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06/03/2024 | BELGIQUE | N°P.24.0275.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mars 2024, P.24.0275.F


N° P.24.0275.F
B. A.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Vergauwen, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Emile Claus, 4, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 février 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.<

br> L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur l...

N° P.24.0275.F
B. A.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Vergauwen, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Emile Claus, 4, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 février 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque sept moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 16, §§ 1 et 5, et 27, § 3, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Il est reproché à l’arrêt de contrevenir à ces dispositions légales en s’abstenant d’énoncer le fait pour lequel l’arrestation immédiate a été ordonnée à l’encontre du demandeur.
L’arrêt précise la nature de l’inculpation visée au mandat d’arrêt comme étant relative à des faits de culture de stupéfiants en association.
L’arrêt ajoute que les indices de culpabilité en rapport avec cette inculpation, repris au jugement de condamnation avec arrestation immédiate, résultent des déclarations de certains prévenus désignant le demandeur comme étant la personne qui les a engagés pour travailler dans les plantations.
Ces énonciations permettent d’identifier les faits visés au mandat d’arrêt avec ceux qui ont valu au demandeur de faire l’objet du titre en vertu duquel il est actuellement privé de liberté.
La cour d’appel a, dès lors, satisfait au prescrit de l’article 16, § 5, premier alinéa, de la loi du 20 juillet 1990.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 16, §§ 1 et 5, et 27, § 3, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Le demandeur fait valoir que l’arrêt se contredit en énonçant, d’une part, que le fait pour lequel le titre de détention est décerné est la culture de stupéfiants en association et, d’autre part, que ces faits sont passibles d’une peine supérieure à quinze ans de réclusion.
Il y a ouverture à cassation au titre d’une contradiction dans les motifs, non pas lorsqu’un de ceux-ci n’est pas conforme à la loi, mais bien lorsque la décision prend appui sur deux énonciations qui, inconciliables l’une avec l’autre, s’annulent réciproquement.
Le moyen ne met pas l’arrêt en contradiction avec lui-même. Il le met en contradiction avec la loi. Et la loi qu’ainsi les juges d’appel aurait contredite n’est pas celle visée au moyen mais celle relative à l’incrimination des faits reprochés au prévenu.
Dans la mesure où il confond la notion de contradiction avec la violation d’une loi que le grief n’invoque pas, le moyen manque en droit.
Selon le demandeur, les faits dont il a à répondre ne sont pas passibles d’une peine supérieure à quinze ans, de sorte qu’en affirmant erronément le contraire, la cour d’appel s’est dispensée illégalement de vérifier les risques de récidive, de fuite, de collusion avec les tiers ou de disparition des preuves, prévus par l’article 16, § 1er, alinéa 4.
Mais procédant au contrôle auquel ils auraient été tenus si la peine encourue n’avait pas dépassé quinze ans de réclusion, les juges d’appel ont considéré qu’une mise en liberté provisoire ou une détention sous surveillance électronique ne permettaient pas d’endiguer les risques visés dans leur arrêt. Or, celui-ci se réfère à un antécédent judiciaire spécifique du demandeur, auquel les juges d’appel ont associé « un ancrage marqué dans la délinquance malgré les sanctions qui lui ont déjà été infligées ».
Ces énonciations reviennent à affirmer l’existence de raisons sérieuses de craindre que l’inculpé, s’il était mis en liberté, commette de nouveaux crimes ou délits.
L’erreur dénoncée par le demandeur n’a donc pas d’incidence sur l’étendue du contrôle de légalité effectué par la cour d’appel.
A cet égard, dénué d’intérêt, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 16, §§ 1 et 5, et 27, § 3, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990, ainsi que des articles 2, 25, 42, 43bis, 50, 56, 60, 65, 79, 80, 99bis, 100 et 505, alinéa 1er, 3°, du Code pénal.
Il est reproché à l’arrêt d’énoncer que les faits reprochés au demandeur sont passibles d’une peine dépassant quinze ans de réclusion en vertu des dispositions précitées du Code pénal, alors qu’aucune d’elles ne commine une telle peine.
Comme indiqué en réponse au deuxième moyen ci-dessus, l’erreur dénoncée ne constitue pas une contradiction entre deux motifs de l’arrêt, et elle n’a pas empêché les juges d’appel de mettre la demande de mise en liberté en balance avec le danger d’un nouveau passage à l’acte délinquant.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le demandeur fait valoir qu’en raison de l’admission des circonstances atténuantes par la chambre du conseil, il n’appartenait pas à la cour d’appel de se référer au maximum de la peine théorique prévue par la loi : selon le moyen, elle ne pouvait prendre en considération que le maximum de la peine susceptible d’être prononcée concrètement par le juge du fond après correctionnalisation de la procédure.
A l’instar des deux moyens précédents, le grief est d’avoir retenu une peine dépassant quinze ans de réclusion et, en raison de cette erreur, de n’avoir contrôlé la légalité de la détention que sur la base de l’article 16, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990 et non en fonction des critères complémentaires prévus au quatrième alinéa.
