N° C.23.0344.F
1. K. B., agissant tant en nom personnel qu’en qualité de représentant légal de son enfant mineur É. D., et
2. G. D., agissant en qualité de représentant légal de son enfant mineur É. D.,
3. L. B.,
4. R. B.,
5. P. B., et
6. A. Z.,
7. O. G., et
8. I. M.,
9. C. H.,
10. J.-M. L.,
11. F. R. G., et
12. M. R. V.,
13. M.-C. S., et
14. F. T.,
15. A.-L. T.,
16. A. T.,
17. C. V.,
18. AUTO EXCEPTION, société anonyme, dont le siège est établi à Uccle, rue de l’Anémone, 26, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0439.430.289,
19. EVENT FT, société en nom collectif, dont le siège est établi à Ixelles, chaussée de Waterloo, 468, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0680.503.104,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
1. B. L. LEASEHOLD, société anonyme, dont le siège est établi à Ypres, Zwaanhofweg, 10, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0885.570.012,
2. L. FREEHOLD, société anonyme, dont le siège est établi à Ypres, Zwaanhofweg, 10, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0568.819.678,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Une procédure peut revêtir un caractère téméraire et vexatoire lorsqu’une partie est animée de l’intention de nuire à une autre ou exerce son droit d’agir en justice d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente.
Le juge apprécie en fait l’existence d’un abus sur la base des circonstances de la cause, qui peuvent aussi relever de procédures antérieures entre les parties.
Le moyen, qui, en cette branche, est fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
En vertu des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, celui qui, par sa faute, sa négligence ou son imprudence, cause à autrui un dommage est tenu de le réparer.
Le dommage consiste en l’atteinte à tout intérêt ou en la perte de tout avantage légitime.
Seul le titulaire de cet intérêt ou avantage peut se prévaloir de l’atteinte qui y est portée.
L’arrêt considère que la saisie conservatoire pratiquée par les demandeurs « revêt un caractère manifestement téméraire et vexatoire » dès lors que « le contexte dans lequel elle s’inscrit, et qui n’a pas été révélé à la cour [d’appel] dans le cadre de la procédure sur requête unilatérale, fait apparaître que [les demandeurs] saisissants s’acharnent dans leurs tentatives de pousser les [défenderesses] à plier devant leurs revendications […] qui se caractérisent par des contradictions et revirements » et qu’« à cela s’ajoute que la saisie a été autorisée » sans que soient jointes diverses pièces.
Il en déduit qu’« il y a lieu d’accorder aux [défenderesses] la somme de 50 000 euros […] compte tenu du dommage pour [leur] réputation […] et compte tenu des ennuis, des frais et de l’énergie qu’a engendrés cette démarche complètement inutile pour tous les acteurs de la justice qui ont dû en supporter les conséquences ».
En considérant que le dommage dont peuvent se prévaloir les défenderesses consiste, non seulement en une atteinte à leur réputation, mais aussi en un préjudice subi par des tiers, l’arrêt viole les dispositions légales précitées.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il condamne les demandeurs au paiement de la somme de 50 000 euros à titre d’indemnité pour saisie téméraire et vexatoire et aux dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne les demandeurs à la moitié des dépens et en réserve le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Les dépens taxés à la somme de mille deux cent septante et un euros trente-deux centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du huit mars deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.