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10/01/2024 | BELGIQUE | N°P.23.1587.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 janvier 2024, P.23.1587.F


N° P.23.1587.F
I. et II. V.C. P.,
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Karim Itani, avocat au barreau de Mons, et Thomas Grulois, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre deux arrêts rendus les 20 mars 2023 et 13 novembre 2023 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général D

amien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
La Cour n’a pas égard aux pièces d...

N° P.23.1587.F
I. et II. V.C. P.,
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Karim Itani, avocat au barreau de Mons, et Thomas Grulois, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre deux arrêts rendus les 20 mars 2023 et 13 novembre 2023 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
La Cour n’a pas égard aux pièces déposées à l’audience par le demandeur, en dehors des conditions prescrites par l’article 429, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle.
A. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt interlocutoire rendu le 20 mars 2023 :
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen reproche à l’arrêt, qui désigne un collège d’experts judiciaires afin de déterminer l’état mental du demandeur, de justifier cette décision en ayant égard à un rapport établi par l’expert psychiatre de la prison le 2 juin 2020 et joint à la demande d’internement formulée en application de l’article 77/1 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement. Selon le moyen, ce rapport n’était plus actuel et avait été rédigé dans des conditions ne présentant pas les « garanties procédurales utiles », faute pour cette première expertise d’avoir été menée de manière contradictoire. Enfin, il fait grief aux juges d’appel d’avoir confié aux experts désignés une mission lacunaire, ne satisfaisant pas aux critères visés par l’article 5, § 1er, 1°, de la loi du 5 mai 2014.
L’article 5, § 1er, 1°, susdit est applicable au juge d’instruction, ainsi que devant les juridictions d’instruction ou de jugement qui statuent sur les faits dont une personne est accusée. En revanche, cette disposition est étrangère à la procédure réglée par les articles 77/1 à 77/8 de la même loi, relatifs à l’internement d’une personne déjà condamnée, dont l’expertise psychiatrique est subordonnée au seul respect de l’article 77/1, § 3, de la loi.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
En vertu de l’article 77/1, §§ 1 et 2, de la loi du 5 mai 2014, le condamné qui fait l'objet d'au moins une condamnation pour un crime ou un délit visé à l'article 9, § 1er, 1°, de la loi, chez qui le psychiatre de la prison constate, au cours de la détention, un trouble mental ayant un caractère durable qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, et qui risque de commettre de nouvelles infractions, d’une semblable nature, en raison de son trouble mental, peut être interné, sur demande du directeur, par la chambre de protection sociale compétente. Si un tel état est constaté chez le condamné, le directeur rédige un avis d'internement et constitue un dossier contenant notamment le rapport du psychiatre de la prison. Ce dossier est soumis à la chambre de protection sociale qui, conformément à l’article 77/1, § 3, de la loi, ordonne immédiatement une expertise psychiatrique médicolégale répondant aux conditions des articles 5, § 1er, 3° et 4°, 7 et 8, afin de permettre à cette juridiction de statuer sur l’internement.
Le rapport du psychiatre de la prison, qui n’est pas établi à la demande d’un juge, ne constitue pas une expertise judiciaire et n’est, dès lors, pas soumis au respect du contradictoire.
À cet égard également, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il critique l’ancienneté des constatations du psychiatre de la prison, alors que, précisément, l’arrêt attaqué désigne un collège d’experts judiciaires psychiatres et psychologue en vue « d’actualiser l’expertise psychiatrique [du demandeur] », le moyen, dépourvu d’intérêt, est irrecevable.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi formé contre l’arrêt définitif rendu le 13 novembre 2023 :
Sur le moyen pris, d’office, de la violation de l’article 779 du Code judiciaire :
En vertu de l’article 779 du Code judiciaire, applicable en matière répressive, le jugement ne peut être rendu que par des juges ayant assisté à toutes les audiences de la cause, et ce à peine de nullité.
Cette disposition ne requiert pas que la décision ordonnant une mesure d’instruction et la décision subséquente rendue au fond soient toujours prononcées par les mêmes juges. Cette continuité est cependant requise lorsque les débats antérieurs à la décision ordonnant la mesure d’instruction se poursuivent après celle-ci.
Conformément à l’article 77/7, § 2, de la loi du 5 mai 2014, la chambre correctionnelle de la cour d'appel saisie du recours contre la décision de la chambre de protection sociale du tribunal de l’application des peines entend le condamné et son avocat ainsi que le directeur de la prison.
Il suit des énonciations reprises à l’arrêt du 20 mars 2023 qu’à l’audience du 20 février 2023 de la chambre correctionnelle de la cour d’appel, « Madame L., attachée à la direction de la prison de Lantin », a été entendue, que le ministère public a fait rapport et a requis et que la défense du demandeur a plaidé et déposé des pièces. À la suite des débats tenus lors de cette audience, la cour d’appel a rendu l’arrêt précité, du 20 mars 2023, se bornant à ordonner qu’il soit procédé à une expertise judiciaire psychiatrique du demandeur. Lors des débats, la cour d’appel était composée du président Delmarche et des conseillers Trigaux et Desutter, qui ont rendu la décision interlocutoire susvisée.
À la suite du dépôt du rapport d’expertise, la cause a été entendue à l’audience de la cour d’appel du 9 octobre 2023. Selon le procès-verbal de cette audience, « la cause a été reprise ab initio, le siège étant autrement composé. Madame Solbreux, premier substitut […] fait rapport et requiert. [Le demandeur] est entendu en ses moyens développés tant par lui-même que par son conseil […]. [Le demandeur] dépose un dossier de pièces et une pièce séparée. [Il] a la parole en dernier lieu ».
Lors de ces débats, la cour d’appel était composée du président Delmarche et des conseillers Trigaux et Lardinois, qui ont rendu la décision définitive le 13 novembre 2023.
Mais il ne ressort ni de cette décision ni du procès-verbal de l’audience susvisée du 9 octobre 2023 que, lors des débats repris ab initio à cette date, le directeur de la prison, qui avait auparavant été entendu devant un siège différent, ait été réentendu, alors que sa déposition n’avait pas été retranscrite dans le procès-verbal de l’audience où elle fut recueillie.
Ainsi, les juges d’appel ont violé l’article 779 du Code judiciaire.
Et il n’y a pas lieu d’examiner le premier moyen et la seconde branche du second moyen, qui ne sont pas susceptibles d’entraîner une cassation sans renvoi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué du 13 novembre 2023 ;
Rejette le pourvoi dirigé contre l’arrêt du 20 mars 2023 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Condamne le demandeur aux frais du pourvoi du 16 novembre 2023 et réserve les frais du pourvoi du 14 novembre 2023 pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Mons, autrement composée.
Sur le pourvoi du 16 novembre 2023, lesdits frais taxés à la somme de septante-quatre euros vingt-cinq centimes dus et sur le pourvoi du 14 novembre 2023, les frais sont réservés.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du dix janvier deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1587.F
Date de la décision : 10/01/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-01-10;p.23.1587.f ?

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