N° P.23.1588.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
SIMHO, société anonyme, dont le siège est établi à Andenne, rue Jérusalem, 75,
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 octobre 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen est pris de la violation des articles D.IV.4, D.VII.1, § 1er, 1° et 3°, D.VII.4, D.VII.5, D.VII.12 et D.VII.20 du Code du développement territorial, et D.138, D.164 et D.165 du Code wallon de l’environnement. Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir acquitté la défenderesse, qui était poursuivie pour avoir construit une ou plusieurs installations fixes sans disposer d’un permis d’urbanisme, aux motifs qu’un permis de régularisation lui avait été accordé et que l’infraction n’avait pas fait l’objet d’un procès-verbal de constatation établi conformément à l’article D.165 du Code wallon de l’environnement. Selon le moyen, l’infraction existe indépendamment de sa constatation et l’éventuelle régularisation des constructions irrégulières n’a pas pour effet de faire disparaître le délit pour la période antérieure à cette décision administrative.
Conformément à l’article D.IV.4, alinéa 1er, 1°, du Code du développement territorial, est soumise à un permis d'urbanisme préalable, écrit et exprès, la construction ou l’utilisation d’un terrain pour le placement d'une ou plusieurs installations fixes, pareils travaux consistant dans le fait d'ériger un bâtiment ou un ouvrage, ou de placer une installation, même en matériaux non durables, qui est incorporé au sol, ancré à celui-ci ou dont l'appui assure la stabilité, destiné à rester en place alors même qu'il peut être démonté ou déplacé. En vertu de l’article D.VII.1, § 1er, 1° et 3°, de ce code, exécuter pareils travaux sans permis préalable ou les maintenir constitue une infraction et celle-ci est punie conformément à l’article D.VII.12.
L’article D.VII.4 du code précité prévoit qu’en cas d'infraction visée à l'article D.VII.1, § 1er, les agents constatateurs adressent un avertissement préalable à l'auteur présumé et fixent un délai de mise en conformité compris entre trois mois et deux ans. Lorsqu'il est donné verbalement, l'avertissement est confirmé par un envoi dans les quinze jours par le fonctionnaire délégué ou le bourgmestre selon le cas. Au terme de ce délai et à défaut de mise en conformité, un procès-verbal constatant l’infraction est établi et transmis au procureur du Roi.
Et l’article D.VII.5, alinéa 1er, du même code dispose que le procès-verbal décrit le ou les actes et travaux infractionnels constatés et la ou les dispositions du code qui n’ont pas été respectées.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que l’infraction consistant à établir ou à maintenir les travaux visés par le décret sans disposer d’un permis préalable, existe par le fait d’ériger ou de maintenir ces travaux irréguliers et ce, dès le moment où pareil comportement est accompli. L’existence de l’infraction n’est subordonnée ni à sa constatation par les agents ni à l’absence d’un permis de régularisation.
Le tribunal correctionnel avait été saisi à l’initiative de deux parties civiles par la voie d’une citation directe, conformément à l’article D.VII.12 du Code du développement territorial.
Selon l’arrêt attaqué, la présence d’éléments de construction non conformes au permis d’urbanisme délivré à la défenderesse n’était pas contestée par cette dernière et était, en outre, attestée par des documents établis par la Ville d’Andenne, qui avait imposé un délai afin de régulariser la situation. L’arrêt relève encore que la demande de régularisation, introduite dans le délai imposé, visait à améliorer le projet immobilier et à répondre aux griefs formulés par les parties civiles.
La cour d’appel décide ensuite qu’eu égard à la régularisation accordée à la défenderesse et à la circonstance qu’aucun procès-verbal de constatation d’infraction n’avait été établi, « aucune infraction urbanistique ne [grevait] la construction litigieuse ».
Par ces motifs, les juges d’appel ont violé les dispositions du Code du développement territorial visées au moyen.
Le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit les appels et condamne les parties civiles aux dépens de la défenderesse ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du six mars deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.