N° C.22.0062.F
F. U.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 251, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 23, et par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/65,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente cinq moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt attaqué relève que, selon la Cour de justice de l’Union européenne, « seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État ou constituant une charge supplémentaire pour l’État sont à considérer comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1er, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », que cette disposition « définit les interventions étatiques en fonction de leurs effets » et que ces interventions « prenant des formes diverses [doivent] être analysées en fonction de leurs effets ». Il ajoute qu’« en l’espèce, le seul transfert dont il pourrait être question est celui provenant des remboursements [de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité], c’est-à-dire un transfert ‘classique’ ».
Il considère, sur la base de ces énonciations, que « les remboursements [de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité] aux laboratoires sont déjà prévus par la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 et […] résultent de cette loi tandis que l’effet de l’arrêté royal n° 143 est de limiter ces remboursements, pour les réserver aux laboratoires agréés, constitués et opérant dans le respect des conditions objectives qu’il fixe en son article 3 ». Il en déduit qu’« en limitant les remboursements [de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité], l’arrêté royal n° 143 n’a […] aucunement pour effet économique d’opérer, soit un nouveau transfert direct de ressources publiques au débit des ressources de l’État, soit un nouveau transfert indirect par une perte de ressources dans le chef de l’État ». Il ajoute que cet arrêté royal « recherche uniquement une diminution de remboursements qui sont déjà à la charge du budget de l’État » dès lors que, « comme l’indique le rapport au Roi, […] il s’agissait ‘d’imposer des conditions plus sévères aux laboratoires de biologie clinique dans le cadre des interventions de l’assurance contre la maladie’ pour ‘mettre fin d’urgence aux situations intolérables’ et ‘prémunir la situation financière contre des dépenses non justifiées pour ces prestations’ ».
Il ressort de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l’arrêt se fonde sur les effets de l’article 3 de l’arrêté royal n° 143 pour conclure à l’absence d’un transfert direct ou indirect de ressources de l’État et se borne pour le surplus à exposer les motifs de cette disposition.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la troisième branche :
D’une part, le grief fait à l’arrêt de donner de l’arrêt rendu le 19 mars 2013 par la Cour de justice de l’Union européenne en cause de Bouygues c/ France Telecom une interprétation inconciliable avec ses termes, est étranger à la violation de l’article 107, paragraphe 1er, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
D’autre part, le grief de la violation de la foi due à un acte suppose l’existence d’un acte produit à des fins probatoires.
L’interprétation erronée de la jurisprudence est étrangère à la violation des règles relatives à la preuve écrite.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, dans ses conclusions, le demandeur entendait « démontrer […] en quoi l’article 3 de l’arrêté royal n° 143 constitue une aide illégale aux laboratoires bénéficiant des conditions d’agrément ». Il ne ressort en revanche ni des énonciations des conclusions du demandeur reproduites au moyen, en cette branche, ni d’aucune autre énonciation desdites conclusions que le demandeur soutenait que « la combinaison de l’article 3 de l’arrêté royal n° 143 avec les articles 34 et 63 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 sur l’assurance maladie-invalidité constituait une aide d’État ».
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, qui, en cette branche, procède d’une lecture inexacte des conclusions, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
L’arrêt attaqué relève que, « quant au lien entre le transfert et l’avantage, la Cour de justice de l’Union européenne admet [que] ‘les interventions étatiques prenant des formes diverses et devant être analysées en fonction de leurs effets, il ne saurait être exclu […] que plusieurs interventions consécutives de l’État doivent, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1er, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, être regardées comme une seule intervention [et que] tel peut notamment être le cas lorsque des interventions consécutives présentent, au regard notamment de leur chronologie, de leur finalité et de la situation de l’entreprise au moment de ces interventions, des liens tellement étroits entre elles qu’il est impossible de les dissocier’ » mais considère, par les motifs vainement critiqués par le moyen, en sa troisième branche, que, « dans la thèse [du demandeur], l’intervention serait unique [et] consisterait dans le fait de réserver aux laboratoires agréés le bénéfice des remboursements [de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité] ».
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt attaqué de faire fi de ce que des avantages avaient déjà été octroyés, d’une manière générale, par la loi du 14 juillet 1994 pour être ensuite retirés de façon ciblée par l’arrêté royal n° 143 et soutient que c’est la combinaison de ces deux mesures qui constituait une charge supplémentaire pour le budget de l’État, invite dès lors la Cour à procéder à une appréciation des faits, ce qui n’est pas en son pouvoir.
Le moyen, en cette branche, est, comme le soutient le défendeur, irrecevable.
