N° C.23.0124.F
UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS LIBÉRALES, dont le siège est établi à Ixelles, rue de Livourne, 25, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0411.729.366,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
1. MS AMLIN INSURANCE, société européenne, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 37, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0644.921.425,
2. AMMA ASSURANCES, association d’assurance mutuelle, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue des Arts, 39, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0409.003.270,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Uccle, avenue Winston Churchill, 250, où il est fait élection de domicile,
défenderesses en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 2 novembre 2020 et 29 novembre 2021 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 22 février 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la deuxième branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par la seconde défenderesse et déduite du défaut d’intérêt :
L’arrêt attaqué du 2 novembre 2020 énonce qu’il convient, « afin de déterminer l’étendue du recours subrogatoire de [la demanderesse], de comparer l’objet du recours, [soit les] décaissements effectués par [elle], et l’assiette, [soit la] totalité des sommes que [la bénéficiaire] aurait pu obtenir en droit commun si [la demanderesse] n’était pas intervenue », que l’objet du recours comprend les « diverses prestations médicales » décaissées par la demanderesse à cause de l’accident, que cette dernière a payé également des « douzièmes hospitaliers » mais doit encore prouver que ces décaissements sont en lien causal avec l’accident, c’est-à-dire qu’ils « couvre[nt] uniquement les frais de l’hospitalisation » de la bénéficiaire, et que l’assiette du recours contient les « diverses prestations médicales », qu’elle ne contient pas les « douzièmes d’hospitalisation » et que la demanderesse est invitée à prouver qu’elle contient encore d’autres sommes.
Il ressort de ces énonciations que celles qui sont relatives au lien causal entre le décaissement des douzièmes hospitaliers et l’accident ne constituent pas un motif distinct et suffisant de la décision de limiter le recours subrogatoire de la demanderesse au montant des diverses prestations médicales, sous réserve de la preuve que la bénéficiaire aurait encore pu obtenir d’autres sommes.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
Conformément à l’article 34, alinéa 1er, 6°, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, les prestations de santé comprennent l’hospitalisation et, suivant l’article 37, § 7, de la même loi, pour ces prestations, l'intervention de l'assurance soins de santé est fixée conformément aux dispositions prévues en la matière par la loi sur les hôpitaux.
En vertu de l’article 136, § 2, alinéa 1er, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, les prestations visées par cette loi sont refusées lorsque le dommage découlant d'une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès est effectivement réparé en vertu du droit commun.
Suivant l’article 136, § 2, alinéa 4, l'organisme assureur est subrogé de plein droit au bénéficiaire ; cette subrogation vaut, jusqu’à concurrence du montant des prestations octroyées, pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu du droit commun et qui réparent partiellement ou totalement le dommage visé à l'alinéa 1er.
Conformément à l'article 136, § 5, dans la version applicable au litige, le Roi fixe les règles selon lesquelles la partie de la réparation ou de la récupération qui a trait au budget des moyens financiers attribué aux hôpitaux, défini dans l'article 87 de la loi sur les hôpitaux, et qui est comprise dans les montants qui sont payés en douzièmes par les organismes assureurs, est fixée, portée en compte, récupérée et comptabilisée.
En vertu de l'article 87 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée
le 7 août 1987, le budget des moyens financiers fixé pour chaque hôpital distinct est composé d'une partie fixe et d'une partie variable.
Suivant l'article 104bis de la même loi, pour les patients qui relèvent d'un organisme assureur visé dans la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, une partie du budget des moyens financiers, fixée par le Roi, est liquidée en douzièmes par les organismes assureurs en proportion de leur part respective dans les dépenses totales pour l'hôpital concerné au cours du dernier exercice connu.
En vertu de l’article 2 de l’arrêté royal du 11 juin 2003 portant exécution, en ce qui concerne les montants que les organismes assureurs doivent liquider en douzièmes en application de la loi coordonnée sur les hôpitaux, des articles 136, § 1er, alinéa 3, 136, § 5, et 164, alinéa 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, le montant de la récupération par la subrogation, visée à l’article 136, § 2, de cette dernière loi, qui se rapporte au budget des moyens financiers, visé à l’article 87 de la loi sur les hôpitaux, est fixé en multipliant le prix par paramètre d'activité, prévu par l’article 104ter de la loi sur les hôpitaux pour les patients qui ne relèvent pas d’un organisme assureur, par le nombre total de journées d'entretien, et en diminuant le résultat de ce produit du montant de la réduction de l'intervention de l'assurance.
Il suit de l’article 136, § 2, alinéa 4, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, qui prévoit en termes généraux que la subrogation de l’organisme assureur dans les droits du bénéficiaire vaut jusqu'à concurrence du montant des prestations octroyées, sans distinction selon la personne à qui les prestations sont payées, que la subrogation vaut jusqu'à concurrence du montant des prestations payées tant au bénéficiaire lui-même que, à son profit, directement aux prestataires ou aux institutions de soins, telles les prestations payées en douzièmes en application de la loi sur les hôpitaux.
Il suit de l’article 136, § 5, précité que l’organisme assureur récupère ces prestations payées en douzièmes conformément aux règles fixées par le Roi sur la base de cette disposition.
L’arrêt attaqué du 2 novembre 2020, qui rejette la demande en récupération des « douzièmes hospitaliers », dirigée par la demanderesse, organisme assureur subrogé dans les droits de la bénéficiaire, contre les défenderesses, assureurs des responsables en droit commun, au motif que la bénéficiaire, « ne devant pas payer les douzièmes d’hospitalisation, ne dispose pas d’un recours pour ce poste contre le tiers responsable », viole l’article 136, §§ 2, alinéa 4, et 5, précité.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
La cassation de l’arrêt attaqué du 2 novembre 2020 en tant qu’il statue sur les soins de santé entraîne l’annulation de l’arrêt du 29 novembre 2021, dans la mesure où il en est la suite.
Et il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué du 2 novembre 2020 en tant qu’il statue sur les soins de santé ;
Annule l’arrêt du 29 novembre 2021, sauf en tant qu’il statue sur les indemnités ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé et de l’arrêt partiellement annulé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du quinze mars deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.