N° C.22.0152.F
J.-C. L.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. P. I., société à responsabilité limitée,
2. P. D., et
3. K. V. D. C.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d’appel de Liège.
Par ordonnance du 18 octobre 2022, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Hugo Mormont a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l’article 1er de l’arrêté royal du 29 janvier 2007 relatif à la capacité professionnelle pour l’exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l’électrotechnique, ainsi que de l’entreprise générale, cet arrêté est applicable aux activités professionnelles, exercées en tant qu'indépendant à titre principal ou à titre complémentaire pour compte de tiers, entre autres du gros œuvre, notamment les travaux de maçonnerie, de béton et de démolition, et de la menuiserie, pour autant que ces activités aient un rapport direct à la construction, la réparation ou la démolition d’un bâtiment ou au placement d’un bien meuble dans un immeuble de manière telle que ce bien meuble devienne immeuble par incorporation.
Suivant l’article 2, § 1er, de cet arrêté royal, pour l’application de celui-ci, il y a lieu d’entendre par bâtiment un bien immeuble de matériaux durables, destiné à l’habitation par l’être humain, à vocation administrative, industrielle, commerciale, médicale, culturelle, sportive, religieuse, agricole ou horticole.
Dès lors que cet arrêté royal ne précise pas ce qu’il y a lieu d’entendre par bien immeuble au sens de l’article 2, § 1er, ce terme doit s’entendre dans le sens que lui confère le droit commun.
En vertu de l’article 518 de l’ancien Code civil, les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature.
Il faut y assimiler les objets qui s’y unissent ou s’y incorporent d’une manière durable et habituelle.
L’arrêt énonce que le demandeur « a réalisé divers travaux au siège de la [première défenderesse] » et que « les travaux litigieux ayant fait l’objet de la facture […] émise par [le demandeur] porte[nt] sur la réalisation d’un ‘mur de soutènement en éléments « L » ainsi que de votre parking’ », que « cette facture couvre en réalité également l’installation d’une terrasse en vue de laquelle lesdits travaux de soutènement ont été réalisés » et que « les documents photographiques déposés montrent que la terrasse a été partiellement ou totalement réalisée sur des colonnes de maçonnerie ».
L’arrêt, qui considère que « la terrasse est jointive au bâtiment principal sur lequel elle s’appuie nécessairement au vu des clichés déposés, étant par ailleurs ancrée au sol de manière durable et habituelle, formant avec le bâtiment principal une unité dont elle est le complément », et que « ces travaux, dès lors qu’ils étaient directement attenants à l’habitation, nécessitaient à tout le moins des travaux de menuiserie, de gros œuvre et de fondations pour lesquels
[le demandeur] n’établit pas disposer des qualifications professionnelles requises au regard des dispositions de l’arrêté royal du 29 janvier 2007 », ne viole pas les articles 1er et 2, § 1er, dudit arrêté royal.
Et la prétendue violation des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est entièrement déduite de celle vainement alléguée desdits articles 1er et 2, § 1er.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt considère que « le contrat d’entreprise conclu par un entrepreneur qui ne dispose pas de l’accès à la profession, conformément à la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l’entreprise indépendante : expose l’entrepreneur à des sanctions pénales, et même à la fermeture de tout ou partie de l’établissement exploité sans disposer de l’accès à la profession ; est contraire à l’ordre public, par application de l’article 6 du Code civil, et est donc frappé de nullité absolue », qu’ « il n’y a pas lieu à cette fin de dissocier les travaux pour lesquels l’entrepreneur bénéficie d’un accès à la profession de ceux pour lesquels il n’en disposait pas », que « la nullité du contrat d’entreprise doit être, même dans cette hypothèse, prononcée pour le tout » et qu’eu égard « à l’importance des travaux réalisés pour lesquels une capacité professionnelle était requise [travaux de déblais, remblais, travaux de menuiserie, travaux de gros œuvre (L en béton, égouttage, fondation de terrasse)], et aux nombreuses malfaçons patentes […], il y a lieu de condamner [le demandeur] à la restitution de la somme facturée ».
Par ces motifs, qui permettent à la Cour d’exercer son contrôle de légalité, l’arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur qui soutenait que l’entreprise ne comportait pas un ensemble indivisible de prestations tendant principalement à la réalisation d’un ouvrage unique, en sorte qu’il y aurait lieu de dissocier les travaux pour lesquels l’entrepreneur ne disposait pas d’un accès à la profession (terrasse et soutènement) de ceux pour lesquels cet accès n’était pas nécessaire (parking), la nullité du contrat d’entreprise ne pouvant être prononcée pour le tout.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent trente-trois euros vingt-six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-deux par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.