N° P.24.0126.F
LE PROCUREUR DU ROI DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
V. N.,
condamnée, détenue,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 22 janvier 2024 par le juge de l’application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 14 février 2024.
A l’audience du 21 février 2024, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision statuant sur la demande de libération conditionnelle et celle décrétant le désistement de la demande de détention limitée :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision statuant sur la demande de surveillance électronique :
La défenderesse subit l’exécution d’une peine d’emprisonnement prononcée du chef de participation aux activités d’un groupe terroriste.
Le moyen est pris de la violation de l’article 32, § 2, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
Le demandeur soutient que c’est à tort que le juge de l’application des peines a considéré pouvoir se baser sur l’avis du service spécialisé dans les problématiques liées au terrorisme pour statuer sur la demande.
Selon le moyen, cet avis ne répond pas aux exigences légales dès lors qu’il ne contient aucune appréciation quant à la nécessité d’imposer à la défenderesse un parcours d’accompagnement adapté, et cette lacune ne peut être comblée par d’autres éléments du dossier.
En vertu de l’article 32, § 2, alinéa 1er, de la loi précitée, si le condamné subit une peine, notamment pour des faits visés au titre 1erter du livre II du Code pénal, l’avis du directeur de la prison doit être accompagné d’un rapport d’un service ou d’une personne spécialisé(e) dans les problématiques liées au terrorisme. Selon l’alinéa 3, cet avis contient une appréciation de la nécessité d’imposer un parcours d’accompagnement adapté.
Le jugement attaqué relève que, selon la partie publique, la défenderesse continue à nier les faits et ne prend pas conscience des atteintes portées à la société. A cet égard, il constate que, nonobstant une demande formelle du 13 novembre 2023, la direction de la prison n’a pas estimé utile de donner suite à la demande d’obtention d’un rapport circonstancié du service spécialisé, se contentant d’un rapport lacunaire dans lequel ne figurent pas les éléments qui permettraient d’apprécier la position actuelle de la défenderesse par rapport aux faits. Il ajoute que le conseil de la défenderesse déplore également l’absence d’un tel rapport qu’il avait sollicité avant même la délivrance du billet d’écrou.
Le jugement énonce ensuite qu’il ressort du rapport d’expertise psychiatrique médico-légale, établi dans le cadre du dossier répressif et communiqué à la demande du juge de l’application des peines, que la défenderesse souffre d’une déficience mentale et qu’elle présente une personnalité influençable qui la rend très vulnérable et sujette à la radicalisation. Il relève que, toujours selon l’expert, elle a été engagée dans un programme de déradicalisation, qu’elle est suivie par un psychologue, et qu’il est préférable de prévoir des conseils psychosociaux supplémentaires et un suivi de justice.
Le jugement déduit des éléments susdits qu’il est possible d’encadrer les points de fragilité évoqués par un dispositif conditionnel strict.
Par ces énonciations, dont il résulte que le juge de l’application des peines a invité la direction de la prison à déposer un rapport comportant les éléments qu’il estimait nécessaires pour évaluer les contre-indications dans le chef de la défenderesse, que l’absence d’un complément de rapport ne peut être imputée à celle-ci, et que les éléments soumis au juge lui ont permis de procéder à l’ appréciation de la nécessité d’un parcours d’accompagnement adapté, le jugement décide légalement de faire droit à la demande de surveillance électronique.
Le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l’Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de trois euros trente centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un février deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.