N° P.23.1692.F
L.M.,
demandeur en renvoi d’une cour d’appel à une autre pour cause de suspicion légitime,
ayant pour conseil Maître Michel Delacroix, avocat au barreau de Bruxelles,
en cause
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE
contre
L. M., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par requête reçue au greffe de la Cour le 8 décembre 2023, le demandeur sollicite que la cour d’appel de Liège soit dessaisie de la cause portant le numéro LI/L/41/LA/79589/2021 des notices du parquet du procureur du Roi de Liège, fixée sur l’appel formé par le prévenu le 2 juin 2023 contre un jugement du 31 mai 2023 du tribunal correctionnel de Liège, division Liège.
Par arrêt du 10 janvier 2024, la Cour a dit que la demande n’est pas manifestement irrecevable.
L’avis du procureur général près la cour d’appel de Liège est parvenu au greffe de la Cour le 24 janvier 2024.
Le premier président et les membres nommément désignés de la juridiction dont le dessaisissement est postulé ont fait la déclaration visée à l’article 545 du Code d’instruction criminelle.
Le requérant a remis un mémoire au greffe le 22 février 2024.
A l’audience du 6 mars 2024, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DECISION DE LA COUR
1. Cité à comparaître du chef d’outrages à la police, le demandeur expose avoir été, pendant plusieurs années, l’avocat d’un prévenu quérulent qui, étant magistrat, s’est vu poursuivre, selon la procédure du privilège de juridiction, devant la même cour d’appel que celle visée par la requête.
Le demandeur fait valoir qu’en sa qualité de conseil du juge poursuivi, il a été associé aux débordements de son client, ayant été amené notamment à signer ou à cautionner des dizaines de plaintes intempestives, des récusations abusives et des actes de procédure téméraires ou dilatoires mettant en cause une douzaine de présidents et de conseillers composant ladite cour d’appel.
Il précise que ces magistrats sont ceux qui desservent habituellement les chambres pénales et que les membres des autres chambres ont eu vent des excès procéduraux ayant atteint leurs collègues.
Le demandeur se réfère à l’arrêt du 20 avril 2023 de la cour d’appel de Liège qui, avant de déclarer l’opposition de son client non avenue, n’a pas manqué de relever le caractère dilatoire de l’ensemble du comportement du juge M.et de ses divers avocats.
Le demandeur en déduit que, mêlé à une stratégie de défense qui a pu paraître abjecte en raison de ses excès, il peut légitimement craindre que la juridiction qui en a été victime ne puisse juger la cause avec toute la sérénité et l’impartialité requises.
2. La requête en renvoi d’une juridiction à une autre doit articuler des faits probants et précis de nature à entraîner, s’ils sont vérifiés, une suspicion légitime quant à la stricte impartialité, laquelle se présume, de l’ensemble des magistrats composant la juridiction visée.
3. Il ressort de la déclaration recueillie en application de l’article 545 du Code d’instruction criminelle, laquelle est signée par trente-huit magistrats sur les quarante-trois figurant au cadre, qu’avec une majorité significative, les signataires estiment possible de constituer en leur sein un siège apte à connaître de la cause avec l’indépendance et l’impartialité requises.
Le procureur général près la cour d’appel de Liège est du même avis.
4. L’activisme judiciaire dont le demandeur fait état comme d’un comportement ayant pu indisposer les magistrats qui en furent la cible, ne permet pas d’asseoir le dessaisissement postulé sur des éléments vérifiables de nature à renverser la présomption d’impartialité à l’égard de l’ensemble des membres de la cour d’appel. Au vu du nombre de ceux-ci, il ne peut être avancé que chacun d’eux ait nourri, à l’égard du requérant, des sentiments d’animosité propres à les rendre tous suspects de parti pris réel ou apparent.
La requête n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette la requête ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés jusqu’ores à zéro euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du six mars deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert I. de la Serna F. Stévenart Meeûs
F. Lugentz T. Konsek J. de Codt