N° C.23.0238.F
1. P. N.,
2. ARAG, société de droit allemand, dont le siège est établi à Dusseldorf (Allemagne), Arag Platz, 1, ayant en Belgique une succursale établie à Ixelles, place du Champs de Mars, 5, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0846.419.822,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, et assistés par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ALLIANZ BENELUX, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard du Roi Albert II, 32, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.258.197,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 novembre 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
L’arrêt énonce, par référence à l’exposé du premier juge, que le véhicule du demandeur « est pourvu de deux réservoirs disposés côte à côte, l’un pour le diesel, l’autre pour l’additif AdBlue, ce second réservoir [étant] plus petit et dispos[ant] d’un capuchon bleu », et, par motif propre, que le demandeur « a sollicité l’intervention de son assureur dégâts matériels, [la défenderesse], pour les dommages causés à son véhicule […] après qu’il a versé de l’AdBlue dans le réservoir du diesel et redémarré son véhicule ».
Il relève que « l’article 5.1 des conditions générales applicables au contrat d’assurance […] dispose, relativement à la garantie dégâts matériels, que : ‘nous assurons : les dégâts au véhicule assuré et à l’équipement couvert, causés par : - un accident ; […] - la mise d’un carburant incompatible ; dans ce cas, nous assurons les dégâts mécaniques au véhicule si le conducteur a démarré le véhicule après avoir sélectionné à la pompe, par mégarde, le carburant inadapté ; […] nous n’assurons pas […] les dégâts à des organes du véhicule par suite d’usure, de vice de construction, de mauvais entretien ou par manque de lubrifiants ou de liquide de refroidissement’ ».
Sur le premier moyen :
En vertu de l’article VI.37 du Code de droit économique, lorsque toutes ou certaines clauses d’un contrat entre une entreprise et un consommateur sont écrites, ces clauses doivent être rédigées de manière claire et compréhensible et, en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.
Conformément à l’article 23 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, les conditions générales, particulières et spéciales, les contrats d’assurance dans leur ensemble, ainsi que toutes les clauses prises séparément doivent être rédigés en termes clairs et précis et, en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au preneur d’assurance prévaut dans tous les cas.
L’obligation imposée à l’assureur de rédiger les clauses en termes clairs et précis n’implique ni celle de modifier le libellé des termes existants pour tenir compte de l’évolution de la technologie ni celle d’indiquer si chaque hypothèse particulière relève ou non du risque couvert.
Le moyen, qui repose tout entier sur les soutènements contraires, manque en droit.
Sur le second moyen :
L’arrêt relève que « la notion d’accident n’est ni légalement ni contractuellement définie » mais que, « se référant au sens usuel du terme tel qu’il est repris dans les dictionnaires de la langue française, [les demandeurs] définissent l’accident comme un ‘événement fortuit, imprévisible ou imprévu ayant des effets dommageables’ ».
Il considère que « le fait pour [le demandeur] d’avoir versé de l’AdBlue dans le réservoir destiné au carburant de son véhicule plutôt que dans le réservoir prévu à cet effet, et d’avoir ensuite démarré son véhicule, seuls événements à l’origine des dégâts à son véhicule, ne sont pas des événements fortuits » et ne constituent dès lors pas « un accident justifiant l’application de la garantie ».
L’arrêt, qui donne ainsi à connaître que le terme accident revêt un sens usuel clair par ailleurs retenu par les demandeurs eux-mêmes et exclut dès lors tout doute, justifie légalement sa décision de ne pas retenir l’interprétation la plus favorable au demandeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent six euros septante et un centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte,
Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du douze janvier deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.