N° F.23.0026.F
1. M. P., et
2. M. V.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 18 janvier 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Simon Claisse a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
L’arrêt attaqué constate que le boni de liquidation a été rendu imposable par la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, que cette loi a instauré un impôt sur les revenus et un précompte mobilier de dix p.c. sur les bonis en cas de liquidation totale ou partielle d'une société et que « [les demandeurs] indiquent que la loi a été votée et publiée en 2002 à un moment où ils avaient clôturé la liquidation de leur société et perçu le boni de liquidation ».
Il considère que « le faible taux d'imposition retenu (dix p.c.) pour déterminer l'imposition des revenus litigieux ne peut être considéré comme étant ‘disproportionné’ et, partant, ne peut porter une atteinte injustifiée au droit de propriété des demandeurs [qui] n’établissent pas que l’impôt litigieux de dix p.c. constituerait une charge excessive ou aurait porté fondamentalement atteinte à leur situation financière ».
Il observe en outre que, « dans le chef des actionnaires ou des associés, la dette fiscale à l'impôt global sur les revenus naît le dernier jour de la période imposable » et qu'« une loi qui instaure avant cette échéance des faits ou assiettes imposables nouveaux n'a pas d'effet rétroactif ».
Il relève que les demandeurs « ne pouvaient ignorer que l'opération engendrant la cotisation contestée, effectuée en octobre 2002, pouvait être taxée, puisqu'elle est intervenue postérieurement à la publication d'un avis au Moniteur belge du 23 avril 2002 annonçant déjà la fiscalisation des bonis de liquidation » et que, « puisqu'il est de surcroît de règle, en matière d'impôts sur les revenus, que la dette d'impôt naît définitivement à la date de la clôture de la période imposable au cours de laquelle les revenus ont été acquis, [les demandeurs] ne peuvent raisonnablement […] soutenir que leur droit à la sécurité juridique aurait été violé par [le défendeur] ».
Il suit de ces énonciations que, procédant à l’examen du respect de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’arrêt attaqué ne se limite pas à prendre en compte l’incidence financière de l’imposition litigieuse.
Le moyen, qui procède d’une lecture incomplète de l’arrêt attaqué, manque en fait.
Sur le second moyen :
Le moyen fait valoir que, à la suite de l’arrêt n° 109/2004 de la Cour constitutionnelle du 23 juin 2004, il suit de l’annulation partielle de l’article 32, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 2002 que les actionnaires personnes physiques non-résidents ne sont, contrairement aux actionnaires personnes physiques résidents, pas soumis à l’impôt sur le revenu que constituent les bonis de liquidation, bonis de partage partiel et bonis d’acquisition d’actions ou parts propres distribués en 2002 par des sociétés belges et que cette différence de traitement constitue une discrimination prohibée par l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors qu’elle n’est ni raisonnablement justifiée ni proportionnée par rapport au but visé par l’imposition.
Le caractère raisonnablement justifié d’une différence de traitement et la proportionnalité de la mesure d’où résulte cette différence de traitement suppose une appréciation qui gît en fait.
Les demandeurs n’ont devant la cour d’appel ni fait valoir la différence de traitement ni prétendu subir la discrimination alléguées par le moyen.
Le moyen, dont l’examen excéderait les pouvoirs de la Cour, ne peut être présenté pour la première fois devant elle et est, partant, irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent quarante-cinq euros soixante-sept centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du neuf février deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.