N° P.23.1666.F
B.A., ,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Mariana Boutuil et Audrey Dumont, avocats au barreau de Bruxelles, le cabinet de la seconde étant établi à Bruxelles, avenue Louise, 379, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 décembre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 16, § 1er, alinéa 3, et 23, 4°, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir maintenu la détention préventive alors que, selon lui, c’est illégalement que, en violation du droit au silence et de l’interdiction de recourir à la détention préventive en vue d’exercer une répression immédiate, il a été contraint de se soumettre à un interrogatoire policier.
Placé en détention préventive le 6 juillet 2023, le demandeur a, selon l’arrêt, été réentendu par la police, sur ordre du juge d’instruction, le 15 novembre 2023.
En tant qu’il invoque la violation de l’article 16, § 1er, alinéa 3, de la loi relative à la détention préventive, alors que cette disposition concerne la légalité du mandat d’arrêt, le moyen est étranger à la décision attaquée, rendue en application de l’article 22 de la loi précitée et qui concerne le maintien du demandeur en détention au-delà de la période couverte par la décision prise conformément à l’article 21 de la même loi.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Et aucune disposition ne prévoit que lorsqu’un acte d’instruction accompli en-dehors de tout lien avec le mandat d’arrêt est irrégulier, cette circonstance suffit à obliger les juridictions d’instruction à remettre l’inculpé en liberté.
En tant qu’il revient à soutenir le contraire, le moyen manque également en droit.
Le moyen reproche aussi aux juges d’appel de ne pas avoir répondu aux conclusions du demandeur, qui faisaient valoir que les policiers ne s’étaient pas limités à prendre acte de sa décision de faire usage de son droit au silence, mais qu’ils lui avaient en outre posé plusieurs questions.
À la page 2 de l’arrêt, les juges d’appel ont énoncé que « nonobstant le fait […] qu’un inculpé manifeste auprès des enquêteurs son souhait de faire usage de son droit au silence, rien n’empêche le magistrat instructeur de faire procéder à une audition formelle de celui-ci, notamment aux fins d’acter ce souhait de ne pas s’exprimer en réponse aux questions posées. Le droit au silence implique le droit de ne pas répondre aux questions posées par les enquêteurs mais n’interdit pas à ceux-ci de poser des questions ».
Ainsi, les juges d’appel ont répondu à la défense visée au moyen et l’arrêt est régulièrement motivé.
À cet égard, procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Aucune disposition n’interdit au juge d’instruction et aux enquêteurs, pourvu qu’il n’en résulte aucune pression illicite, d’interroger un inculpé sur les motifs pour lesquels il souhaite faire usage de son droit au silence.
En tant qu’il revient à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il postule que les circonstances de la cause auraient dû conduire les policiers à s’abstenir d’interroger le demandeur, le moyen exige une appréciation en fait de ces éléments, laquelle échappe au pouvoir de la Cour.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Pris de la violation des articles 3 et 23, 4°, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, le moyen reproche d’abord aux juges d’appel de ne pas avoir répondu aux arguments du demandeur qui, en termes de conclusions, avait fait valoir qu’étant détenu préventivement et, dès lors, déjà à la disposition du juge d’instruction, le recours à un mandat d’amener pour le faire entendre par la police était illégal. Le moyen ajoute qu’il a été soutenu dans ces conclusions que seul le juge d’instruction aurait pu interroger le demandeur ensuite de l’exécution du mandat d’amener. Le moyen fait enfin valoir que, pour ces motifs avancés en conclusions, les juges d’appel n’ont pu légalement décider que le mandat d’amener décerné par le juge d’instruction était régulier.
Le juge ne doit répondre aux conclusions d’une partie que dans la mesure où elles contiennent des moyens, c’est-à-dire l’énonciation d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception. Il n’est tenu ni d’exposer les motifs de ses motifs ni de suivre cette partie dans le détail de son argumentation. Il en est singulièrement ainsi devant les juridictions d’instruction, tenues de décider dans un délai bref s’il y a lieu de maintenir la détention préventive.
En tant qu’il postule que le juge doit en outre répondre aux arguments des parties, le moyen manque en droit.
Aucune disposition n’interdit au juge d’instruction d’émettre un mandat d’amener à l’égard d’un inculpé détenu sous les liens d’un mandat d’arrêt.
Les juges d’appel ont énoncé qu’il n’était pas interdit au juge d’instruction de décerner un mandat d’amener aux fins de faire procéder à l’audition d’un inculpé placé en détention préventive.
Ce motif répond à la défense proposée et justifie légalement la décision des juges d’appel.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-quatre euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.