N° P.23.1542.F
H. A,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Deborah Albelice, Cédric Vergauwen et Pierre Monville, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 octobre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général délégué Véronique Truillet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur l’ensemble du premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 195, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle. Le demandeur reproche à l’arrêt de ne pas faire mention, au dispositif, des articles 375 et 376 du Code pénal, soit les dispositions qui punissaient le viol perpétré sous la menace d’une arme, au moment où ce crime aurait été commis. Il soutient qu’en déclarant cette infraction établie mais en se bornant à viser les nouvelles dispositions qui la répriment, les juges d’appel ont violé l’article 195, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle ; il leur reproche également de s’être contredits en énonçant, dans les motifs de l’arrêt, qu’ils appliqueraient la peine en vigueur à la date des faits, alors qu’au dispositif de cette décision, ils ont renvoyé aux dispositions visées par le jugement entrepris, lequel ne faisait pas mention des articles 375 et 376 précités, mais seulement de la loi applicable à la date de ce jugement.
Aux termes de l’article 195, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, tout jugement de condamnation énonce les faits dont les personnes citées sont jugées coupables ou responsables, la peine, les condamnations civiles et la disposition de la loi dont il est fait application.
Lorsque le fait imputé au prévenu est qualifié suivant la définition de la loi nouvelle alors qu'il a été commis sous le régime de la loi ancienne, le juge ne peut déclarer cette infraction établie que s'il constate que le fait était aussi punissable au moment où il a été commis. Cette constatation requiert qu'il indique les dispositions de l'ancienne loi définissant les éléments constitutifs de l'infraction et comminant la peine.
Mais l'obligation prévue aux articles 195, alinéa 1er, et 211 du Code d'instruction criminelle est respectée lorsque l’arrêt reproduit les préventions de la citation en y indiquant les dispositions légales applicables, ou lorsqu’il mentionne celles-ci dans ses motifs. Il n'est pas requis de s'y référer dans le dispositif.
En tant qu’il revient à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Une décision de condamnation du chef de viol, sous la menace d’une arme, d’une personne majeure, commis à l’époque où ce crime était visé aux articles 375, alinéas 1 à 3, et 376, alinéa 3, du Code pénal, doit indiquer ces dispositions.
À la page 2 de l’arrêt, sous la prévention A, les juges d’appel ont visé les articles 375, alinéas 1 à 3, et 376, alinéa 3, du Code pénal. Ces dispositions sont en outre respectivement mentionnées aux pages 5 et 23 de l’arrêt.
Partant, l’arrêt est régulièrement motivé.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Et dès lors que l’arrêt contient, fût-ce ailleurs que dans le dispositif, la mention de ces dispositions, dont les juges d’appel ont indiqué avoir fait application pour infliger une peine au demandeur, la contradiction alléguée n’existe pas.
À cet égard, le moyen manque en fait.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 195, alinéa 5, du Code d’instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Il reproche aux juges d’appel d’avoir, en s’appropriant les motifs du premier juge, choisi la peine et déterminé sa hauteur en ayant égard à la manière dont le demandeur a entendu se défendre : selon ce dernier, les juges d’appel n’ont pu, sans violer les dispositions et le principe général du droit susvisés, le sanctionner en raison de son « manque de sens des responsabilités, de prise de conscience de [sa culpabilité] et de remise en question ».
D’une part, par aucune énonciation, les juges d’appel n’ont reproché au demandeur une absence de prise de conscience de sa culpabilité.
À cet égard, reposant sur une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
D’autre part, pour satisfaire à l’obligation de motivation de la peine, prescrite par l’article 195, alinéa 5, du Code d’instruction criminelle, le juge doit prendre en compte tous les éléments de fait, propres à la cause et à la personnalité du prévenu, qui, non expressément prévus par la loi, justifient, à ses yeux, l’application de la peine concrète qu’il entend infliger. Il peut notamment avoir égard à l’attitude du prévenu envers la victime. Il ne peut toutefois violer les droits de la défense du prévenu en justifiant le choix et la sévérité de la sanction en raison de ses dénégations ou de la manière dont il a entendu soutenir son innocence.
Outre les motifs du premier juge, auxquels l’arrêt renvoie et qui se réfèrent à l’absence de prise de responsabilité du demandeur, à son défaut d’empathie pour la victime et à son manque de remise en question, l’arrêt considère, par motifs propres, que
- les faits dont le demandeur s’est rendu coupable sont particulièrement graves et appellent, par principe et nécessité, un rappel sérieux et dissuasif à la loi ;
- le demandeur n’a pas hésité à imposer à la victime des relations sexuelles forcées, avec violences et sous la menace d’une arme à feu, alors qu’elle était venue chez lui en vue de prestations déterminées et tarifées ;
- le demandeur a ainsi démontré son manque de respect à l’égard d’une personne déjà fragilisée ;
- son comportement est de nature à susciter un sentiment d’insécurité dans le milieu prostitutionnel dans lequel évoluait la plaignante et est de ceux qui engendrent chez les victimes d’importants troubles psychologiques.
L’arrêt ajoute que, pour apprécier la peine, il y a lieu de tenir compte
- de l’usage inacceptable de la violence ;
- de la personnalité du demandeur qui, s’il ne présente pas de signes de perversion, ne semble pas impressionné par les accusations portées contre lui, tandis que l’idée qu’il a forcé quelqu’un à entretenir des relations sexuelles suscite son amusement ;
- de quatre condamnations par le tribunal de police, dont une pour conduite sous l’influence de l’alcool, même si le demandeur ne présente pas d’antécédents correctionnels ou criminels ;
- de la circonstance que depuis les faits dont il est reconnu coupable, le demandeur ne s’est plus fait connaître pour d’autres infractions.
La référence à l’absence de remise en question ou de prise de responsabilité du demandeur ne saurait conduire à devoir tenir pour inexistants l’ensemble des motifs résumés ci-dessus. Cette motivation est suffisamment précise pour justifier le choix et le degré de la peine.
Par ces motifs qui ne reprochent pas au demandeur d’avoir contesté les faits qui lui sont reprochés, mais se réfèrent aux éléments de sa personnalité et à la gravité des infractions, notamment du point de vue de leurs répercussions sur la victime, l’arrêt ne sanctionne pas la manière dont le demandeur s’est défendu.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent trente-sept euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Véronique Truillet, avocat général délégué, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.