Et dès lors que le moyen est irrecevable pour un motif propre à la procédure en cassation, il n’y a pas lieu de poser la question préjudicielle proposée par le demandeur.
Quant à la quatrième branche :
Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur ait soutenu devant la cour d’appel que la combinaison de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 sur l’assurance maladie-invalidité et de l’article 3 de l’arrêté royal n° 143 entraînait une charge supplémentaire pour le défendeur en ce qu’elle créait un risque direct et certain que les créanciers publics des laboratoires non agréés ne puissent recouvrer leurs créances auprès de ces derniers.
Le moyen, qui, en cette branche, invite la Cour à procéder à une appréciation de fait, ce qui excède son pouvoir, est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
Quant aux deux branches réunies :
L’arrêt attaqué relève que l’article 1er de l’arrêté royal n° 143 du
30 décembre 1982 fixant les conditions auxquelles les laboratoires doivent répondre en vue de l’intervention de l’assurance obligatoire soins de santé pour les prestations de biologie clinique dispose que « l’intervention de l’assurance maladie pour des prestations de biologie clinique n’est accordée qu’à condition qu’elles soient effectuées dans les laboratoires répondant aux conditions de cet arrêté » et que l’article 3, § 1er, détermine ces conditions.
Il ajoute que, « certes, dans [l’arrêt C-475/99 du 25 octobre 2001], la Cour de justice de l’Union européenne décide que le fait de réserver aux organisations sanitaires en charge du service d’aide médicale d’urgence les services de transport de malades suffit à qualifier cette mesure de droit exclusif ou spécial au sens de l’article 106, § 1er, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [dès lors qu’] ‘une protection est conférée par la voie d’une mesure législative à un nombre limité d’entreprises’ » et que, « de même, [dans] l’arrêt [C-22/98 du 16 septembre 1999, la Cour de justice] énonce [qu’] ‘en réservant à une catégorie déterminée de personnes l’exécution de certains travaux dans des zones biens délimitées, la réglementation nationale en cause au principal accorde à ces personnes des droits spéciaux ou exclusifs au sens de [l’article 106 précité]’ ».
Il considère que, « cependant, le Conseil d’État a déjà relevé que, ‘même si les prestations de biologie clinique ne font l’objet d’une intervention de l’assurance maladie que lorsqu’elles sont effectuées dans un laboratoire bénéficiant de l’agrément, il ne peut en être déduit que les laboratoires agréés se voient pour cette raison accorder des droits exclusifs ou spéciaux […] ; qu’en effet, la législation concernée ne désigne pas elle-même les laboratoires qui sont agréés, […] l’agrément n’est pas réservé à un nombre limité de laboratoires et […] il peut être obtenu par tout laboratoire remplissant les conditions prévues par la législation et la réglementation applicable ». Il en déduit que « l’absence de limitation quantitative et de désignation spécifique des laboratoires susceptibles d’être agréés exclut qu’il puisse être fait application de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ».
Il ressort de ces énonciations, qui permettent à la Cour d’exercer son contrôle, que, contrairement à ce que soutient le moyen, en sa première branche, l’arrêt attaqué conclut à la non-application de l’article 106 précité, non seulement en raison de l’absence de toute limitation expresse du nombre d’entreprises pouvant bénéficier de l’agrément ou d’une désignation de telles entreprises, mais aussi pour le motif qu’il n’y a pas davantage de limitation quantitative indirecte, l’agrément pouvant être obtenu par tout laboratoire remplissant les conditions prévues par la réglementation.
Pour le surplus, l’examen du grief de contradiction dénoncé par le moyen, en sa seconde branche, suppose l’interprétation des dispositions légales dont l’arrêt attaqué fait application.
Ce grief n’équivaut pas à une absence de motifs et est étranger à la règle de forme prescrite par l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen, qui, en aucune de ses branches, n’indique en quoi l’arrêt attaqué viole les articles 94 et 104 du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 septembre 2012, est imprécis.
Dans cette mesure, le moyen est, comme le soutient le défendeur, irrecevable.
