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22/12/2023 | BELGIQUE | N°F.22.0035.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 décembre 2023, F.22.0035.F


N° F.22.0035.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre Petites et moyennes entreprises à Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. MEDILOC, société anonyme, dont le siège est établi à Pepins

ter (Soiron), Sclassin, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0...

N° F.22.0035.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre Petites et moyennes entreprises à Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. MEDILOC, société anonyme, dont le siège est établi à Pepinster (Soiron), Sclassin, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0478.201.981,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
2. ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654, faisant élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice Jean-Marc Devosse, établie à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177 (bte 2),
défenderesses en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le 30 novembre 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 42, 1°, modifié par l’article 2, § 1er, de la loi du 23 mars 1999 relative à l’organisation judiciaire en matière fiscale, 47bis et 705 du Code judiciaire ;
- article unique de l’arrêté ministériel du 25 octobre 2012 désignant le fonctionnaire du service public fédéral des Finances au bureau duquel l’État peut être cité en justice et les significations et notifications faites.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt fonde sa décision que « le jugement [entrepris] a été régulièrement signifié le 26 juin 2019 à l'État belge et que l'appel de ce dernier, interjeté le 13 novembre 2019, est tardif » sur les motifs que
« Le jugement [entrepris] a été signifié par l'huissier instrumentant le 26 juin 2019 aux bureaux du conseiller général-directeur du centre Petites et moyennes entreprises à Liège, sis rue de Fragnée, 2 ;
L'État belge soutient que cette signification est irrégulière, de sorte que son appel formé le 13 novembre 2019 n'est pas tardif, le délai prévu à l'article 1051 du Code judiciaire n'ayant pas pris cours ;
Il estime en effet que la décision aurait dû être signifiée, soit au cabinet du ministre des Finances, soit au bureau du directeur du service d'encadrement logistique à Bruxelles, conformément à l'article [unique] de l'arrêté ministériel du 25 octobre 2012 désignant le fonctionnaire du service public fédéral des Finances au bureau duquel l'État peut être cité en justice et les significations et notifications faites ;
En vertu de l'article 42, 1°, du Code judiciaire, les significations sont faites à l'État au cabinet du ministre compétent pour en connaître ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci, ou, si l'objet du litige entre dans les attributions du Sénat ou de la Chambre des représentants, au greffe de l'assemblée mise en cause, sans préjudice des règles énoncées à l'article 705 ;
Or, la circulaire AGFisc n° 12/2016 (n° Ci.704.999) du 5 avril 2016 relative à la création des centres Petites et moyennes entreprises, adoptée au nom du ministre des Finances, prévoit que les significations des jugements et arrêts peuvent […] être faites à partir du 1er janvier 2016, soit au ministre des Finances, soit au fonctionnaire désigné par lui (article 42, 1°, du Code judiciaire), soit aux conseillers généraux-directeurs des centres Petites et moyennes entreprises, compétents territorialement, en fonction de leur groupe cible, et il n'est pas contesté que le jugement entrepris a bien été en l'espèce signifié au conseiller général du centre Petites et moyennes entreprises compétent territorialement en fonction de [son] groupe cible ;
Par cette circulaire adoptée en son nom, le ministre a ainsi désigné d'autres fonctionnaires que celui qui est visé par l'arrêté ministériel du 25 octobre 2012 pour recevoir les significations faites à l'État des décisions relevant de sa compétence ».
Griefs
Aux termes de l'article 42, 1°, du Code judiciaire, les significations sont faites à l'État, au cabinet du ministre compétent pour en connaître ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci, ou, si l'objet du litige entre dans les attributions du Sénat ou de la Chambre des représentants, au greffe de l'assemblée mise en cause, sans préjudice des règles énoncées à l'article 705.
L'article 705 du Code judiciaire dispose, quant à lui, que l’État est cité au cabinet du ministre dans-les attributions duquel est compris l'objet du litige ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci, et que, si l'objet du litige entre dans les attributions du Sénat ou de la Chambre des représentants, l'État, représenté par la Chambre des représentants ou le Sénat, est cité au greffe de l'assemblée mise en cause.
