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11/03/2024 | BELGIQUE | N°S.21.0070.F-S.22.0090.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2024, S.21.0070.F-S.22.0090.F


N° S.21.0070.F
1. REPLAY BOX, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers, Noorderlaan, 147, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0465.390.855,
2. FASHION BOX SPA, société de droit italien, dont le siège est établi à Asolo (Italie), via Marcoai, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0633.638.840,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de do

micile,
contre
G. R.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline ...

N° S.21.0070.F
1. REPLAY BOX, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers, Noorderlaan, 147, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0465.390.855,
2. FASHION BOX SPA, société de droit italien, dont le siège est établi à Asolo (Italie), via Marcoai, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0633.638.840,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
G. R.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
en présence de
OFFICE NATIONAL DE SÉCURITÉ SOCIALE, établissement public, dont le siège est établi à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.731.645,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun.
N° S.22.0090.F
1. REPLAY BOX, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers, Noorderlaan, 147, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0465.390.855,
2. FASHION BOX SPA, société de droit italien, dont le siège est établi à Asolo (Italie), via Marcoai, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0633.638.840,
demanderesses en cassation,
représentées Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
G. R.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
en présence de
OFFICE NATIONAL DE SÉCURITÉ SOCIALE, établissement public, dont le siège est établi à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.731.645,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation inscrit au rôle général sous le numéro S.21.0070.F est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour du travail de Bruxelles.
Le pourvoi en cassation inscrit au rôle général sous le numéro S.22.0090.F est dirigé contre l’arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 10 janvier 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro S.21.0070.F, les demanderesses présentent un moyen dans la requête en cassation jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme.
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro S.22.0090.F, les demanderesses présentent deux moyens dans la requête en cassation jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme.
III. La décision de la Cour