Quant à la première branche :
Examinant la question de la prescription de la demande du demandeur « fondée sur le fait du pouvoir législatif » et de son point de départ, l’arrêt non attaqué du 24 avril 2015 considère que « la naissance de la créance, qui constitue le point de départ de ces prescriptions, se situe […] au jour où les trois éléments constitutifs de la responsabilité extracontractuelle sont réunis ». Il relève que, selon le demandeur, « la prescription d’une action visant à réparer un dommage découlant de la violation du droit européen ne pourrait, en l’espèce, commencer à courir tant qu’une autorité impartiale n’avait pas confirmé l’existence de cette violation, à peine de violer le principe d’effectivité », tandis que le défendeur « estime que le principe d’effectivité était en l’occurrence suffisamment garanti par la possibilité qui était offerte [au demandeur] d’interrompre la prescription par un exploit d’huissier de justice ». Il considère à cet égard au point 38 que, « toutefois, il convient de rappeler que [le demandeur] avait essuyé les refus successifs de la cour d’appel de Bruxelles et de la cour d’appel de Mons, toutes deux confirmées par la Cour de cassation, et que leur position trouvait appui dans l’arrêt du 12 février 1987 […] de la Cour de justice des Communautés européennes rejetant le premier recours [du demandeur], [qu’] à leur suite, le Conseil d’État, [dans son arrêt] du 21 février 2007, a également considéré que le litige ne présentait aucun facteur de rattachement avec le droit communautaire » et que, « par ailleurs, alors que la Commission européenne, saisie d’une plainte déposée par [le demandeur] le 17 décembre 1999, avait notifié le 17 juillet 2002 [au défendeur] un avis motivé concluant que l’article 3, § 1er, 3° et 4°, de l’arrêté royal n° 143 du 30 décembre 1982 était contraire à l’article 43 du Traité des Communautés européennes, ce n’est que par une loi du 24 mai 2005 que l’arrêté royal n° 143 du 30 décembre 1982 a été mis en conformité avec le droit européen ».
Il en déduit qu’« il est effectivement permis de s’interroger sur la possibilité pour un particulier qui s’estime préjudicié par la violation du droit communautaire par une disposition légale mais qui est confronté à des refus répétés des juridictions nationales de considérer son point de vue, notamment en refusant de poser une question préjudicielle à la Cour de justice, de prendre des mesures, de citation ou de signification d’un exploit, à l’encontre de celui qu’il tient pour responsable de cette violation ».
Examinant ensuite l’« action fondée sur le fait du pouvoir judiciaire », l’arrêt non attaqué du 24 avril 2015 considère qu’« il convient de vérifier si le droit européen est applicable, ce que [le défendeur] conteste », et décide, « compte tenu de la difficulté d’interprétation qui se pose, […] de soumettre la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne : ‘les articles 43, 49 et 56 du Traité des Communautés européennes et la notion de « situation purement interne » qui est susceptible de limiter l’invocation de ces dispositions par un justiciable dans le cadre d’un litige devant un juge national, doivent-ils être interprétés comme s’opposant à l’application du droit européen dans un litige entre un ressortissant belge et l’État belge visant à faire réparer les dommages causés par la violation alléguée du droit communautaire constituée par l’adoption et le maintien en vigueur d’une législation belge du type de celle de l’article 3 de l’arrêté royal n° 143 qui s’applique de manière indistincte aux nationaux et aux ressortissants des autres États membres’ ».
Après avoir relevé que, selon le demandeur, en ce qui concerne « l’illégalité de l’arrêté royal n° 143 pour violation des articles 49, 56 et 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », « il résulte déjà notamment du point 38 de son arrêt interlocutoire [du 24] avril 2015 que la cour [d’appel a] considéré qu’il existe bien une violation du droit européen à laquelle la loi du 24 mai 2005 aurait remédié », l’arrêt attaqué, qui considère que « l’arrêt [précité] ne constate rien de tel » et que d’ailleurs, « il interroge la Cour de justice en ces termes », tels qu’ils sont ci-avant repris, ne donne pas de l’arrêt non attaqué du 24 avril 2015 une interprétation inconciliable avec ses termes et ne viole pas l’article 19, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Il ne ressort pas des énonciations reproduites au moyen, en cette branche, que l’arrêt attaqué, qui, lorsqu’il examine la demande d’indemnisation du demandeur pour la période du 17 juillet 2002 au 31 décembre 2005 et depuis le 1er janvier 2013, se borne à faire état des « éléments de rattachement invoqués par [le demandeur] », constate l’existence d’éléments de rattachement antérieurs à l’année 2002.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Pour le surplus, l’arrêt attaqué considère que la violation des libertés fondamentales pour la période du 1er août 1989 au 16 avril 1992 « n’est susceptible d’être invoquée que pour autant que les décisions judiciaires mises en cause par [le demandeur] le justifient » dès lors que « [c’est] de ces décisions que résultent les condamnations dont [le demandeur] demande à être garanti ».
Ces considérations non critiquées et celles qui sont vainement critiquées par les quatrième et cinquième moyens suffisent à fonder la décision de l’arrêt attaqué de rejeter la demande du demandeur quant à la responsabilité du défendeur du fait du pouvoir législatif pour la période considérée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est, comme le soutient le défendeur, irrecevable.
