N° S.21.0030.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de l’Économie et du Travail, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Ducale, 61, agissant par la direction des amendes administratives, dont les bureaux sont établis à Anderlecht, rue Ernest Blerot, 1,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
HG TRAVEL-AUTOS, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Ath (Maffle), chaussée de Mons, 484, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0810.811.914,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour du travail de Mons.
Le 15 novembre 2023, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Aux termes de l’article 1er de l’arrêté royal du 13 mars 1973 instituant la commission paritaire pour les employés du commerce international, du transport et de la logistique, il est institué une commission paritaire, n° 140, dénommée « commission paritaire du transport et de la logistique », compétente pour les travailleurs dont l’occupation est de caractère principalement manuel et leurs employeurs et ce, pour toutes les entreprises de transport routier pour compte de tiers ; les autobus et les autocars à l’exclusion des autobus urbains ; les taxis et tout autre transport tant hippomobile qu’automobile pour compte de tiers.
L’arrêté royal du 22 janvier 2010 instituant des sous-commissions paritaires du transport et de la logistique et fixant leur dénomination et leur compétence institue la sous-commission paritaire pour les taxis, n° 140.02, compétente pour les travailleurs dont l’occupation est de caractère principalement manuel et leurs employeurs et ce, pour les entreprises pour le transport en taxi.
L’arrêté royal du 29 octobre 2013 pris en exécution de l'article 337/2, § 3, de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 en ce qui concerne la nature des relations de travail qui se situent dans le cadre de l'exécution des activités ressortissant au champ d'application de la sous-commission paritaire pour les taxis et de la commission paritaire du transport et de la logistique, uniquement pour les activités de location de voitures avec chauffeur et de taxis collectifs, vise, en vertu de son article 2, les activités de transport en taxi ressortissant à la sous-commission paritaire pour les taxis et les activités de location de voitures avec chauffeur ou de taxis collectifs ressortissant à la commission paritaire du transport et de la logistique.
La convention collective de travail fixant les salaires minima des chauffeurs occupés dans les entreprises de taxis, conclue le 22 septembre 2008 au sein de la commission paritaire du transport et de la logistique et rendue obligatoire par l’arrêté royal du 6 février 2009, s’applique, en vertu de l’article 1er, aux employeurs qui exploitent une entreprise de taxis ressortissant à la commission paritaire du transport ainsi qu’à leurs chauffeurs et prévoit, à l’article 3, que ces chauffeurs sont rémunérés sur la base d’un pourcentage de la recette brute.
Les conventions collectives de travail relatives aux conditions de travail des chauffeurs des services de location de voitures avec chauffeur, conclues les 4 mars 2008, 16 juin 2011 et 19 avril 2012 au sein de la commission paritaire du transport et de la logistique et rendues obligatoires par les arrêtés royaux des 9 septembre 2008, 1er décembre 2011 et 13 mars 2013, s’appliquent, en vertu de l’article 1er, aux employeurs qui exploitent des services de location de voitures avec chauffeur ressortissant à la commission paritaire du transport et de la logistique ainsi qu’à leurs chauffeurs, définissent, à l’article 3, ces services comme étant tout transport rémunéré de personnes par véhicules d’une capacité maximum de neuf places, chauffeur compris, à l’exception des taxis et des services réguliers, et prévoient, à l’article 7, que ces chauffeurs sont rémunérés à l’heure.
Il suit de cette définition que, pendant la période litigieuse de 2009 à 2014, les entreprises de taxis constituent une catégorie particulière de transport rémunéré de personnes au moyen de véhicules d’une capacité maximum de neuf places chauffeur compris, la catégorie résiduelle étant celle des entreprises de location de voitures avec chauffeur.
Il suit par ailleurs de l’ensemble des dispositions précitées que seules les entreprises de taxis ressortissent à la sous-commission paritaire n° 140.02 pour les taxis et qu’elles sont seules soumises à la convention collective du 22 septembre 2008, à l’exclusion des entreprises de taxis collectifs et de celles de location de voitures avec chauffeur.