Comme indiqué dans la réponse aux deuxième et troisième moyens ci-dessus, les juges d’appel se sont fondés non seulement sur l’absolue nécessité de la détention pour la sécurité publique, mais également sur le risque d’une rechute dans la délinquance, que les sanctions précédemment infligées n’ont pas réussi à endiguer.
Reposant sur une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Sur le cinquième moyen :
Le demandeur soutient qu’en lui attribuant plusieurs antécédents judiciaires alors qu’il n’en a qu’un, l’arrêt viole la foi due aux actes.
L’arrêt ne précise pas sur quelle pièce il se fonde pour énoncer que le demandeur présente des antécédents judiciaires dont, notamment, une condamnation prononcée à sa charge par la cour de Cardiff, le 6 juin 2014, à une peine d’emprisonnement de dix ans.
Le moyen n’indique pas davantage quelle est la pièce dont l’énonciation critiquée violerait la foi qui lui est due.
A cet égard, imprécis, le moyen est irrecevable.
Le demandeur fait état d’un extrait de casier judiciaire revêtu de la mention « néant », mais l’arrêt ne se réfère pas à cette pièce pour formuler la considération querellée.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Sur le sixième moyen :
Le demandeur soutient que l’arrêt méconnaît le principe général du droit relatif à la présomption d’innocence. Le grief est déduit de ce que les juges d’appel se sont référés au jugement entrepris pour apprécier l’existence d’indices sérieux de culpabilité.
Conformément à l’article 27, § 3, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990, le rejet d’une requête de mise en liberté provisoire est motivé en observant ce qui est prescrit par l’article 16, § 5, alinéas 1 et 2.
Lorsque, statuant en application des articles 27, § 1er, 2°, et § 2, de la loi, la cour d’appel rejette une telle requête, elle doit constater l’existence d’indices sérieux de culpabilité quant aux faits à raison desquels le requérant est privé de liberté.
La vérification desdits indices doit s’effectuer dans le respect de la présomption d’innocence. Une telle présomption est méconnue lorsque la cour d’appel, se bornant à un renvoi pur et simple au jugement de condamnation entrepris, s’approprie en réalité les motifs adoptés par le premier juge pour conclure à la culpabilité du requérant.
L’arrêt attaqué constate la persistance d’indices sérieux de culpabilité. Il les associe aux déclarations de certains prévenus désignant le demandeur comme étant la personne qui les a engagés pour travailler dans les plantations. Il les déduit également des déplacements du demandeur sur les lieux, ainsi que de l’analyse de ses téléphones et de la découverte d’objets de luxe à son domicile alors qu’il ne justifie d’aucune source de revenus en Belgique.
L’arrêt précise que ces indices ne sont pas infirmés par les éléments portés actuellement à la connaissance de la cour d’appel.
De la seule mention que ces indices sont repris au jugement entrepris, il ne saurait se déduire que les juges d’appel se soient appropriés les motifs du premier juge quant à la culpabilité du demandeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le septième moyen :
Quant à la première branche :
Dans sa requête de mise en liberté provisoire, le demandeur a soutenu que la poursuite de sa détention violerait le délai raisonnable garanti par l’article 5.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le moyen reproche à l’arrêt de ne répondre à cette défense qu’au prix d’une confusion avec le délai raisonnable garanti par l’article 6.1 de la Convention.
Mais l’arrêt ne se borne pas à vérifier la durée de l’instruction, le délai de fixation devant le premier juge et le temps qu’il a pris pour rendre sa décision.
L’arrêt relève également que la cause est fixée en introduction devant la cour d’appel à l’audience du 22 février 2024, qu’elle sera examinée aux audiences, y compris de relevée, des 23 et 24 mai 2024, et que ce délai ne témoigne d’aucun retard injustifié compte tenu du nombre d’appelants et du volume du dossier comprenant neuf cartons.
Ces considérations répondent, en l’écartant, à la défense suivant laquelle il est contraire à la Convention de maintenir en état de détention un inculpé à l’égard de qui l’instruction est terminée et pour la comparution duquel, devant la juridiction de fond, aucun délai n’est encore fixé ni même prévisible.
Reposant sur une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Dans sa requête de mise en liberté provisoire, le demandeur a invoqué le dépassement du délai raisonnable garanti par l’article 5.3 de la Convention. Il s’est prévalu de la durée, excessive selon lui, qui sépare son acte d’appel, daté du 30 octobre 2023, de la fixation de la cause à l’audience d’introduction du 22 février 2024.
Le moyen fait valoir que l’arrêt ne répond pas à cette défense.
Mais l’arrêt considère qu’à ce stade de la procédure, soit au moment où les juges d’appel ont statué, la fixation de la cause n’est pas entachée d’un retard injustifié, compte tenu du volume du dossier et du nombre d’appelants.
Opposant ainsi leur appréciation contraire en fait à l’allégation visée au moyen, les juges d’appel ont régulièrement motivé leur décision.
Le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante et un euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du six mars deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.0275.F
Date de la décision : 06/03/2024
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-03-06;p.24.0275.f ?

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