Et dès lors que le moyen, en cette branche, est irrecevable pour des motifs propres à la procédure devant la Cour, il n’y a pas lieu de poser la question préjudicielle proposée par le demandeur.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
Ainsi qu’il résulte des réponses aux premier et deuxième moyens, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Examinant l’« exception de prescription », l’arrêt non attaqué du 24 avril 2015 entend, « pour situer le point de départ, […] distinguer selon que le dommage qui aurait été subi par [le demandeur] résulte du fait du pouvoir législatif ou du fait du pouvoir judiciaire ».
S’agissant de la première question, il rappelle que, selon le demandeur, la faute « n’a en l’espèce été établie qu’à partir du moment où il fut acquis, sans doute possible, par deux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne […] que l’article 3 de l’arrêté royal n° 143 était illégal », ces arrêts étant ceux qui ont été rendus les 11 mars 2004 et 21 avril 2005, et confronte cette position au principe d’effectivité. Il considère qu’« il ne peut du reste être considéré que la prescription a en tout état de cause commencé à courir lorsque [le demandeur] a eu connaissance du communiqué de presse officiel de la Commission européenne du 17 juillet 2002, selon lequel cette dernière avait rendu un avis motivé à l’encontre [du défendeur], impliquant qu’elle n’était pas satisfaite des explications de ce dernier » dès lors que le demandeur « n’avait […] pas connaissance de la motivation de cet avis, lequel n’était en outre pas contraignant pour la Cour de justice de l’Union européenne » et que, « dans ce contexte, [il convient de] poser [une] question préjudicielle ».
S’agissant de l’« action fondée sur le fait du pouvoir judiciaire », l’arrêt non attaqué du 24 avril 2015 relève qu’alors que le défendeur « estime que [le demandeur] a eu connaissance de son dommage moral à partir du prononcé de la condamnation portée par l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 7 septembre 2000 » et que « le délai de prescription aurait donc commencé à courir le 1er janvier 2000, premier janvier de l’année budgétaire au cours de laquelle la créance est née », le demandeur « le conteste » et « situe […] le point de départ du délai aux arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne les 11 mars 2004 et 21 avril 2005 comme il le fit pour la responsabilité du pouvoir législatif ». Il décide « de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse à la question préjudicielle qui est posée ».
Examinant « la responsabilité de l’État pour fautes du pouvoir judiciaire » et la « prescription de l’action fondée sur l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 7 décembre 2000 », l’arrêt attaqué, qui considère que cette action « a commencé à se prescrire lorsqu’est devenue recevable une action en réparation fondée sur cet arrêt, c’est-à-dire après l’arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2001 » en sorte que « la prescription quinquennale a donc commencé à courir le 1er janvier 2001 », ne statue pas à nouveau sur une question tranchée par l’arrêt non attaqué du 24 avril 2015 qui n’a écarté la date du 17 juillet 2002 pour déterminer le point de départ de la prescription qu’en ce qui concerne l’action en responsabilité résultant du fait du législateur.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le cinquième moyen :
Le moyen est dirigé contre la décision de l’arrêt attaqué que, s’agissant de son action en responsabilité pour faute du pouvoir judiciaire, le demandeur reproche à tort à la Cour de cassation d’avoir refusé, dans son arrêt du 14 juin 2006, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle soumise par le demandeur.
Dans la mesure où il fait grief à l’arrêt attaqué de violer le principe général du droit de la primauté du droit européen au motif que ce principe s’oppose, dans le cas d’une personne faisant l’objet d’une condamnation pénale fondée sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance du droit de l’Union, à ce qu’une juridiction civile de cet État membre, tenue par le principe de droit national de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, mette à la charge de cette personne, du seul fait de cette condamnation pénale, des dommages et intérêts destinés à indemniser les victimes de cette fraude, le moyen est étranger à la décision de l’arrêt attaqué de ne pas retenir une faute de la Cour de cassation en l’absence de renvoi préjudiciel.
Pour le surplus, le moyen, qui soutient que la Cour devra écarter la règle de droit national relative à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 7 décembre 2000 et faire droit à la prétention du demandeur sur ce point, invite la Cour à se substituer au juge du fond, ce qui n’est pas en son pouvoir.
Enfin, le moyen, qui ne reproche pas à l’arrêt attaqué de ne pas poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais uniquement de ne pas retenir la faute de la Cour de cassation pour n’avoir pas posé une telle question, ne saurait entraîner la cassation de l’arrêt attaqué pour violation de l’article 267 précité.
Le moyen est irrecevable.
Et le moyen étant irrecevable pour des motifs propres à la procédure devant la Cour, il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles proposées par le demandeur.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent soixante-trois euros sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du seize février deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.