N° C.22.0147.F
CIMENTERIES C.B.R. CEMENTBEDRIJVEN, société anonyme, dont le siège est établi à Braine-l’Alleud, boulevard de France, 3-5, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0400.465.290,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ORBIX, société anonyme, dont le siège est établi à Genk, Henry Fordlaan, 84, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0452.748.785,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le 20 février 2024, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport et l’avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Conformément à l’article 2277 de l’ancien Code civil, les arrérages de rentes perpétuelles et viagères, ceux des pensions alimentaires, les loyers des maisons, le prix de ferme des biens ruraux, les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, se prescrivent par cinq ans.
Cette prescription abrégée, qui tend à protéger le débiteur contre l’accumulation des arriérés d’une dette périodique née d’un même rapport juridique, s’applique à toute dette présentant ces caractéristiques lorsqu’elle se renouvelle par l’écoulement du temps.
L’arrêt attaqué constate que, « le 31 mars 1989, [l’auteur de la défenderesse] et la [demanderesse] ont conclu un contrat de ‘vente de produits à extraire’ en vertu duquel leur collaboration est organisée pour l’exploitation conjointe de [la] carrière de C. [...], dont [ledit auteur] était propriétaire » ; que le premier octroie à la seconde « le droit d’exploiter les gisements de calcaire et de dolomie tout en se réservant l’exploitation de la bande de pierre bleue pour laquelle [la demanderesse] s’engage à acheter les déchets d’abattage non utilisables au sciage et les déchets de sciage » ; que « la redevance à payer par [la demanderesse] est de ‘dix francs par tonne vendue jusqu’à un tonnage de 150 000 tonnes par an (calcaire, dolomie, déchets de pierre bleue confondus) et de huit francs par tonne vendue au-dessus de 150 000 tonnes par an’ » ; qu’« il est par ailleurs précisé qu’en ce qui concerne les déchets de petit granit (pierre bleue), [la demanderesse] acquittera lors de l’achat une somme de quinze francs la tonne, indépendamment de la redevance » ; que « ce contrat reste en vigueur jusqu’à l’épuisement des gisements respectifs, [la demanderesse] pouvant toutefois y mettre fin à tout moment moyennant le préavis d’un an » ; qu’« un addendum au contrat de vente prévo[it] que ‘[la demanderesse] est tenue de vendre chaque année un tonnage minimum de 100 000 tonnes de calcaire, dolomie, déchets de pierre bleue et, à partir du 1er janvier 1991, un tonnage minimum de 75 000 tonnes de grès ; [que], si ces tonnages ne sont pas atteints, la redevance [...] reste néanmoins due pour ces minimas de 100 000 tonnes et de 75 000 tonnes’ », et que « les redevances sont payées une fois par mois, sur la base de l’état détaillé des quantités d’agrégats vendus au cours du mois précédent ».
L’arrêt attaqué n’a pu, sans violer l’article 2277 de l’ancien Code civil, déduire desdites constatations que cette disposition n’est pas applicable aux dettes de redevances de la demanderesse, par les motifs que « les parties [sont] liées non par un contrat de location avec pour contrepartie le paiement d’un loyer mais par un contrat de vente de produits à extraire dont la quantité est définie lors de la conclusion du contrat, s’agissant de la quantité de matériaux à extraire subsistant dans les gisements », que « la dette est le prix des matériaux extraits », que « le prix est fixé par tonne vendue » et que « la dette n’augmente donc pas en fonction de l’écoulement du temps mais en fonction de l’activité de [la demanderesse] et des ventes successives réalisées ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n’y a lieu d’examiner ni le premier moyen ni les deuxièmes et troisièmes branches du second moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il décide que l’action de la défenderesse relative à la période antérieure de plus de cinq années à partir du jour de la citation introductive d’instance n’est pas prescrite ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du huit mars deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.