Par le biais de l'article unique de l'arrêté ministériel du
25 octobre 2012 désignant le fonctionnaire du service public fédéral des Finances au bureau duquel l'État peut être cité en justice et les significations et notifications faites, le ministre des Finances a désigné le bureau où les significations à l'État pouvaient être faites en matière fiscale.
Cet article dispose que les citations en justice, les significations et notifications à l'État, service public fédéral des Finances, se font au bureau du directeur du service d'encadrement logistique, Bruxelles, North Galaxy, Tour B, 2e étage, boulevard du Roi Albert II, 33 (bte 971), à Schaerbeek.
Il résulte de la combinaison de ces articles que les significations ne peuvent être faites qu'au cabinet du ministre des Finances ou au bureau du fonctionnaire désigné par ce dernier dans le cadre de l'arrêté ministériel du
25 octobre 2012 et ce, à l'exclusion de tout autre fonctionnaire et de tout autre endroit.
La Cour a confirmé cela par son arrêt du 21 mars 2019 en considérant
qu'« en vertu de l'article 705, alinéa 1er, du Code judiciaire, l'État est cité au cabinet du ministre dans les attributions duquel est compris l'objet du litige ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci ; que l'article 42, 1°, de ce code prévoit que, sans préjudice des règles énoncées à l'article 705, les significations sont faites à l'État, au cabinet du ministre compétent ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci ; que le ministre des Finances a, au visa de ces textes, pris le 25 octobre 2012 l'arrêté désignant le fonctionnaire du service public fédéral des Finances au bureau duquel l'État peut être cité en justice et les significations et notifications faites, et qu’en adoptant cette disposition,
le ministre des Finances a exclu qu'un autre fonctionnaire puisse être tenu pour avoir été implicitement désigné par lui » (Cass., 21 mars 2019, Pas., n° 173).
En vertu des dispositions qui précèdent, la signification du jugement entrepris aurait dès lors dû être faite, soit au cabinet du ministre des Finances, soit au bureau du directeur du service d'encadrement logistique, Bruxelles, North Galaxy, Tour B, 2e étage, boulevard du Roi Albert II, 33 (bte 971), à Schaerbeek.
Dès lors, conformément à l'article 47bis du Code judiciaire, qui dispose, en son alinéa 2, que, lorsque la signification ou la notification d'une décision est nulle, le délai pour introduire un recours ne commence pas à courir, la cour d'appel aurait dû constater que la signification à laquelle a procédé la [première défenderesse] ayant été faite à un autre endroit était nulle et, partant, impropre à faire courir le délai d'appel.
Quant à la circulaire AGFisc n° 12/2016 (n° Ci.704.999) du
5 avril 2016 relative à la création des centres Petites et moyennes entreprises, évoquée par l’arrêt, celle-ci n'est nullement porteuse d'une désignation au sens de l'article 42, 1°, du Code judiciaire, dès l'instant où 1° elle n'émane pas du ministre des Finances mais de l'administrateur Petites et moyennes entreprises et où le ministre des Finances n'a nullement délégué sa compétence de désignation à cet administrateur – l’arrêt ne constate, à cet égard, nullement l'existence d'un acte faisant l'objet d'un écrit spécifique par lequel le ministre des Finances aurait opéré une délégation, lequel acte, intéressant la généralité des citoyens, aurait fait l'objet d'une publicité quelconque, l'article 42, 1°, du Code judiciaire ne prévoyant pas la possibilité d'une telle délégation, 2° une circulaire n'est nullement de nature à permettre l'exercice d'un pouvoir réglementaire s'adressant à la généralité des citoyens, tel que la désignation du fonctionnaire auquel les significations doivent être faites, 3° cette circulaire n'a qu'une portée explicative en ce qu'elle indique expressément commenter l'arrêté du président du comité de direction du service public fédéral des Finances du
9 décembre 2015 créant les centres Petites et moyennes entreprises et le centre Étranger, publié au Moniteur belge du 29 décembre 2015, 4° le texte même de la circulaire exclut que la mention des conseillers généraux-directeurs des centres Petites et moyennes entreprises puisse intervenir dans le cadre de la désignation prévue à l'article 42, 1°, du Code judiciaire, la circulaire faisant un net distinguo entre le ministre des Finances, le fonctionnaire désigné par le ministre des Finances et les conseillers généraux (« les significations des jugements et arrêts peuvent en conséquence être faites à partir du 1er janvier 2016, soit au ministre des Finances, soit au fonctionnaire désigné par lui (article 42, 1°, du Code judiciaire), soit aux conseillers généraux-directeurs des centres Petites et moyennes entreprises, compétents territorialement, en fonction de leur groupe cible »).