Au cours de la période litigieuse de 2009 à 2014, comme, depuis l’institution en 1973 de la commission paritaire n° 140, dans l’État fédéral puis dans les entités fédérées, la réglementation en matière de transport rémunéré de personnes, c’est-à-dire les articles 2, 1°, spécialement c), et 2°, de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-capitale du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, 2, 4°, spécialement c), et 5°, du décret flamand du 20 avril 2001 relatif à l’organisation du transport de personnes par la route et à la création du Conseil de mobilité de la Flandre, et 1er, 1°, 2° et 3°, du décret wallon du 18 octobre 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, distingue les activités de taxis de celles de taxis collectifs et de celles de location de voitures avec chauffeur, ces dernières étant tous services de transport rémunéré de personnes par certains véhicules automobiles, qui ne sont pas des services de taxis.
Il s’ensuit que les entreprises de taxis seules soumises à la convention collective de travail du 22 septembre 2008 sont celles qui présentent les caractéristiques essentielles des entreprises de taxis visées par cette réglementation.
D’ailleurs, l’arrêté royal du 29 octobre 2013 précité s’applique, en vertu de son article 1er, aux entreprises titulaires d'une licence d'exploitation d'un service de taxis, d'un service de taxis collectifs ou d'un service de location de voitures avec chauffeur, délivrée en exécution de cette réglementation par l'autorité compétente sous couvert de laquelle le transport est effectué.
Au cours de la période litigieuse de 2009 à 2014, comme depuis l’institution en 1973 de la commission paritaire n° 140, la réglementation en matière de transport rémunéré de personnes, c’est-à-dire les articles 2, 1°, a), b) et c), et 17, § 1er, alinéa 1er, 8°, de l’ordonnance bruxelloise, 2, 4°, a), b), et c), et 42, §§ 1er, 8°, et 3, du décret flamand et 1er, 1°, 19, § 1er, 9°, et 35 du décret wallon, prévoit, comme élément de la définition ou comme obligation des entreprises de taxis, qu’elles assurent le transport rémunéré de personnes par véhicule automobile d’une capacité maximum de neuf personnes, chauffeur compris, que les véhicules sont mis à la disposition du public soit à un point de stationnement déterminé sur la voie publique soit en tout autre endroit non ouvert à la circulation publique, que les véhicules sont équipés d’un taximètre et que la mise à disposition porte sur le véhicule et non sur chacune des places.
L’arrêt énonce que l’inspection du travail a dressé le 2 juin 2014 un procès-verbal à la charge de la défenderesse, société constituée le 30 mars 2009, pour ne pas avoir rémunéré ses chauffeurs sur la base d’un pourcentage de la recette brute conformément à l’article 3 de la convention collective de travail du 22 septembre 2008.
Il constate que la défenderesse exploite « un service de navettes vers un aéroport, une gare ou un port » et une « activité secondaire de location de voitures avec chauffeur pour des événements particuliers », au moyen de véhicules de maximum neuf places, chauffeur compris, que la navette est réservée au préalable, que le « trajet [est] déterminé à l’avance », que, « dans la plupart des cas, […] le chauffeur fait deux ou trois arrêts pour embarquer d’autres voyageurs avant d’atteindre la destination commune », que le prix des courses, « convenu à l’avance et […] forfaitaire, ne dépend pas du nombre de kilomètres réellement parcourus ou du temps mis pour réaliser ce trajet », que les véhicules ne sont pas équipés d’un taximètre, qui serait inutile, et que, « dans la plupart des cas, les clients [réservent] une ou plusieurs places d’un véhicule ».
Par ces constatations, l’arrêt justifie légalement sa décision que, du 30 mars 2009 au 2 juin 2014, la défenderesse n’était pas soumise à la convention collective de travail du 22 septembre 2008.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent nonante-deux euros soixante-six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Eric de Formanoir et Bruno Lietaert, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.