N° P.24.0139.F
I. et II. P. S.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Madleen Vanhamme, avocat au barreau de Mons, et Jonathan De Taye, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé le 26 janvier 2024 par le conseil du demandeur :
Le moyen est pris de la violation des articles 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit de la motivation des décisions judiciaires et de la notion de force majeure.
Le demandeur soutient que l’arrêt n’a pu déclarer régulier le mandat d’arrêt délivré sans audition préalable en raison de la force majeure, dès lors que, même en ayant égard à l’opinion du médecin requis, d’après laquelle le demandeur ne pouvait être entendu dans les vingt-quatre heures suivant cet avis médical, il restait, après l’expiration de ce délai, un temps suffisant pour procéder à l’interrogatoire prescrit par l’article 16, § 2, de la loi relative à la détention préventive, sans dépasser le délai de quarante-huit heures au-delà duquel, en vertu de l’article 12, alinéa 3, de la Constitution, nul ne peut être détenu sans l’autorisation d’un juge.
Le demandeur n’indique pas en quoi l’arrêt méconnaîtrait le principe général du droit de la motivation des décisions judiciaires.
Dans cette mesure, imprécis, le moyen est irrecevable.
La force majeure résultant du fait que le suspect est inaudible permet de délivrer un mandat d’arrêt sans interrogatoire préalable.
D’une part, lorsque le juge d’instruction constate que le suspect n’est pas en état d’être entendu et que cette situation constitutive de la force majeure empêche son interrogatoire, ce magistrat est habilité à décerner un mandat d’arrêt, sans être obligé de suspendre cette décision afin de s’assurer qu’avant l’expiration du délai de quarante-huit heures susvisé, l’état de l’intéressé n’évolue pas malgré tout d’une manière qui autorise son audition.
À cet égard, le moyen manque en droit.
D’autre part, le juge apprécie souverainement les faits dont il déduit la force majeure, la Cour se bornant à vérifier si, de ses constatations, il a pu légalement déduire cette décision.
L’arrêt constate d’abord que le demandeur a été privé de liberté le 5 janvier 2024 à 6.38 heures, qu’un mandat d’arrêt a été délivré le même jour à 14.10 heures et que selon les énonciations de cet acte, à ce moment l’inculpé était intubé et inaudible. L’arrêt ajoute que suivant un procès-verbal de police, à 14.38 heures, l’état de santé du demandeur était toujours préoccupant. Par renvoi aux motifs du réquisitoire écrit du ministère public, l’arrêt précise encore que le médecin requis a confirmé au juge d’instruction que le demandeur était inaudible. L’arrêt ajoute, toujours par référence à ces motifs, que des images vidéo enregistrées le lendemain, 6 janvier 2024, et montrant le demandeur, « ne contredis[aient] pas les informations médicales recueillies établissant le caractère inaudible de l’inculpé – bien au contraire », et que le médecin légiste avait précisé le 5 janvier 2024 à 16.59 heures que « le patient [ne serait] pas audible dans les vingt-quatre heures ».
Enfin, la chambre des mises en accusation a considéré que rien n’indiquait que le demandeur aurait pu être entendu ultérieurement.
Par l’ensemble de ces constatations, les juges d’appel ont pu légalement décider que le juge d’instruction avait été confronté à une situation de force majeure faisant obstacle à l’interrogatoire du demandeur et que le mandat d’arrêt était régulier.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi formé le 26 janvier 2024 par le demandeur à la prison :
Une partie ne peut, en règle, se pourvoir une seconde fois contre la même décision, même s’il n’a pas encore été statué sur le premier pourvoi au moment de la déclaration du second.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quarante-deux euros cinquante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du sept février deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.