Par conséquent, l'arrêt, qui, après avoir constaté que « le jugement [entrepris] a été […] signifié le 26 juin 2019 […] aux bureaux du conseiller général-directeur du centre Petites et moyennes entreprises à Liège, sis rue de Fragnée, 2 », considère que, « par [la circulaire AGFisc n° 12/2016
(n° Ci.704.999) du 5 avril 2016] adoptée en son nom, le ministre a désigné d’autres fonctionnaires que celui qui est visé par l’arrêté ministériel du
25 octobre 2012 pour recevoir les significations faites à l’État des décisions relevant de sa compétence » et que « le jugement [entrepris] a été régulièrement signifié le 26 juin 2019 à l’État belge et que l’appel de ce dernier, interjeté
le 13 novembre 2019, est tardif », viole les articles visés au moyen.
III. La décision de la Cour
En vertu de l’article 705, alinéa 1er, du Code judiciaire, l’État est cité au cabinet du ministre dans les attributions duquel est compris l’objet du litige ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci.
L’article 42, 1°, de ce code prévoit que, sans préjudice des règles énoncées à l’article 705, les significations sont faites à l’État au cabinet du ministre compétent ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci.
Le ministre des Finances a, au visa de ces textes, pris le 25 octobre 2012 l’arrêté désignant le fonctionnaire du service public fédéral des Finances au bureau duquel l’État peut être cité en justice et les significations et notifications faites.
L’arrêt constate que le jugement entrepris « a été signifié […] le 26 juin 2019 aux bureaux du conseiller général-directeur du centre Petites et moyennes entreprises à Liège, sis rue de Fragnée, 2 ».
Il considère que « la circulaire AGFisc n° 12/2016 (n° Ci.704.999) du 5 avril 2016 relative à la création des centres Petites et moyennes entreprises, adoptée au nom du ministre des Finances, prévoit que ‘les significations des jugements et arrêts peuvent […] être faites à partir du 1er janvier 2016, soit au ministre des Finances, soit au fonctionnaire désigné par lui (article 42, 1°, du Code judiciaire), soit aux conseillers généraux-directeurs des centres Petites et moyennes entreprises, compétents territorialement, en fonction de leur groupe cible’ » et que, « par cette circulaire adoptée en son nom, le ministre a […] désigné d’autres fonctionnaires que celui qui est visé par l’arrêté ministériel du 25 octobre 2012 pour recevoir les significations faites à l’État des décisions relevant de sa compétence ».
En tenant, au motif qu’elle a été « adoptée en son nom », les énonciations de la circulaire à laquelle il se réfère, qui a été prise par l’administrateur Petites et moyennes entreprises, pour une désignation par le ministre des Finances du bureau d’un fonctionnaire au sens de l’article 42, 1°, du Code judiciaire, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision que le jugement entrepris « a été régulièrement signifié à l’État belge et que l’appel de ce dernier, interjeté le 13 novembre 2019, est tardif […], par conséquent, irrecevable ».
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-deux décembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.22.0035.F
Date de la décision : 22/12/2023
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-12-22;f.22.0035.f ?

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