Sur la jonction des pourvois :
Les pourvois, dirigés contre des arrêts rendus successivement dans la même cause, sont liés entre eux par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les juger par un même arrêt.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro S.21.0070.F :
Sur le moyen :
Suivant les articles 2 et 3 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, le contrat de travail est le contrat par lequel un travailleur s'engage contre rémunération à fournir un travail sous l'autorité d'un employeur.
L’article 328, 5°, de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 définit la relation de travail comme étant la collaboration professionnelle portant sur la prestation d'un travail par une partie en qualité, soit de travailleur salarié, soit de travailleur indépendant, le travailleur salarié comme étant la personne qui s'engage dans un contrat de travail à fournir contre rémunération un travail sous l'autorité de l'autre partie au contrat, l'employeur, et le travailleur indépendant comme étant la personne physique qui exerce une activité professionnelle en dehors de ce lien d’autorité et qui n'est pas engagée dans les liens d'un statut.
Aux termes de l’article 331 de la loi-programme, sans pouvoir contrevenir à l'ordre public, aux bonnes mœurs et aux lois impératives, les parties choisissent librement la nature de leur relation de travail, dont l'exécution effective doit être en concordance avec la nature de la relation ; la priorité est à donner à la qualification qui se révèle de l'exercice effectif si celle-ci exclut la qualification juridique choisie par les parties.
En vertu de l’article 332 de la loi-programme, lorsque l'exécution de la relation de travail laisse apparaître la réunion de suffisamment d'éléments incompatibles avec la qualification donnée par les parties à la relation de travail, appréciés conformément aux dispositions de la loi et de ses arrêtés d'exécution, il y aura requalification de la relation de travail et application du régime de sécurité sociale correspondant ; ces éléments sont appréciés sur la base des critères généraux définis à l’article 333.
Suivant l’article 333, les critères généraux permettant d'apprécier l'existence ou l'absence du lien d'autorité sont la volonté des parties telle qu'elle est exprimée dans leur convention pour autant que cette dernière soit exécutée conformément aux dispositions de l’article 331, la liberté d'organisation du temps de travail, la liberté d'organisation du travail et la possibilité d'exercer un contrôle hiérarchique ; les contraintes inhérentes à l'exercice d'une profession qui sont imposées par ou en vertu d'une loi ne peuvent être prises en considération pour apprécier la nature d'une relation de travail.
L’arrêt attaqué du 19 janvier 2021 énonce que le défendeur était l’administrateur délégué à la gestion journalière de la première demanderesse, filiale de la seconde demanderesse, que les parties ont qualifié cette relation de travail indépendant mais que l’exécution effective de la relation de travail exclut cette qualification au motif, « d’une part », sur la base des exemples donnés aux pages 27 à 31, que « les pouvoirs théoriques dont était censé disposer [le défendeur] en tant qu’administrateur délégué indépendant » ne s’accordent pas avec « la limitation de ces pouvoirs dans les faits », « également […] en ce qui concerne la gestion du personnel », que ces limites « contredisent la liberté » du défendeur, qui ne disposait pas « d’une véritable liberté concernant la gestion du personnel », cadrent « mal avec la situation d’un administrateur délégué indépendant », ne sont pas « le reflet d’une concertation normale entre les dirigeants des filiales ayant un statut de vrai indépendant et les dirigeants de la maison-mère », « font la preuve qu’il existait nécessairement des instructions à respecter […], qui dépassent le cadre de directives générales […] susceptibles d’encadrer le travail d’un indépendant », « d’autre part », sur la base des contraintes en matière de congé, d’horaire de travail, de déplacement professionnel et de justification des incapacités de travail constatées aux pages 32 et 33, que, « en tout état de cause, [le défendeur] ne disposait pas [de la] liberté d’organiser son temps de travail ».
Il ressort de ces énonciations que l’arrêt attaqué déduit l’absence de liberté du défendeur d’organiser son temps de travail, non des limites aux pouvoirs de gestion constatées au pages 27 à 31, mais des contraintes relevées aux pages 32 et 33.
Pour le surplus, les limites des pouvoirs de gestion de la personne chargée de la gestion journalière d’une société et les instructions qu’elle reçoit constituent des éléments pertinents pour apprécier, conformément à l’article 333 précité, la liberté d'organisation du travail de cette personne et la possibilité pour la société d’exercer un contrôle hiérarchique, et les contraintes en matière de congé, d’horaire de travail, de déplacement professionnel et de justification des incapacités de travail constituent de même des éléments pertinents pour apprécier la liberté d'organisation du temps de travail de la personne ainsi que la liberté d'organisation de son travail et la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro S.22.0090.F :
Sur le premier moyen :
Il ne ressort ni de l’énonciation de l’arrêt attaqué du 25 mai 2022 que « le double pécule de vacances est payé au travailleur en mai ou en juin », qui a trait au paiement et non à la date d’exigibilité de ce pécule, ni d’aucune autre énonciation que le double pécule de vacances pour l’année 2010 était dû au défendeur avant le 2 décembre 2010.
Dès lors qu’il ne ressort pas des conclusions des demanderesses qu’elles soutenaient que le mois de décembre 2010 ne correspondait pas aux vacances principales du défendeur, cet arrêt n’était pas tenu de le vérifier.
Le moyen, dont l’examen exigerait une appréciation des faits excédant le pouvoir de la Cour, est, comme le soutient le défendeur, irrecevable.
Sur le second moyen :
L’article 42, alinéa 5, de la loi du 27 juin 1969 dispose que l’action intentée contre l'Office national de sécurité sociale par un travailleur en reconnaissance de son droit subjectif à l'égard de l'Office précité doit, à peine de déchéance, être introduite dans les trois mois de la notification par l'Office précité de la décision d'assujettissement ou de refus d'assujettissement et que les cotisations qui se rattachent à la reconnaissance de ce droit subjectif doivent être déclarées et payées au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel ces cotisations sont dues si elles couvrent une période à venir, ou dans le mois qui suit celui au cours duquel le droit subjectif du travailleur a été reconnu par une décision coulée en force de chose jugée si elles couvrent une période totalement ou partiellement écoulée.
L’arrêt, qui, pour décider que les demanderesses sont « tenues de payer [à l’Office national de sécurité sociale] les cotisations sociales […] sur les sommes déjà versées [au défendeur] durant son occupation au travail en Belgique [du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2014], requalifiée de salariée » par l’arrêt du 19 janvier 2021, fait application de cet article 42, alinéa 5, pour considérer que « le délai de prescription ordinaire de trois ans dont dispose l’Office national de sécurité sociale pour réclamer ces créances ne saurait [être écoulé] », alors que cette disposition ne s’applique pas auxdites créances de cotisations sociales dès lors que l’arrêt du 19 janvier 2021 reconnaît le droit subjectif du défendeur à l’égard, non de l’Office national de sécurité sociale, mais des demanderesses, les employeurs, viole cette disposition légale.
Le moyen est fondé.
Sur la demande en déclaration d’arrêt commun :
Les demanderesses ont intérêt à ce que l’arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros S.21.0070.F et S.22.0090.F ;
statuant sur le pourvoi n° S.21.0070.F,
Rejette le pourvoi ;
statuant sur le pourvoi n° S.22.0090.F,
Casse l’arrêt attaqué du 25 mai 2022 en tant qu’il condamne solidairement les demanderesses à payer les cotisations de sécurité sociale sur les sommes déjà versées au défendeur durant son occupation au travail en Belgique, requalifiée de salariée, et d’en fournir la preuve au défendeur ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Déclare l’arrêt commun à l’Office national de sécurité sociale ;
Condamne les demanderesses aux dépens du pourvoi n° S.21.0070.F et à la moitié des dépens du pourvoi n° S.22.0090.F ;
Réserve le surplus des dépens pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Liège.
Dans la cause S.21.0070.F, les dépens taxés à la somme de deux cent quatre-vingt-huit euros quinze centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Dans la cause S.22.0090.F, les dépens taxés à la somme de cinq cent septante-trois euros cinquante-six centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du onze mars deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.21.0070.F-S.22.0090.F
Date de la décision : 11/03/2024
Type d'affaire : Droit du travail

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-03-11;s.21.0070.f.s.22.0090.f ?

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