N° P.24.0247.F
E. J.,
condamné,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Cédric Moisse et Valérie-Anne Decerf, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
LE PROCUREUR DU ROI DE BRUXELLES,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 février 2024 par le juge de l’application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 6 mars 2024.
A l’audience du 13 mars 2024, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LES FAITS
J. E. a été placé sous mandat d’arrêt le 7 mars 2023 et détenu sous la modalité de la surveillance électronique du chef d’infractions à la législation sur les armes.
Comparaissant détenu sous la modalité précitée, il a été condamné le 24 novembre 2023 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles à une peine d’emprisonnement de trois ans sans sursis du chef desdits faits. Aucune voie de recours n’a été exercée contre cette décision.
Ce jugement étant devenu définitif, le condamné, toujours détenu sous la modalité de la surveillance électronique, a été appelé par le greffe de la prison de Haren en vue de l’exécution du reliquat restant à subir de la peine d’emprisonnement.
Il s’est présenté le 4 janvier 2024 au greffe de la prison et a sollicité le bénéfice de la surveillance électronique ainsi que d’un congé pénitentiaire.
Après l’introduction de cette demande, il a été placé en suspension de l’exécution de sa peine en application de l’article 29, § 2/1, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
Par un jugement rendu le 14 février 2024, le juge de l’application des peines de Bruxelles a déclaré la demande irrecevable, au motif que le demandeur était toujours détenu à la date d’introduction de sa demande et que, partant, il n’aurait pas dû bénéficier de la procédure de suspension prévue par l’article 29, § 2/1 précité.
Il s’agit du jugement attaqué.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen pris, d’office, de la violation des articles 23, § 2, et 29, §§ 1er et 2, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté :
En vertu de l’article 23, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, de la loi du 17 mai 2006, le condamné à une peine privative de liberté dont la partie exécutoire ne dépasse pas trois ans peut se voir octroyer la modalité de la surveillance électronique s’il se trouve à six mois près dans les conditions de temps pour l’octroi d’une libération conditionnelle.
Aux termes du second paragraphe de cet article, quatre mois avant la date d’admissibilité à la détention limitée ou à la surveillance électronique ou immédiatement si ce délai ne peut être respecté, le directeur informe le condamné de ces possibilités et ce dernier peut, dès ce moment, introduire une demande écrite, conformément aux articles 29 et 49.
L’article 29, §§ 1 et 2, de la loi du 17 mai 2006 dispose que la détention limitée et la surveillance électronique sont accordées par le juge de l'application des peines à la demande écrite du condamné, celle-ci étant à introduire au greffe de la prison.
Selon l’article 29, § 2/1, lorsque le condamné dont le greffe de la prison constate, après qu'il s'est spontanément présenté à la prison après réception de l'ordre d'exécution de sa condamnation du ministère public, qu'il doit subir une ou plusieurs peines privatives de liberté pour lesquelles il se trouve, à six mois près, dans les conditions de temps pour l'octroi d'une libération conditionnelle, peut introduire immédiatement la demande écrite précitée. L'exécution de la peine privative de liberté est suspendue une seule fois de plein droit dès l'introduction de cette demande.
Cette dernière disposition légale se borne à organiser un régime de suspension de l’exécution de la peine pour le condamné non détenu qui se présente spontanément à la prison pour l’exécution de sa peine et qui, se trouvant à six mois près dans les conditions de temps pour l'octroi d'une libération conditionnelle, introduit par écrit une demande de surveillance électronique.
Par contre, l’introduction d’une telle demande par un condamné à une peine d’emprisonnement à exécuter ne dépassant pas trois ans est régie par les articles 23, § 2, et 29, §§ 1er et 2, de la loi du 17 mai 2006 et non par l’article 29, § 2/1, de la même loi.
En tenant compte de la détention préventive déjà subie depuis le 7 mars 2023, le demandeur se trouvait, au jour de l’introduction de sa demande écrite le 4 janvier 2024, à moins de quatre mois avant la date d’admissibilité à la surveillance électronique et, partant, était donc en droit d’introduire immédiatement une telle demande au greffe de la prison, ce qu’il a fait.
En déclarant irrecevable la demande de surveillance électronique régulièrement introduite le 4 janvier 2024 par le demandeur au greffe de la prison, le juge de l’application des peines a violé les articles 23, § 2, et 29, §§ 1er et 2, de la loi du 17 mai 2006.
Il n’y a pas lieu d’examiner les moyens invoqués par le demandeur dans son mémoire qui ne sauraient entraîner une cassation sans renvoi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause au juge de l’application des peines de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.