de condamnation en tant qu’il vise T. H. ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt de condamnation partiellement cassé ;
Laisse les trois quarts des frais à charge de l’Etat et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’assises de la province de Namur.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent nonante et un euros quarante-deux centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.