N° C.23.0049.F
M. G.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/65,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d’appel de Liège, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l’arrêt de la Cour du 27 octobre 2017.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Dans ses conclusions, s’agissant de la réparation de son dommage moral, le demandeur faisait valoir, d’une part, que, « compte tenu des conséquences nécessairement dévastatrices [de son] emprisonnement, une compensation équitable du préjudice moral subi […] s’élèverait ex aequo et bono à tout le moins à la somme de 24 000 euros », correspondant à une somme de 600 euros par jour d’enfermement calculée par référence à une somme allouée par la Cour européenne des droits de l’homme dans une autre cause, d’autre part, qu’« à cela, doit également s’ajouter la compensation du préjudice moral lié à [sa] fragilisation professionnelle […] et à l’atteinte à sa réputation, évaluée ex aequo et bono à 11 000 euros ».
L’arrêt considère que le demandeur « a été enfermé illégalement pendant 39 jours ce qui lui a causé un préjudice moral certain lequel ne peut être réduit ou annihilé par le fait qu’il a subi un traitement médical endéans cette période », que « l’indemnité qui lui a été allouée par le premier juge, soit un montant fixé
ex aequo et bono à 5 000 euros, est de nature à réparer adéquatement ce préjudice », que le demandeur « ne démontre pas avoir subi un préjudice plus important » et qu’« il ne produit aucun élément probant à l’appui de ses affirmations selon lesquelles sa mise en observation aurait eu des répercussions particulièrement lourdes dans son chef et ce, tant sur le plan personnel que sur le plan social, familial ou encore professionnel ».
L’arrêt, qui considère ainsi que le demandeur ne prouve pas avoir subi un dommage aussi important que celui allégué à l’appui de sa demande, indique les raisons pour lesquelles le mode de calcul proposé par le demandeur ne peut être admis et répond aux conclusions précitées.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
En vertu des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, celui qui, par
sa faute, a causé un dommage à autrui est tenu de le réparer.
Il appartient à la victime d’un acte illicite de prouver son dommage.
Le juge du fond apprécie en fait l’existence d’un dommage causé par
un acte illicite et le montant destiné à le réparer intégralement.
La réparation intégrale du dommage implique que la victime doit être replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n’avait pas été commise.
L’article 32, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de cette convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33, 34, 46 et 47.
En vertu de l’article 46, § 1er, de la Convention, les États parties à celle-ci s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties.
Conformément à l’article 41, si cette cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de l’État partie au litige ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation,
elle accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable.
Suivant l’article 53, aucune des dispositions de la Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute Convention à laquelle cette Partie contractante est partie.
Il ne suit pas de ces dispositions de la Convention que le juge, qui doit apprécier l’existence d’un dommage moral causé par un acte illicite et le montant destiné à le réparer intégralement conformément aux dispositions du droit interne, tels les articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, soit tenu d’allouer à
la victime d’un tel acte, fût-il constitutif d’une violation de la Convention, une indemnité correspondant à celle accordée par la Cour européenne des droits
de l’homme à titre de satisfaction équitable dans d’autres causes.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent quatre-vingt-sept euros douze centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte,
Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du deux février deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.