N° P.23.1747.F
D. B. M.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Loïc Casagranda et Maxime Parewyck, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 décembre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen invoque la violation des articles 16, §§ 1er et 5, 21, § 5, 22, alinéas 5 et 6, et 30, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Il est d’abord reproché à la chambre des mises en accusation d’avoir fondé
sa décision sur des motifs étrangers aux inculpations du demandeur, et ainsi, d’avoir maintenu sa détention préventive sans avoir procédé à un examen individualisé des circonstances de fait de la cause et de celles liées à la personnalité de l’inculpé : l’arrêt considère que « la gravité des faits, toujours à les supposer établis, résulterait également du profond mépris de l’inculpé à l’égard de la situation de précarité des victimes, et de l’utilisation sans scrupule de celles-ci à des fins d’exploitation économique, ainsi que du préjudice social et financier causé par la supposée corruption, susceptible d’induire une profonde distorsion en termes de concurrence entre les entreprises susceptibles de soumissionner pour ce type de marché », alors que tant les infractions de trafic et de traite des êtres humains que celle de corruption auxquelles cette motivation fait allusion ne concernent pas le demandeur, qui n’a été inculpé que de faux, usage de faux et participation à une organisation criminelle.
En vertu de l’article 324bis, alinéa 1er, du Code pénal, constitue une organisation criminelle, l'association structurée de plus de deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée, des crimes et délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave, pour obtenir, directement ou indirectement, des avantages patrimoniaux.
L’article 324ter, § 1er, du même code, dispose que lorsque l'organisation criminelle utilise l'intimidation, la menace, la violence, des manœuvres frauduleuses ou la corruption ou recourt à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation des infractions, toute personne qui, sciemment et volontairement, en fait partie, est punissable d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de cent euros à cinq mille euros ou d’une de ces peines seulement, même si elle n'a pas l'intention de commettre une infraction dans le cadre de cette organisation ni de s'y associer d'une des manières prévues par les articles 66 à 69.
Il résulte de ces dispositions qu’une personne peut faire partie d’une organisation criminelle et, ainsi, commettre l’infraction de participation à une organisation criminelle au sens de l’article 324ter, § 1er, du Code pénal, sans nécessairement se rendre coupable, par un des modes de participation prévus par la loi, des infractions pour la commission desquelles l’organisation criminelle a été établie ou des infractions correspondant, le cas échéant, à l'intimidation, la menace, la violence, les manœuvres frauduleuses, la corruption ou les structures commerciales ou autres que l’organisation utilise.
En tant qu’il est fondé sur la prémisse que les juges d’appel ne pouvaient pas justifier l’absolue nécessité pour la sécurité publique de maintenir la détention préventive du demandeur, par la circonstance que sa participation à l’organisation criminelle serait l’expression de son mépris pour les victimes des infractions de trafic et de traite des êtres humains dont d’autres inculpés sont soupçonnés, ou de son mépris pour les conséquences sociales, financières et économiques des actes de corruption que d’autres personnes auraient commis, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il critique l’appréciation en fait des juges d’appel, le moyen est irrecevable.
Le moyen reproche également aux juges d’appel d’avoir motivé le risque de soustraction du demandeur à l’action de la justice en raison de ses prétendues nationalité portugaise et attaches avec le Portugal, alors qu’il est d’origine roumaine et n’a aucun lien avec ce pays.
Outre ce motif, l’arrêt considère, sans être critiqué par le moyen, qu’il subsiste de sérieuses raisons de craindre que, s’il était remis en liberté, le demandeur, d’une part, commette de nouveaux crimes ou délits, eu égard au caractère lucratif des activités présumées et à ses antécédents judiciaires, et, d’autre part, tente de faire disparaître des preuves et entre en collusion avec des tiers, étant donné que tous les membres de l’organisation criminelle n’ont pas encore été formellement identifiés et entendus.
En vertu des articles 16, § 1er, alinéa 4, 22, alinéa 6, et 30, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans de réclusion, la chambre des mises en accusation qui statue lors de la première comparution de l’inculpé conformément à l'article 21 de cette loi doit fonder sa décision de maintien du mandat d’arrêt sur la constatation qu'il existe de sérieuses raisons de craindre qu’un ou plusieurs des risques suivants se réalise si l’inculpé était laissé en liberté : la commission de nouveaux crimes ou délits, la soustraction à l'action de la justice, la disparition de preuves et la collusion avec des tiers.
La décision relative au maintien du demandeur en détention préventive est légalement justifiée par les motifs de l'arrêt relatifs aux risques de récidive, de disparition de preuves et de collusion avec des tiers.
Critiquant exclusivement la considération des juges d'appel selon laquelle le risque de fuite résulte de sa nationalité et de ses attaches portugaises, le moyen ne saurait entraîner la cassation et est dès lors, à cet égard également, irrecevable.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante et un euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trois janvier deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.